Par Pascal Eloy
Depuis le 4 janvier 2019, les cinémas québécois proposent le film « Les vieux fourneaux » de Christophe Duthuron, mettant en vedette Pierre Richard, Eddy Mitchell et Roland Giraud. Succès commercial en France avec plus de 900 000 entrées, « Les vieux fourneaux », premier film du comédien, metteur en scène et scénariste Christophe Duthuron, est une adaptation de la bande dessinée à succès écrite en 2014 par Wilfrid Lupano et illustrée par Paul Cauuet.
Ce film raconte l’histoire d’Antoine (Roland Giraud) qui vient tout juste de perdre sa femme et qui, par hasard, apprend qu’il y a 50 ans, elle l’a trompé avec Armand Garan-Servier, son patron. Cette découverte rend fou de rage le syndicaliste qu’il était et qui s’était toujours opposé au mépris de son patron. Sans fournir aucune explication, il décide de prendre son arme et de quitter son Tarn natal pour la Toscane où il compte retrouver cet homme et lui régler son compte. Ses amis d’enfance, Pierrot (Pierre Richard) et Mimile (Eddy Mitchell), accompagnés par Sophie (Alice Pol), la petite-fille d’Antoine, partent à sa poursuite pour l’empêcher de commettre l’irréparable.
Si le mot « fourneau » signifie « crétin » en argot, on peut dire que nos trois comparses, loin d’être des idiots, ne manquent pas d’imagination pour prouver que la vieillesse n’est pas un naufrage. Pierrot, anarchiste notoire, continue, malgré l’âge, à sillonner les routes au volant de son bolide hors d’âge ou de trafiquer les systèmes d’ouverture des banques de manière à les rendre inaccessibles ; Mimile, un ex-globe-trotter qui a fait plusieurs fois le tour du monde (sans qu’on sache pourquoi il a quitté subitement son pays) se morfond dans une maison de retraite perdue tandis qu’Antoine campe un syndicaliste à la retraite, rigide et colérique. Poussés par les réminiscences du passé et bien décidés à en découdre avec les dérives capitalistes, ces petits vieux hors normes se lancent à l’assaut d’une nouvelle vie, à travers un road movie endiablé. Et pourtant…
S’ils nous régalent d’une saveur langagière à l’ancienne, les dialogues, mitonnés par Lupano lui-même, n’évitent pas toujours les clichés. Par exemple, le personnage de Pierre Richard, par son désir effréné d’affirmer vigoureusement son côté rebelle, s’embarque dans une outrance qui l’envoie, parfois, au rang de clown pathétique, tuant ainsi l’effet cocasse recherché. Il semble même étouffer Roland Giraud qui, hagard, peine à trouver sa place au milieu de ce tourbillon. Quant à Eddy Mitchell, il semble s’ennuyer, nonchalamment, tout au long du film. Dès lors, le passage des cases dessinées aux plans cinématographiques ne semble pas complètement réussi, car le scénario manque parfois d’une consistance que les cabotinages de nos trois « vieux » acteurs ne parviennent pas à combler. Heureusement Alice Pol, par sa présence adoucit et tempère ce trio, car elle vient y ajouter une touche de jeunesse, en marionnettiste enceinte, obligée d’endurer les frasques de ce trio pour qui emmerder la société est un credo qui s’intensifie avec les années.
Alors, l’intrigue est un peu brouillonne et longue à se mettre en place, tandis que certaines répliques à la Michel Audiard dans « Les tontons flingueurs » paraissent plaquées sur un jeu d’acteurs distraits. De plus, en dehors d’une jolie séquence en stop-motion, on peut remarquer que la réalisation comporte d’étonnantes erreurs de raccord (par exemple, une chemise sale ne l’est plus 20 secondes plus tard, comme par magie).
Bref, il ne s’agit pas d’un grand film ni d’un futur classique du cinéma français, mais un film à regarder entre amis, sans rien attendre de spécial, pour passer le temps.