Plantu, l’un des plus grands noms de la caricature française, était à Montréal le 20 janvier dernier dans le cadre d’une conférence intitulée « Libérez les crayons ». Cette discussion s’invite dans un contexte où certaines caricatures font la une des médias, parce qu’elles n’ont pas été comprises, mal interprétées, comme celle de Riss et son dessin sur l’avenir qu’aurait pu avoir le jeune Syrien Aylan, échoué sur la plage.
Par Manon Lefèvre-Mons, journaliste et chroniqueuse
« Libérez les crayons », parce qu’il faudrait toujours permettre aux caricaturistes de faire leur métier sereinement, de le faire sans être attaqués, menacés, voir même tués. Pendant toute cette conférence, Plantu a tenté d’expliquer que le caricaturiste se doit d’être toujours à la limite du correct, qu’il doit osciller entre le correct et l’incorrect, voire même tendre vers ce qui dérange. Parce que le but de ces dessins, outre de faire rire, est d’interpeler les lecteurs sur des sujets tabous, sur la politique, sur le sexe, ou encore sur des non-dits, des choses que l’on perçoit à travers des votes contestataires, par exemple.
L’intérêt des caricatures réside dans la provocation d’une réaction chez le lecteur, peu importe laquelle. Son discours était intelligent puisqu’il m’a fait prendre conscience que le caricaturiste représentait aussi la démocratie, tant qu’un gouvernement les laisse dessiner et critiquer ce qu’ils veulent.
Au travers de plusieurs de ses caricatures, Plantu cherchait à nous faire comprendre que les menaces sont omniprésentes, que le dessin s’il choque trop peut avoir des effets dévastateurs, comme pour Charlie Hebdo. Mais, qu’il ne faut jamais céder à la peur ou à l’autocensure. Les réseaux sociaux propagent les informations à une vitesse fulgurante, y compris les caricatures. Malheureusement, c’est souvent les moins bien interprétées qui font le « buzz » sur la toile. Mais ce sont ces « mauvaises » caricatures qui provoquent des réactions politiques, ou encore des réactions de dessinateurs qui répondent par la plume plutôt que par la violence.
Caricaturistes, fantassins de la démocratie
Pour terminer cette conférence, Plantu a tenu à nous faire visionner le film Caricaturistes, fantassins de la démocratie, sélection officielle du Festival de Cannes 2014, qui retrace le parcours de 12 caricaturistes dans leurs pays respectifs. Ils sont parfois victimes de censure, de persécution dans des pays où le gouvernement se veut démocratique. Plantu, qui fait partie des dessinateurs présents dans le film voulait attirer notre attention sur les enjeux du métier de caricaturiste et de la société dans laquelle il est exercé.
Ce long métrage réalisé par Stéphanie Valloato nous montre le quotidien d’un Français, d’une Tunisienne, d’un Russe, d’un Mexicain, d’un Américain, d’un Burkinabé, d’un Chinois, d’un Algérien, d’un Ivoirien, d’une Vénézuélienne, d’un Israélien et d’un Palestinien, qui tous défendent leur démocratie avec la plus belle arme qui soit : un crayon.
(crédit visuel : Plantu – gracieuseté)