crédit photo : Rozenn Nicolle – Tous droits réservés
Louis Giscard d’Estaing, candidat de l’Union des Démocrates et Indépendants (UDI) à l’élection législative partielle d’Amérique du Nord, a choisi Montréal pour lancer sa campagne, et présenter officiellement sa suppléante, la franco-montréalaise Séverine Boitier. Un choix stratégique pour ce candidat mieux connu aux États-Unis, et qui devra séduire les Français du Canada pour asseoir une légitimité remise en question par ses adversaires.
Louis Giscard d’Estaing doit vite tirer son épingle du jeu et convaincre. Le fils de l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing, aurait pris la décision de se présenter il y a peu, mais le lancement de sa campagne démontre une stratégie déjà huilée. En entamant sa tournée à Montréal par la nomination de Séverine Boitier comme suppléante, il envoie un message fort à la communauté des Français du Québec dont il aura besoin pour remporter cette élection législative partielle (avec près de 50 000 électeurs inscrits, Montréal est la plus grande communauté d’Amérique du nord).
“Je souhaitais vous donner ce soir, ici à Montréal, la primeur de ce choix qui est de faire une équipe au service des Français de l’Amérique du Nord, qui s’étend sur deux pays, les États-Unis et le Canada. Et pour cela il fallait bien sûr que nous soyons représentatifs de ces deux grands pays”, a-t-il déclaré devant la cinquantaine de personnes venues assister à la rencontre publique organisée par l’UDI Canada.
Installée à Montréal depuis 16 ans, Séverine Boitier connait bien les milieux associatif, entrepreunarial et politique locaux. Avec ce ticket, Louis Giscard d’Estaing espère ainsi se bâtir une équipe de terrain pour se faire élire, puis faire entendre la voix de tous les Français d’Amérique du nord. Sa première annonce de candidat porte d’ailleurs sur la création d’un statut officiel du député suppléant afin qu’il puisse jouer un vrai rôle dans le travail parlementaire, et faciliter un rapport de proximité. Aujourd’hui le suppléant n’a de fonction officiel qu’en cas de décès ou d’accès au gouvernement du député titulaire.
Louis Giscard d’Estaing en a conscience, son principal défi sera de s’imposer comme une alternative crédible pour les électeurs, face à ceux qui l’accusent d’être parachuté ou de diviser le vote à droite. “Ces gens-là n’ont pas la volonté de se battre pour nous. Ils cherchent à faire leur retour parisien après avoir été tous les deux désavoués lors de la dernière législative”, attaquait récemment Damien Regnard à propos du candidat UDI, et celui de l’UMP Frédéric Lefebvre. Un point de vue que partage le candidat socialiste Franck Scemama.
Louis Giscard d’Estaing rejette cependant cet argumentaire. “Le lendemain de l’annulation de l’élection de Corinne Narassiguin par la Conseil Constitutionnel, j’ai reçu des courriels d’un certain nombre d’élus locaux, pour l’essentiel UMP, qui me demandaient de me présenter”, précise-t-il. « Ils ont identifié dans mon profil des caractéristiques propres à cette circonscription (…) cela a construit les bases de ma campagne.”
En se plaçant dans cette posture d’homme-recours, il ambitionne de faire de sa candidature celle du rassemblement. Il accuse à cet égard l’UMP de Jean-François Copé d’avoir tenu une position maximaliste en refusant un accord avec son parti. Sans jamais citer son nom, il raille la position de Frédéric Lefebvre, candidat “isolé” par sa précédente défaite, et à l’intérieur de sa circonscription. Guy Wildenstein, patron de l’UMP sur la Côte Est a en effet indiqué qu’il ne soutiendrait pas le candidat Lefebvre. Quant à Yann Coatanlem, le numéro 2 de l’UMP Côte Est et Jacques Janson, élu UMP à l’AFE pour le Canada (anciens partisans de Frédéric Lefebvre en 2012), ils présideront désormais les groupes de soutien de Louis Giscard d’Estaing aux États-Unis et au Canada.
Sa campagne à peine lancée, le fils Giscard désagrège l’UMP, et écorche la gauche. À ses yeux, les socialistes auront du mal à se mobiliser dans un contexte national extrêmement défavorable au parti de la majorité. Il profite de son discours pour critiquer la politique de François Hollande. Puisque le président socialiste n’a pas été en mesure d’apporter le changement aux Français, il estime que c’est aujourd’hui à l’UDI de créer l’alternative sur l’échiquier politique. “Maintenant il faut faire gagner nos idées”, clame-t-il.
Louis Giscard d’Estaing s’appuie sur son curriculum américain, son bilan d’élu et son héritage. Loin de toute suspicion de népotisme, le candidat de la première circonscription d’Amérique du nord assure tirer sa crédibilité de ses mandats électifs. “Je n’ai jamais été nommé sur la base de mon nom”, affirme-t-il. Il ne renie toutefois pas le legs paternel associé à une période particulièrement positive pour l’économie française, les réformes sociales, et les relations franco-américaines.
Cet héritage centriste, il compte s’en inspirer pour s’affranchir d’une UMP jugée trop à droite, et qui ne permettrait plus une représentation réaliste des électeurs de cette circonscription. “Il faut que les Français d’Amérique du nord saisissent cette opportunité pour dire qu’ils souhaitent envoyer quelqu’un de représentatif de leur sensibilité, et dire en même temps que le centre droit va vers des positions plus équilibrées et des propositions de renouveau politique telles que l’UDI les défend”.
Les militants UDI Canada font confiance à leur candidat pour donner une visibilité à cette autre droite. “C’est un homme d’expérience. Louis connaît très bien les rouages de l’Assemblée nationale (…) son efficacité pour nous représenter sera grande et immédiate.”, insiste Emmanuel Marcilhacy, vice-président de l’UDI Canada, mandataire pour le Canada pour les comptes de campagnes électorales, et ancien élu à l’AFE pour le Québec. Maire de Chamalières depuis 1995, Louis Giscard d’Estaing se félicite en effet d’avoir désendetter de 30% sa commune sans augmenter les impôts. Aux Français de l’étranger inquiets pour leur fiscalité il déclare : “Il n’y a pas de fatalité à ponctionner les contribuables”.
Le sens de la formule est là, la ressemblance physique frappante, mais pour le moment, le programme du ticket UDI reste méconnu. Séverine Boitier en aborde quelques points en allocution, mais reconnaît que “la plate-forme a besoin d’être peaufinée même si les idées sont là.” Des annonces devraient survenir dans les semaines à venir sur le site www.louis-pourusacanada.com et lors des rencontres prévues dans la circonscription.
Pourtant, même s’il croit en la victoire du centre, celui qui veut adresser un message à la France d’aujourd’hui en faisant des Français d’Amérique du Nord “une source d’inspiration” devra d’abord et avant tout faire la preuve de sa connaissance des enjeux locaux. Sans cela, Louis Giscard d’Estaing aura bien de la peine à trouver son espace politique dans une circonscription de 156 000 électeurs où le combat semble se profiler, pas seulement sur le traditionnel clivage droite-gauche, mais bien sur un affrontement entre élus locaux et “parachutés”.
Regardez le reportage vidéo :
NOUS THE PEOPLE >>>
Tout à coup une porte s’ouvre: entre silencieusement le cireur de basket a Sarko appuyé sur le bras du maire de Chamaliere , M. de Lefebvre marchant soutenu par M. d ‘ Estaing …la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans la première circonscription des Français de l’étranger et disparaît.
Chateaubriand > Mémoires d’Outre Tombe .