Soukaïna Jeannot, honorée par deux ministères fédéraux : Citoyenneté et Immigration Canada (région Québec) et Condition Féminine Canada, le 13 février 2013. crédit photo : AGENCE MÉDIAMOSAÏQUE
Le 17 mars dernier débarquait à Paris une délégation québécoise composée de 40 jeunes femmes issues du monde francophone. Invitées par Yamina Benguigui, ministre française déléguée à la Francophonie, à participer au premier Forum mondial des femmes francophones, elles ont partagé leurs expériences et utilisé leur langue commune pour tenter de parler d’une seule et même voix. Geneviève Baril et Sukaina Jeannot, citoyennes engagées dans la cause des femmes depuis plusieurs années au Québec, faisaient partie du voyage.
“Je remercie Pauline Marois qui a accepté dès mon arrivée que la question des femmes soit au coeur de la francophonie. J’ai une magnifique délégation et c’était très très important que ça parte d’ici (…) pour bien montrer qu’il y a l’axe Paris mais aussi l’axe Québec”, déclarait le 15 mars dernier, Yamina Benguigui venue présenter le Forum mondial des Femmes francophones dans le cadre des rencontres alternées des Premiers ministres français et québécois.
Sukaina Jeannot est coordinatrice de projets pour le Centre d’encadrement pour jeunes femmes immigrantes de Montréal (CEJFI). Geneviève Baril, quant à elle, dirige le département de développement des compétences citoyennes à l’Institut du Nouveau Monde.Toutes deux font partie des 120 millions de femmes francophones à travers le monde. Aux côtés des 400 participantes (issues des 77 sociétés civiles constitutives de l’espace francophone) réunies par ce forum, elles ont réfléchies pendant une semaine sur trois thématiques : Économie et entrepreneuriat au féminin / Violences faites aux femmes / Éducation et culture. En toile de fond de ces réflexions, c’est d’abord l’identité de la femme francophone qu’elles ont commencé à définir.
La femme francophone
L’expression du féminisme francophone ne se cantonne pas en effet au “Deuxième sexe” de Simone de Beauvoir ni à l’élection d’une femme Première ministre au Québec. Pour ces deux citoyennes engagées, ce qui unit les femmes francophones par-delà leurs disparités culturelles, c’est une réalité linguistique d’abord, mais aussi celle d’une domination systémique dérivée d’un modèle patriarcal toujours en vigueur aujourd’hui.
“Ma condition de femme francophone, je la vis d’abord à travers une perspective intuitive. Être une francophone au Québec, c’est adhérer à poursuivre le vivre ensemble français au milieu de 300 millions de locuteurs anglophones. Dans une perspective plus internationale, les femmes francophones partagent une condition, une langue, et c’est là un merveilleux vecteur pour construire une solidarité aux quatre coins de la planète”, précise Geneviève Baril. “Nous les femmes francophones ne sommes pas une minorité. Nous devons nous ouvrir et nous faire entendre. Nous devons nous servir de nos différences pour nous inspirer les unes les autres”, estime de son côté Sukaina Jeannot.
Développer un réseau
Dans cette optique d’ouverture, la délégation québécoise a pris part à des rencontres-terrains et des ateliers de réflexion. Pendant une semaine, entre Paris et Nantes, les participantes ont visité des organisations gouvernementales, des associations, des organismes à but non lucratif avec comme objectifs de développer un réseau et de promouvoir un partage d’expertise sur le long terme.
“Ce Forum tombait en plein dans mes intérêts, avec une large part consacrée à l’éducation et l’accès aux emplois des femmes. Je voulais enrichir mes connaissances, voir ce qui se faisait ailleurs et réfléchir à comment ces pratiques, qui existent dans d’autres pays, pourraient être relayées et utilisées au Québec”, raconte, dans un enthousiasme manifeste, Sukaina Jeannot.
Suivant cette logique, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (créé en janvier 2013), une institution française responsable d’évaluer l’impact des politiques élaborées par le gouvernement en matière d’égalité a particulièrement retenu l’attention de Geneviève Baril. “C’est un peu le pendant québécois du Conseil du statut de la femme (dont Madame Baril est membre ndrl) détaille-t-elle, et j’aimerais voir comment les deux institutions pourraient en venir à collaborer. Ils doivent organiser en septembre un colloque sur les questions de genre, or ce sont des problématiques sur lesquelles nous avons déjà travaillées, et sur lesquelles nous pouvons échanger nos perspectives.”
De ces multiples interactions, la délégation québécoise a tiré un Livre blanc intitulé « Un genre de Printemps – 40 jeunes voix pour une francophonie au féminin », qui compile 15 recommandations autour des thèmes ciblés par le Forum. Ce livre a été remis au Président de la République française, François Hollande en personne. “C’est une fierté pour moi d’avoir apposé ma signature et mon nom à ce Livre blanc, et même si on ne peut pas encore en mesurer concrètement les suites, je pense que ce Forum constitue un premier pas vers quelque chose de plus grand”, projette Sukaina Jeannot.
Féminisme français et féminisme québécois
Au cours de leur séjour, Sukaina et Geneviève ont pu écouter des figures du féminisme québécois telle que l’ex-députée péquiste et ancienne ministre du gouvernement du Québec, Louise Beaudoin, ou la présidente de la Fédération des femmes autochtones du Québec, Viviane Michel, mais aussi des personnalités féministes françaises comme Sylvie Braibant, rédactrice en chef à TV5 Monde. Elles en ont retiré un regard croisé sur la situation des femmes en France et dans la Belle province.
Si elles sont en désaccord sur la place que ces sociétés accordent aux femmes et au féminisme, Sukaina Jeannot évoque un “féminisme tranquille” pour la France, là où Geneviève Baril observe au contraire “un nouveau milieu féministe très rafraîchissant, très nourrissant”. Toutes deux s’accordent cependant à dire que la pensée féministe hexagonale a une longueur d’avance dans la place qu’elle accorde aux hommes.
“Le défi du féminisme québécois réside dans sa capacité de renouvellement, et c’est vrai qu’il faut agir des deux côtés de l’équation. Nous avons déjà commencer ce débat là, mais le mouvement reste encore très divisé”, affirme Geneviève Baril. Elle est confortée dans son analyse par Madame Jeannot : “Le Québec a beaucoup avancé, mais il reste toujours un travail de sensibilisation à faire du côté des hommes notamment afin de les conscientiser, et les rendre acteurs du changement. Dans mon métier je constate que le plafond de verre est encore très présent et que certains postes restent réservés aux hommes.”
L’avenir de ce forum
Ce Forum, en s’intégrant dans une triple dimension internationale, nationale, régionale et en s’appuyant sur la société civile, avait pour ambition de créer un rapport de force pour les femmes sur la scène internationale, et même s’il est trop tôt pour en mesurer les effets, Sukaina et Geneviève se félicitent de ce premier pas franchi pour lever les consciences. “Les membres de la délégation de l’OJIQ/OFQJ sont toutes jeunes, et qui sait, plus tard elles se retrouveront peut-être dans des postes décisionnels. Si nous parvenons à entretenir les connexions établies lors du forum, ça pourra servir par la suite”, conclut Madame Baril. Grâce à ce Forum, les femmes francophones disposent déjà d’une plateforme Web www.femmesfrancophonie.org sur laquelle elle pourront continuer à discuter et développer des projets communs.
A propos de Sukaina Jeannot,
coordinatrice de projets pour le Centre d’encadrement pour jeunes femmes immigrantes de Montréal (CEJFI). Afin de faciliter l’intégration professionnelle de ces femmes dans leur société d’accueil, elle travaille depuis plusieurs années à créer un réseau de partenariat et des actions concrètes afin d’orienter les jeunes filles dans les professions dites “non traditionnelles”. Elle participe à la Table de concertation montréalaise pour l’accès et le maintien des femmes dans les métiers traditionnellement masculins du CIAFT (Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail), et au comité des femmes du Conseil régional des élus de Montréal.
A propos de Geneviève Baril,
directrice de développement des compétences citoyennes à l’Institut du Nouveau Monde Elle y encadre les programmes jeunesses, dont l’École Femmes et démocratie chargée de favoriser la représentation politique des femmes. Martine Desjardins, présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), est d’ailleurs passée par cette école, avant de s’illustrer comme figure médiatique et militante de la grève étudiante québécoise de 2012. Elle est membre du Conseil du statut de la femme, a été administratrice de groupe Femmes, Politique et Démocratie et membre du Réseau jeunes femmes leaders de la Conférence régionale des élu(e)s de Montréal. De 2001 à 2004, elle a occupé le poste de Vice-présidente du Conseil permanent de la jeunesse (Gouvernement du Québec).
A propos de la délégation Québécoise :
Cette délégation a été constituée par l’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) en partenariat avec les Offices jeunesse internationaux du Québec (LOJIQ)
Les femmes francophones c’est bien, mais que fait-on pour les femmes autochtones? Au Québec il reste encore une minorité féminine dont personne ne parle. Faut-il enseigner le français dans les réserves pour qu’ils – épicène etc… – soient pris au sérieux ? Faut-ils leur distribuer des Bescherelles ou des copies de la convention des droits de l’homme – encore épicène etc…- parce qu’aujourd’hui le débat de luxe des féministes francophones qui veulent occuper des postes masculins est clairement indécent et égocentrique s’il se limite à remplacer une caste par une autre. c’est peut-être bien plus la femme autochtone qui est l’avenir de l’homme québécois plus que sa consoeur…
Je trouve cette initiative très critiquable. La francophonie mérite d’être défendue (et repensée en profondeur), tout comme la condition féminine pour laquelle il y a bien des combats à mener. Mais le mariage des deux me paraît relever d’un opportunisme politique et d’un passéisme idéologique certains. Que les gouvernements de Pauline Marois et de JM. Ayrault se retrouvent dans cette initiative démagogique est très révélateur. On crée un machin supplémentaire qui n’apportera strictement rien, ni pour la cause des femmes ni pour celle de la francophonie. Le seul résultat sera de créer un entre-soi réconfortant pour une poignée de personnes subventionnées, alors que nos pays traversent une crise sans précédent…