Roland Lescure a accueilli L’Outarde Libérée dans son bureau parisien pour parler de l’année à venir.
Par Jacques Simon
Au moment où il nous reçoit dans son grand bureau de Président de la Commission des Affaires économiques, Roland Lescure nous avertit qu’il faudra se presser : il a rendez-vous avec France 2 au Journal télévisé du soir. Ce n’est d’ailleurs pas une exception. Depuis quelques temps, le député des Français d’Amérique du nord se retrouve de plus en plus régulièrement sur le petit écran et dans les pages de grands quotidiens nationaux. Libération, Le Figaro, L’Express et même le Globe and Mail canadien… Lescure ne se prive pas.
« Après un an et demi passé à travailler les dossiers, à mettre en place la Commission économique, à être rapporteur général sur la loi PACTE, je souhaite progressivement m’investir davantage dans les débats nationaux » nous explique-t-il ; façon de dire à demi-mot qu’il va falloir s’y habituer. Ça n’est d’ailleurs pas nouveau : en septembre dernier, quand nous l’avions rencontré au même endroit par marquer le coup de la rentrée, il avait expliqué vouloir passer d’un « rôle de chef d’orchestre » à un « rôle un peu plus politique ».
C’est à peu de chose près la seule similarité entre les deux entretiens que nous avons eus avec le député. Si c’était les rapports Genetet et Cazebonne (sur la fiscalité et l’AEFE respectivement) ainsi que la Loi PACTE qui nous préoccupaient avant, le tableau a bien changé. Depuis, la majorité gouvernementale a eu affaire au mouvement des gilets
jaunes et le député a essuyé un revers sur la question de la CSG-CRDS.
La CSG, une déception
« Alors, la CSG ? » lance-t-on au député. Pas besoin d’en dire plus, il sait de quoi on parle. « On est à moitié satisfaits, à moitié déçus » explique Lescure, avant d’ajouter que « pour les Français qui vivent en Amérique du nord, on est plus déçus ». En effet, il y a de quoi : alors que le Rapport Genetet avait préconisé la suppression pure et simple de la CSG-CRDS et que Lescure avait soutenu cette proposition, le Projet de loi des finances de 2019, voté à la fin de l’année dernière, n’a pas été à la hauteur des espérances.
Le gouvernement n’a en effet suivi ce conseil que pour les expatriés résidant dans l’Espace économique européen (EEE). Cette mesure s’est accompagnée d’une contrepartie fiscale, sous la forme d’une augmentation de l’impôt sur le revenu de 20 à 30%. Double peine, donc, pour les Français hors des frontières de l’EEE : non seulement la CSG – CRDS continue à être prélevée, mais en plus l’impôt sur le revenu augmente de 10 points de pourcentage pour les revenus au-dessus de 27 700 euros annuels.
« On va continuer à pousser pour que cette exemption se généralise » a l’ensemble des Français de l’étranger promet Lescure. Malheureusement, le budget de cette année a été voté et est donc acté. Le prochain volet de cet échange aura lieu lors du débat autour du Projet de loi de finances de 2020, dans un an. « La loi a parlé » conclut Lescure, non sans une touche d’amertume.
Quant à la possibilité d’en faire une question déterminante de sa représentation éventuelle devant les Français d’Amérique du Nord en 2022, il n’en est pas question. « Je ne suis absolument pas dans cette logique de même me poser cette question » dit-il. Pourrons-nous voter pour le candidat Lescure à la fin du quinquennat ? « Vous ne le saurez pas avant la fin de 2021 ». Soit.
Gilets jaunes, RIC et Grand débat : une synthèse
« C’est une colère qui couvait depuis des années » explique Lescure au sujet des gilets jaunes, « il faut écouter, il faut entendre ». À l’instar de ses collègues marcheurs cependant, cette concession est tout de suite suivie d’une atténuation : « après les mesures annoncées par le président juste avant Noël, et votées — très rapidement — par le parlement, je pense que la colère devait légitimement retomber ».
Et pourtant, force est de constater que, samedi après samedi, tout le monde n’est pas d’accord avec ce constat. « Il reste une frange extrême qui commet des actes totalement impardonnables », dit-il sans pour autant soutenir une solution musclée à la crise. « Les manifestations ne sont jamais illégitimes en France, plaide-t-il. Cependant, il faut qu’elles soient déclarées et qu’elles se produisent de manière pacifique ».
Outre les manifestations, le grand mouvement social qui a commencé en France en novembre dernier a eu son lot d’effets sur la politique nationale. Parmi les plus médiatisés se trouve le Grand débat, lancé le 15 janvier par le Président. Dans une lettre adressée à l’ensemble des Français, Macron interpelle textuellement les « Français résidents à l’étranger » et leur demande de participer à l’effort collectif. Un geste qui sera sûrement apprécié par la communauté française internationale qui a pu se sentir
un peu oubliée par celui pour qui elle avait massivement voté en 2017.
« J’en suis très heureux » s’exclame Lescure. On ne peut qu’imaginer qu’il y a eu, de la part des députés des Français de l’étranger, un petit signe envoyé à l’équipe présidentielle pour souligner que cette mention serait fort appréciée. Et pourtant, les modalités de cette participation restent floues. Dans l’Hexagone, il aura principalement lieu dans les mairies, chose difficilement traduisible à l’étranger. « Cela reste encore à préciser » concède le député, même s’il esquisse d’ores et déjà trois formes possibles.
D’abord, une « forme officielle, neutre politiquement, portée par le gouvernement et qui devra sans doute mobiliser les consulats et les ambassades ». Ensuite, « les députés, qui vont faire leur travail ». Enfin, « le mouvement En marche, qui fera ses ateliers qui seront, forcément, un peu plus partisans ». Pas encore de projet concret, donc, même si
l’équipe parlementaire y travaille actuellement.
Parmi les propositions qui reviennent régulièrement lors des manifestations du samedi, le Référendum d’initiative citoyenne (RIC). « Je suis très partagé là-dessus » avoue Lescure. « Il faut évidemment réinventer la démocratie participative au XXIe siècle, il y a une vraie réflexion à mener autour de ça », cependant, « les RIC peuvent amener à poser des questions complexes auxquelles les référendums peuvent apporter des réponses un peu simples. Trouvons d’autres manières d’associer d’avantage les Français à leur démocratie ».
Un nouveau moyen de communiquer avec la circonscription
Depuis plus d’un an et demi, il est possible de communiquer directement avec Roland Lescure par le biais de l’application Fluicity, une initiative qui avait initialement été lancée comme une « expérimentation ». « On est un peu déçus des résultats » avoue le député, pointant du doigt la faible activité. Pour essayer de dynamiser la communication avec la circonscription, Lescure se lance dans un Facebook live mensuel, à l’instar de sa collègue Anne Gennetet.
Tous les derniers samedis du mois, il sera dorénavant possible de lui poser des questions directement. La première édition aura lieu le 26 janvier prochain, depuis le consulat de San Francisco. Pour poser votre question au député, il vous suffit de remplir ce formulaire.
[ Crédit photo : Jacques Simon ]