Par Georges Poirier
Adjoint au maire de Laval (France)
Ancien président national de France-Québec
Très éclectique depuis longtemps, la relation franco-québécoise compte un volet de coopération décentralisée depuis vingt ans. Les premiers « ateliers » sur les échanges et les liens entre collectivités des deux pays se sont tenus à Québec en 2001. La « rencontre virtuelle » organisée ce 27 avril, a rassemblé plus de 250 personnes, élus locaux et techniciens sur le thème « les territoires s’adaptent et innovent face à la crise ».
Le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, était l’hôte de ce « sommet numérique », en attendant de vraies Assises en 2022, peut-être–être à Rochefort. C’est en effet à La Rochelle qu’étaient prévues les VIe Assises de la coopération décentralisée, après Québec en 2001, Bordeaux en 2003, Québec en 2008, Lyon en 2011, Lévis en 2013. Des échéances électorales, de part et d’autre, puis l’actuelle pandémie ont reporté plusieurs fois ces Assises. La « rencontre virtuelle » du 27 avril a donc renoué avec les échanges de bonnes pratiques.
Mettre en commun les bonnes pratiques
Deux ministres ont ouvert cette rencontre, animée par Stéphane Courgeon. Pour la France, Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat chargé du Tourisme, des Français de l’étranger et de la Francophonie, est un bon connaisseur du Québec. Pour lui, la relation franco-québécoise est un « joyau ». Il rappelle que, depuis la création du Fonds franco-québécoise pour la coopération décentralisée, 250 projets ont été soutenus dont 37 pour les années 2021-2022. Andrée Laforest, ministre québécoise des Affaires municipales et de l’Habitation, juge « essentiel de mettre en commun nos bonnes pratiques » et souhaite « l’émergence de nouveaux projets de coopération ». Autre intervenante officielle, la jeune maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy, co-présidente du groupe de travail relations internationales de l’Association des Maires de France (AMF) : « La crise met les collectivités en première ligne, dit-elle, on agit local mais on pense mondial car les collectivités ne peuvent agir seules ».
Une capsule vidéo sur un réseau de distribution de produits locaux par le Pôle agroalimentaire de Lotbinière au Québec a lancé le premier échange sur la résilience des territoires face à la crise sanitaire. « Tous les territoires sont impactés », note le géographe d’Aquitaine Olivier Bouba-Olga. Il estime que le télétravail, « vraie question » à long terme, peut avoir une « conséquence colossale au plan géographique ». Marie-Christine Therrien, directrice de Cité-ID Living Lab à Québec, constate que certains quartiers concentrent des populations vulnérables mais que les villes québécoises n’ont « pas de compétences socio-sanitaires ». Les deux intervenants s’accordent sur la nécessité de coordinations « multi-acteurs ».
Économie relocalisée et économie circulaire
L’atelier Économie relocalisée et économie circulaire a d’abord été illustré par deux vidéos sur le Pacte alimentaire de la Région Nouvelle-Aquitaine et la première « FabRégion » au Québec, dans le Bas Saint-Laurent. Lorenzo Daïeff, du laboratoire d’innovation urbaine « Montréal en commun », a présenté un système alimentaire intégré. Cédric Chevalier, président de la Commission Jeunesse de la Région Grand-Est, en France, rappelle que la coopération franco-québécoise est « une vraie tradition » dans sa Région et remarque que « les Régions redécouvrent les circuits courts ». Philippe Lutz, adjoint au maire de Marennes-Hiers-Brouage (Charente-Maritime) ; montre comment une petite commune peut agir en abondant des bons d’achat injectés dans l’économie locale.
Initiatives sociales
Une vidéo de la ville de Baie-St Paul au Québec a ouvert l’atelier Initiatives sociales en témoignant des efforts faits pour animer la ville, l’été dernier, malgré la pandémie. Cédric Arcos, directeur général adjoint de la Région Ile-de-France, souligne « le besoin de décloisonnement » avec trois objectifs : « protéger, soutenir, innover ». Pour Medhy Zeghouf, adjoint au maire d’Evry-Courcouronnes, en région parisienne, il faut « faire corps avec le territoire et donner de la couleur à la ville : on a pris de nouvelles habitudes de travail ». Alicia Despin, jeune adjointe à la culture de la Ville de Québec, raconte que « tout le monde s’est mis autour de la table pour faire en sorte que les gens sortent dehors ». Les sites de plein air sont devenus gratuits, des « déambulations » créées avec 1000 artistes embauchés pour l’été. Et la cellule de crise va devenir permanente.
Aménagement du territoire
Le dernier atelier concernait l’Aménagement du territoire, introduit par une vidéo de la ville de Drummondville (Québec) sur des « zones de consommation » publiques en terrasses, des « cercles » de distanciation dans les parcs… Mickaël Bouloux, maire du Rheu (Ille-et-Vilaine) et vice-président aux relations internationales de l’agglomération Rennes Métropole, évoque la création d’un « bureau des temps » pour étaler les horaires et mieux rythmer les déplacements. Nicolas Fecteau, de Victoriaville, expose la tradition locale de développement durable depuis 50 ans. Bruno Chiaverini, directeur des relations internationales de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, insiste sur les difficultés de la saison d’hiver en période de crise sanitaire, en compagnie d’Isabelle Seigle-Ferrand de la direction de l’agriculture de la Région.
La coopération franco-québécoise c’est du concret !
Frédéric Sanchez, Consul général de France à Québec
La conclusion de cette « rencontre virtuelle » est revenue aux deux diplomates de la relation franco-québécoise. Michèle Boisvert, Déléguée générale du Québec à Paris, se félicite de « l’agilité dont font preuve les collectivités territoriales pour trouver des solutions innovantes et adaptées ; elles ont les clés pour agir au mieux au plus près des citoyens ». Elle est « persuadée que l’avenir s’annonce prospère ». Pour Frédéric Sanchez, Consul général de France à Québec, « la coopération franco-québécoise c’est du concret, utile aux habitants et aux territoires. On a les outils et des financements pour accompagner les échanges et les collaborations. Nous avons tous envie d’avenir ensemble ».