Ils sont trentenaires et veulent incarner le renouveau de la droite. En visite au Canada pour évaluer la prochaine mise en oeuvre du CETA, cinq parlementaires français Les Républicains (LR) se sont prêtés au jeu du question-réponse animé par Aurélia Le Tareau et Baptiste Bardes-Saoli, auprès d’une assemblée de sympathisants du parti de Laurent Wauquiez hier soir, à l’Auberge Saint-Gabriel à Montréal. La politique d’Emmanuel Macron et la stratégie du parti de droite étaient au menu de la soirée.
« Emmanuel Macron applique un fait majoritaire extrêmement écrasant », assène Pierre-Henri Dumont. Le député du Pas-de-Calais ne décolère pas contre l’omnipotence de la nouvelle majorité. Il égraine les exemples: « La République En Marche (LREM) a créé des co-présidences pour tous les groupes d’études pour pouvoir les contrôler, ce qui n’a jamais été le cas avec les autres majorités »; il ajoute : « Les députés LREM ont interdiction de co-signer des amendements ou propositions de loi avec les autres partis ».
« Au Sénat, aucunes de nos propositions ne sont retenues! L’Assemblée Nationale détricote tout! », s’insurge Christine Lavarde, sénatrice des Hauts-de-Seine. Les jeunes parlementaires veulent incarner une opposition « constructive mais vigilante ».
« Macron a quitté le parti socialiste au bon moment contrairement à Valls », s’amuse Virginie Duby-Muller, députée de Haute-Savoie et secrétaire générale des Républicains. À son tour, elle dénonce l’amateurisme et le manque de culture parlementaire de ses collègues du « nouveau monde ». Selon elle, « tout tient sur la personnalité d’Emmanuel Macron ». Pierre-Henri Dumont complète: « Au bout d’un moment, le vernis va craquer, la droite doit être prête ».
La droite porteuse du libéralisme
Pour autant, les jeunes parlementaires n’éludent pas les questions stratégiques sur le parti de Laurent Wauquiez. « On doit se poser la question: Pourquoi les Français n’ont plus confiance en nous, et pourquoi les jeunes ne sont pas allés voter », s’interroge Mme Duby-Muller.
Dans l’assemblée, on reproche au parti de droite d’avoir délaissé les questions économiques. Damien Abad, député de l’Ain et vice-président des Républicains, acquiesce: « On doit porter tous les sujets mais pour autant, ne pas s’excuser tous les matins d’être de droite ». Il dénonce le discours « libéral » du président de la République qui, à ses yeux, n’a rien de libéral. « L’effort pèse encore sur les classes moyennes », se désole le vice-président des LR. « Notre responsabilité, c’est de nous occuper de la dette, de la fiscalité et du déficit public. On ne résout pas le problème de la dette par l’impôt », explique-t-il.
Les parlementaires, venus apprécier les enjeux du CETA en terre canadienne, se disent favorables à sa mise en oeuvre. « Si on ne signe pas celui-la, on n’en signera pas d’autres », prévient Damien Abad. Il reste plus sceptique sur le Mercosur, le marché commun du sud, car « les normes de qualité ne sont pas là ».
Immigration: s’inspirer du Canada
La question de l’immigration fut également abordée par les parlementaires venus observer le modèle canadien, basé sur l’immigration choisie. « Il faut s’inspirer du Canada », affirme Virginie Duby-Muller. Là encore, Emmanuel Macron est pris pour cible, accusé de ne s’occuper que du droit d’asile, soit 15% des titres délivrés. « Il faut appliquer la loi, justifie Pierre-Henri Dumont, car 82% des déboutés du droit d’asile restent en France. Il faut être ferme avec les décisions de justice et expulser. »
Damien Abad renchérit: « On ne doit pas laisser le Front National parler d’immigration car il détourne cette question pour des raisons politiques ».
France-Québec: « Nous sommes les héritiers du Général de Gaulle »
À la veille de la 20e Rencontre alternée des premiers ministres français et québécois, entre Philippe Couillard et Édouard Philippe, qui se déroulera en France du 5 au 9 mars prochains, Pierre-Henri Dumont, ancien administrateur de l’OFQJ, reste dubitatif: « le programme ne déchaîne pas les passions ». Il se dit sceptique sur la volonté d’Emmanuel Macron de privilégier la relation franco-québécoise.
« Nous sommes les héritiers du Général de Gaulle, nous devons préserver cet héritage », affirme le parlementaire, rompant ainsi avec une vision plus fédéraliste de Nicolas Sarkozy en 2009. Il soutient que « tout sera fait pour défendre cette relation privilégiée » au sein du parti de Laurent Wauquiez.
Aux interrogations des militants sur les dissensions dans le parti de Laurent Wauquiez, Damien Abad les balaie d’un revers de main: « Y’en a assez des gens qui défendent leur boutique personnelle! Le rassemblement ça se crée, ça ne se décrète pas ».
(Crédit photo: Nathalie Simon-Clerc)