La 22e édition du festival Cinémania a présenté les 4 et 5 novembre, le dernier film de Rachid Bouchareb : La Route d’Istanbul. Un film poignant sur la jeunesse djihadiste et l’enfer d’une mère qui cherche désespérément à ramener sa fille partie en Syrie. Une douleur qui fait écho à l’actualité de ces derniers mois.
La France, la Belgique, le monde entier a été frappé récemment par des attentats. Perpétrés par Daesh, leurs partisans sont souvent très jeunes, à peine majeurs pour certains. Un travail d’endoctrinement parfois très rapide comme l’explique l’actrice principale du film, Astrid Whettnall : « La radicalisation peut se faire en deux mois, c’est extrêmement court dans la vie d’une famille. On peut ne pas le voir arriver. » Pour camper le rôle d’une mère à la recherche de sa fille disparue, en réalité partie faire le djihad en Syrie, Astrid Whettnall s’est beaucoup renseignée sur le sujet. Livres, documentaires, et mêmes vidéos d’endoctrinement, le processus lui a semblé extrêmement bien rôdé: « Les vidéos sont très bien faites, la mise en scène est superbe, il y a une musique envoûtante. C’est terrifiant de voir ces hommes, robotisés déverser un discours aussi haineux. »
Selon l’actrice, il est parfois facile pour les recruteurs de jouer sur la corde sensible, de donner envie aux jeunes. Tout simplement parce que le monde actuel crée de moins en moins d’idéaux. « Le monde actuel a un gros problème de morale, de sens de la vie, de futur pour les jeunes. La politique devient dramatique. Les inégalités sont violentes. Les jeunes se posent des questions, et Daesh leur apporte de fausses réponses », ajoute-t-elle. On peut d’ailleurs voir un extrait d’une vraie vidéo d’endoctrinement, elle provoque un malaise, des larmes aux yeux. Probablement l’un des passages les plus poignants du film.
La stigmatisation des familles
La Route d’Istanbul se veut presque pédagogique, au-delà de la fiction se cache une réelle envie d’alerter les gens sur les dangers de la stigmatisation. Il faut montrer que derrière chaque jeune embrigadé se cache une famille, remplie de solitude. Une solitude d’ailleurs extrêmement bien jouée par Astrid Whettnall qui doit faire face au refus des autorités françaises de l’aider, qui décide du jour au lendemain, sans rien préparer de partir avec son sac à dos, tenter de retrouver sa fille. « Les familles sont aussi des victimes. Victime d’un mouvement sectaire extrêmement radical qu’ils n’ont pas vu arriver, mais aussi de la société qui leur rappellera tous les jours qu’ils sont familles de djihadistes », explique Astrid Whettnall. Elle a d’ailleurs pu rencontrer des mères qui ont vécu ou qui vivent cette situation. Mais aussi des pères, dont un Belge, qui aura élevé ses enfants dans le culte bouddhiste, dans la tolérance et l’amour. Il aura pourtant vu son fils partir faire le Djihad et ne jamais revenir vivant de Syrie. Tous les scénarios sont possibles.
Ce film est pudique, sincère, parfois presque irréel. Certaines scènes nous paraissent loin de notre quotidien, pourtant il s’agit d’une réalité, d’un grave phénomène qui pousse certains jeunes, issus de tous milieux, de toutes religions à partir rejoindre les camps de Daesh. Astrid Whettnall en mère courage, transmet aussi bien sa solitude dans son combat, que sa presque incapacité à changer le cours des choses. La Route d’Istanbul rappelle à tous les parents « qu’il faut toujours rester en contact avec son enfant. Dialoguer. »
En salle au Québec le 9 décembre 2016, ou en diffusion sur TV5 Canada, ce dimanche 13 novembre à 20h