Desjardins, 1er groupe financier coopératif au Canada, est implanté en France depuis 2012. La banque coopérative, qui accompagne particuliers et professionnels dans leurs projets de mobilité vers le Québec, veut marquer son emprise sur le marché convoité des nouveaux arrivants, en proposant ses services depuis Paris, avant même le départ pour le Canada. Ainsi, Desjardins participera à la prochaine édition des Journées Québec fin mai et au Forum Expat début juin dans la capitale française et ouvrira une boutique éphémère au cœur de Paris en juin.
Entrevue avec Rémy Paris, franco-canadien de 45 ans, directeur du Marché des particuliers chez Desjardins, recueillie par Romain Lambic
L’Outarde Libérée: Pourquoi participer aux Journées Québec, organisées les 26 et 27 mai à Paris ?
Rémy Paris: C’est un événement majeur pour les travailleurs français voulant aller au Québec, organisé deux fois par an, en mai et en novembre. Plus d’une centaine de recruteurs québécois viennent rencontrer, faire passer des entretiens et sélectionner des travailleurs français, jeunes et avec de l’expérience, dans des domaines très variés : informatique, santé, soudure, chauffeurs de poids lourds… Comme ces gens sont proches de leur départ, puisque certains repartent avec une offre d’emploi, il est important de leur présenter la culture bancaire québécoise, comment préparer financièrement son départ, comment nous pouvons les accompagner dans ces projets…
C’est aussi une occasion pour eux de rencontrer d’autres acteurs de l’immigration. La Délégation Générale du Québec à Paris organise cet événement en lien étroit avec Montréal International, Québec International et la société de développement économique de Drummondville. Mais l’essentiel de la délégation reste les entrepreneurs qui viennent chercher des candidats. Il y a un engouement qui croît chaque année autour de cet événement, qui est de plus en plus important. Le taux de chômage au Québec étant très faible, moins de 6 % en janvier 2018 – moins de 3.3 % dans la Ville de Québec, il y a donc un grand besoin de main d’œuvre dans différents métiers, les entreprises sont contraintes d’aller chercher des travailleurs, notamment en France. Nous-mêmes, chez Desjardins, il nous arrive de venir recruter des collaborateurs en technologies de l’information. Il existe un autre événement qui s’appelle Destination Canada, sur le même principe, mais qui concerne toutes les Provinces du Canada sauf le Québec. Il est organisé une fois par an, par l’Ambassade du Canada, en novembre, à Paris et à Bruxelles.
Desjardins sera aussi présent, pour conseiller les futurs partants, au Forum Expat, accessible à tous, sur simple inscription gratuite, et qui aura lieu les 5 et 6 juin, aux Docks – Cité de la Mode et du Design à Paris.
L’OL: Au mois de juin, Desjardins va tenir une boutique éphémère à Paris, pouvez-vous nous en dire plus ?
RP: Cette boutique éphémère, qui s’appellera la Cabane Desjardins (www.lacabanedesjardins.fr), sera située à côté de Beaubourg. Elle aura pour vocation d’accompagner toutes les personnes souhaitant étudier, travailler, entreprendre ou investir au Canada. Des experts seront présents et viendront donner des conseils sous forme de conférences, à raison de deux par jour. Elle sera ouverte du 4 au 28 juin, tous les jours, week-end compris. Elle sera aux couleurs du Québec et à l’image des paysages urbains de la Belle Province.
Nous y mettons en avant les partenaires avec qui nous travaillons tout au long de l’année. Parmi les participants, il y aura notamment l’OFQJ, la maison des étudiants canadiens, PVTistes.net, Montréal International, Québec Original, la Délégation générale du Québec, l’Ambassade du Canada, qui sera présente pour l’inauguration. C’est un lieu dans lequel vont se réunir tous les acteurs qui gravitent autour de l’immigration pour accompagner les futurs partants. Ce sera un lieu où seront également bienvenus les membres québécois de Desjardins vivant ou de passage à Paris. Une petite surprise sera réservée pour ceux qui viendront nous rendre visite à la Cabane Desjardins. De plus, tous les visiteurs pourrons jouer pour gagner des billets A/R Paris Montréal, offerts par Air Transat, en répondant au « Quizz des Cousins ». Le concept de cette boutique éphémère s’inspire de points de service que nous avons mis en place dans certaines universités pour les 18-30 ans, les 360d, très modernes, avec de jeunes conseillers pour accompagner les jeunes autours de leurs projets.
L’OL: Quels services propose Desjardins pour les Français qui vont s’installer au Québec ?
RP: Nous avons tout un programme dédié aux nouveaux arrivants, qui se décline en plusieurs volets. Nous avons un bureau de représentation en Europe implanté à Paris, qui permet de fournir des premières informations aux futurs partants. Ce bureau a été créé en 2012, il accompagne à la fois les particuliers, mais aussi les entreprises, peu importe le type ou la taille du projet. Ensuite, nous offrons la possibilité d’ouvrir gratuitement un compte en ligne en trois étapes.
Desjardins dispose de toute une équipe dédiée aux nouveaux arrivants, composée d’anciens immigrants, qui ont vécu ce parcours, qui sont multilingues, multiculturels… Ils donnent des conseils multiples et variés aux nouveaux arrivants. Nous proposons également un package financier avantageux pour eux, avec un compte courant sans frais et des transactions illimitées, une carte de débit gratuite, une carte de crédit sans dépôt et sans frais, un coffret de sécurité et la reconnaissance de l’assurance automobile. Desjardins propose également tout un cycle de conférences gratuites, qui aborde différents sujets, sur le mode de fonctionnement des cartes, sur l’immobilier, le placement, la gestion des comptes, etc.
L’OL: Comment cela se passe-t-il pour les Québécois désirant s’installer en Europe ?
RP: En effet, notre bureau européen a également pour vocation d’accompagner les Québécois qui veulent venir en Europe. Quand les personnes arrivent, nous nous appuyons sur le réseau de notre partenaire bancaire mutualiste, le groupe Crédit Mutuel-CIC, avec qui nous avons des accords de prise en charge privilégiée. Nous avons également un accord pour que les retraits effectués avec une carte de débit Desjardins soient sans frais dans les guichets Crédit Mutuel CIC. Ces retraits sans frais fonctionnent non seulement pour ceux qui s’installent, mais également pour ceux qui visitent la France. Nous pouvons également ouvrir des comptes pour les Québécois venant en France, même si les procédures administratives sont plus compliquées qu’outre-Atlantique.
L’OL: Depuis combien de temps Desjardins a une antenne en France ?
RP: Nous sommes implanté à Paris depuis 2012. Au départ, notre vocation était d’accompagner les entreprises, puis, en 2014, nous avons ouvert le volet « particuliers » pour répondre à une demande de plus en plus forte. Plus de 1 000 entreprises et 3 000 particuliers ont d’ores et déjà bénéficié de nos services. Cela va d’une simple demande d’information à un accompagnement complet. Comme nous sommes une banque mutualiste et coopérative, nous n’avons pas vocation à aider que les plus « riches », comme en témoigne l’histoire de Desjardins. Cette banque coopérative a, en effet, été créée en 1900 par Alphonse et Dorimène Desjardins, en s’inspirant du modèle mutualiste européen. À cette époque, les petits porteurs francophones n’arrivaient pas à se faire prêter de l’argent par les banques anglophones qui prêtaient surtout aux « riches ». Le couple Desjardins a donc créé une caisse locale où tout le monde mettait ses moyens en commun pour aider les petits épargnants qui voulaient financer un projet. Les caisses se sont multipliées au fil des années, et aujourd’hui Desjardins en compte plus de 300, qui ont gardé leur fondement coopératif. Quand quelqu’un ouvre un compte chez Desjardins, il devient membre de la coopérative et a le droit à différents avantages. Nous sommes tous propriétaires de notre institution financière.
L’OL: Pourquoi Desjardins a-t-il développé cette stratégie de faciliter l’installation des Français ou des Québécois de chaque côté de l’Atlantique ?
RP: Il y a un réel besoin car il existe un flux régulier de Français vers le Canada, qui sont plus de 150 000 à étudier ou résider de manière temporaire ou permanente au Canada. Nous avons fait le constat de l’importance de les accompagner avant même leur départ pour les aider à réussir leur projet au Canada notamment sur le plan financier. Nous avons une approche globale du futur partant, que ce soit pour les particuliers ou pour les entreprises. Nous avons des experts bien implantés qui peuvent répondre aux besoins des uns et des autres.
L’OL: Vous aidez également les entreprises à s’installer au Québec…
RP: Changer de pays, c’est changer de culture d’affaires. Nous accompagnons dès l’Europe ces entreprises, pour comprendre leurs besoins. Nous pouvons les aider à monter leur plan d’affaires à la québécoise ou à la canadienne pour être entendu des autorités ou des éventuels bailleurs de fonds au Canada. Nous leur donnons des conseils sur les marchés les plus porteurs, les habitudes d’affaires au Québec, le type d’entreprise qu’il est possible de créer, les différents statuts juridiques. Nous pouvons également assurer une mise en relation avec des experts, soit en France, soit au Québec, pour préparer son projet d’affaire. Peu importe que ce soit une PME ou une grande entreprise.
Nous avons aidé, par exemple, Derichebourg Environnement pour son implantation au Canada, ainsi que Décathlon. Dans l’autre sens, nous avons aidé CommunAuto (partage de voitures entre particuliers) ou le Cirque du Soleil à opérer en France.
L’OL: Comment gérer ses comptes une fois installé au Québec ?
RP: Nous recommandons aux nouveaux arrivants de conserver leur compte en France, pour continuer de gérer leurs affaires financières françaises, que ce soit pour les impôts, pour certains revenus, ou dans le cas d’un héritage. Si le nouvel arrivant est sûr de résider plus de six mois au Canada, il est fortement recommandé d’ouvrir un compte canadien pour percevoir ses revenus, ses bourses ou d’éventuelles aides, ainsi que pour bénéficier de moyens de paiement canadiens qui vont vous permettre de construire votre historique de crédit.
L’OL: En quoi consiste l’historique de crédit?
RP: Il s’agit d’une note attribuée à chaque résident canadien, qui est donné par deux organismes indépendants, TransUnion et Equifax. Ils prennent en compte toutes les habitudes de paiement des résidents et donnent une note en fonction des prélèvements bancaires, des factures de téléphone, d’internet et d’électricité, des crédits de consommation ou immobiliers. Cette base leur permet de définir si tel ou tel résident est un « bon » ou un « mauvais » payeur. Cette note se construit avec le temps. Plus vous payez vos factures à temps, plus cette note augmente, elle descend si vous avez des retards de paiement. Cet historique de crédit est très utile pour faire des achats à crédit, optimiser la tarification de ses assurances, ouvrir une ligne téléphonique ou Internet. Les opérateurs peuvent refuser d’ouvrir une ligne téléphonique en l’absence d’un historique de crédit. Certains propriétaires demandent également cet historique, avant de vous louer un appartement, afin de vérifier si vous êtes un bon ou un mauvais payeur. Pour se constituer cet historique de crédit au plus tôt, il est fortement recommandé de se munir, dès son arrivée, d’une carte de crédit et de l’utiliser. Mieux elle est gérée, plus la note augmente.
L’OL: Quelle est votre vision de la mobilité franco-québécoise, quelles en sont les perspectives ?
RP: Tout le monde devrait pouvoir voyager, se confronter à d’autres cultures que la sienne, c’est toujours enrichissant. Que les Français aillent au Québec ou que les Québécois viennent en France, c’est une façon de grandir. Cette tendance devrait s’accélérer car les jeunes sont plus mobiles que les générations précédentes.
Cependant il est important que les Français qui partent au Québec fassent preuve d’humilité et se rappellent qu’ils doivent s’adapter à leur société d’accueil où les personnes ne vivent pas et ne pensent pas comme eux. En effet, les Québécois ne sont pas des Français qui vivent en Amérique du Nord, mais bien des Nord-Américains qui parlent français. Je regrette également qu’il n’y ait pas autant de Québécois qui viennent en France que de Français qui partent dans la Belle Province. Le PVT (Programme Vacances Travail), par exemple, est un programme également ouvert aux jeunes canadiens qui aimeraient effectuer un séjour en France. Mais dans la réalité, peu d’entre eux le savent ou en bénéficient. Enfin, avec la signature de l’AECG (L’accord économique et commercial global), entre l’Union Européenne et le Canada, les transactions transatlantiques vont s’accroître et générer de la richesse pour les deux régions ainsi que des emplois et donc des opportunités de mobilité.
Guide en ligne:
www.desjardins.com/VivreAuCanada
https://www.desjardins.com/ressources/pdf/b30-installer-travailler-canada-f.pdf?navigMW=luac&