Une plainte concernant l’accès au stage d’adaptation des infirmières et infirmiers formé(e)s à l’étranger dans le réseau de la santé et des services sociaux au Québec, a été examinée sans complaisance par le Commissaire à l’admission aux professions, qui veut renforcer le rôle de Recrutement Santé Québec et réviser l’ARM Québec-France « pour plus de transparence ».
L’infirmière française, dont l’anonymat est préservé, qui a déposé plainte auprès du Commissaire à l’admission aux professions, en août 2017, se plaint de ne pouvoir effectuer le stage d’adaptation de 75 jours, exigé pour devenir infirmière au Québec. L’accord de reconnaissance mutuelle des diplômes entre la France et le Québec (ARM), signé en juin 2010, prévoit pourtant un accès facilité dans les établissements de santé du Québec pour les infirmières de l’Hexagone.
La plaignante a envoyé plus d’une vingtaine de demandes de stage, sans succès. Selon le rapport d’examen de la plainte, « les principales raisons invoquées concernent le manque de ressources humaines ou financières, la réorganisation du réseau de la santé et des services sociaux ou encore l’absence de places de stage. » L’infirmière a déposé plainte au motif que le processus « de reconnaissance des compétences visé par une entente de reconnaissance mutuelle entre gouvernements » est dysfonctionnel.
Pourtant, un besoin criant d’infirmières au Québec…
Le Commissaire à l’admission aux professions, André Gariépy, s’interroge : « La situation étonne, tant les besoins et le recours à la main-d’œuvre formée à l’étranger sont dans le paysage du réseau de la santé et des services sociaux depuis longtemps. » De plus, le Québec manque cruellement d’infirmières, au point que Recrutement Santé Québec soit parti avec plusieurs centaines de postes à pourvoir dans sa valise, lors des Journées Québec de Paris les 26 et 27 mai derniers.
Le rapport met également le doigt sur la situation personnelle de l’infirmière française. « Dans le cadre de ses démarches, s’appuyant sur certaines communications, la plaignante a entrepris la vente de sa maison et de son cabinet », puisqu’elle exerçait en tant qu’infirmière libérale. André Gariépy qualifie ces communications de « confondantes » et admet que la Française ait « cru à une embauche et préparé sa migration ».
Renforcer le rôle de Recrutement Santé Québec
Le Commissaire à l’admission aux professions note également « une inconstance dans le traitement des dossiers des candidates et candidats formés à l’étranger et des capacités organisationnelles très inégales entre les CISSS (Centre intégré de Santé et des Services Sociaux) pour gérer ce genre de profil. »
C’est pourquoi, il recommande que tous les dossiers des candidats formés à l’étranger soient traités par Recrutement Santé Québec, qui aujourd’hui, agit seulement sur mandat des CISSS. Le ministère de la santé et des services sociaux a accueilli favorablement cette recommandation.
Ajuster l’ARM Québec-France
Par ailleurs, la situation d’infirmière libérale (en soins à domicile) de la plaignante a joué en sa défaveur puisque, selon le rapport, « lorsqu’ils souhaitent embaucher une infirmière formée en France, les établissements de santé québécois privilégient les infirmières qui travaillent déjà en milieu hospitalier ou dans des cliniques en France… ». Pourtant le rapport stipule que « le stage est censé être offert à l’ensemble des infirmières formées en France dont le dossier a été jugé admissible à la délivrance d’un permis restrictif temporaire (PRT) (par l’Ordre des Infirmiers et Infirmières du Québec), quel que soit le profil de l’infirmière. »
Le stage reste coûteux pour l’établissement de santé qui prend en charge l’encadrement du stagiaire, les frais liés aux démarches d’immigration (1500$) et le salaire de l’infirmière en PRT. Selon le rapport, « Il reste que l’infirmière formée en France qui doit effectuer un stage d’adaptation n’est généralement pas informée que l’accueil en stage dans un établissement de santé se fait nécessairement dans la perspective d’une embauche. »
André Gariépy note que « l’Arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) entre le Québec et la France pour les infirmières et les infirmiers ne fait pas de distinction entre les profils hospitalier et libéral français » et que « les infirmières et infirmiers français de pratique libérale auraient plus de difficulté à obtenir une place de stage, tant leur profil soulève des questions chez les CISSS. »
Le Commissaire à l’admission aux professions suggère que l’ARM soit ajusté afin de prendre en compte ces différences. Il ajoute que l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec a accueilli favorablement cette recommandation et souhaite y travailler avec le concours des autorités compétentes françaises.
M. Gariépy note en conclusion « une incohérence dans le texte de l’ARM entre le fait de conclure à une équivalence globale des titres de formation et des champs de pratique pour la profession infirmière et le fait d’imposer un stage d’adaptation. »