Passionné d’histoire, fasciné par les guerres et par la folie qu’elles engendrent, Jean-Pierre Lefebvre est parti cet été sur les traces des champs de bataille du nord de la France. Son grand-père paternel, Charles Lefebvre, y était soldat pendant la Première Guerre mondiale.
Par Charlotte Lopez, journaliste
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Après de multiples recherches, Jean-Pierre Lefebvre a eu la chance de trouver le journal de bord du capitaine de l’unité de son grand-père. « Les Britanniques écrivaient tout ce qu’ils faisaient à chaque jour. Donc je savais exactement où allait en France, j’ai pu faire le parcours exact de mon grand-père pendant la guerre : le Chemin des Dames près de Soissons, Ypres en Belgique, Lens sur la Colline 70, ou encore Arras. »
Son but étant de replacer le Canada à telle date et telle année dans la guerre, il a visité plusieurs musées de la Première Guerre mondiale, comme celui de Meaux ou celui de Vimy : « Le musée de Meaux est pour moi le meilleur sur la Grande Guerre, il explique très bien ses différentes étapes, c’est vraiment du concret. »
Il a pu également constater qu’un grand monument était élevé dans cette ville en l’honneur des Canadiens qui ont gagné la bataille de Vimy d’avril 1917. « J’ai essayé de m’imprégner de tout ce que j’ai pu voir sur ce site, il y avait des tranchées encore existantes, des trous d’obus. Ils ont tout conservé, c’est incroyable », s’exclame-t-il, nous confiant qu’il a pleuré d’émotion à Vimy.
« Lorsque je vois des champs complets avec des trous d’obus, mon imagination aidante, j’entends la souffrance et l’enfer », écrira-t-il dans son journal de bord.
Comme il le détaille dans son journal, le mémorial et le terrain sont canadiens, car offert par la France. Les employés sont également Canadiens et la pancarte indique « Gouvernement du Canada ». « J’ai été très ému, et aussi fier et impressionné par la capacité de survie de mon grand-père, de se tirer de l’embarras et de dire « non je continue encore et encore ». Je pense qu’il a dû déchanter entre la gloire de la guerre et la vraie guerre. »
Blessé et gazé pendant la Bataille de Lens, sur la Colline 70
Bien qu’il n’ait pas été un héros de guerre sur la ligne de front – il faisait partie de la Canadian Railway Troops (CRT) qui s’occupait de l’approvisionnement du matériel vers le front et du bon fonctionnement des trains et des voies ferroviaires – Charles Lefebvre entendait les bombardements, et avait droit au sale boulot, comme tous les Canadiens-français : aller chercher les morts et nettoyer les tranchées. On les appelait les « Nègres blancs d’Amérique ». Blessé de janvier à avril 1918, il est revenu avant son bataillon, et n’a donc fait que neuf mois de guerre active, d’avril 1917 à janvier 1918.
Jean-Pierre est allé exactement à l’endroit où son grand-père s’est blessé pendant la bataille de Lens, sur la Colline 70. « Je visualisais la scène. La seule chose qui n’a pas bougé c’est les chemins de fer, les lignes sont d’origine, raconte-t-il. Je suis stupéfait par sa force de survie ; grâce à lui je suis sur terre. »
Il a été très touché et très ému de pouvoir voir le lieu des batailles importantes dont son grand-père a participé. « Il est allé jusqu’au bout de son travail, il a été blessé à l’avant bras gauche et boitait à son retour, indique Jean-Pierre Lefebvre. Il avait aussi les poumons touchés, car il a été gazé à cause des gaz moutarde que les Allemands utilisaient sur la Colline 70 pour éloigner les Canadiens afin qu’ils sortent de leurs tranchées. » Charles Lefebvre était en charge d’apportait les munitions pour les soldats qui se battaient, c’est de cette manière qu’il a été gazé par ces produits toxiques qui brulaient la peau et les poumons.
« Les rapports que j’ai trouvés disent que les officiers français et anglais étaient au courant qu’il y avait des produits toxiques, mais ne le disaient pas aux soldats pour pas qu’ils refusent de faire la guerre, détaille-t-il. Aussi, ce n’est pas écrit dans le rapport qu’il a été gazé au gaz moutarde, car il y avait une censure officielle pour ne pas décourager les troupes. La vérité est sortie bien après. »
« Je suis heureux d’être en vie grâce à lui »
Sa plus belle surprise du voyage a ainsi été la découverte de la Colline 70, près de Lens. « Ça a été le plus difficile et le point culminant de ma recherche, indique-t-il. Ce n’est pas écrit sur une carte routière, c’est un nom de code militaire, donc j’étais très heureux. »
C’est un véritable apprentissage global et complet qu’a connu Jean-Pierre Lefebvre, en réalisant ce voyage de dix jours, sur les traces de son grand-père paternel. « Je suis sorti de là rassasié, je connais beaucoup mieux mon grand-père, lance-t-il. Je suis plus fier de lui, sa vie civile a été plutôt banale, mais ça prend du courage d’aller en guerre. Il était bilingue, donc débrouillard. Je ne l’aurais pas fait à sa place à son âge. C’est une très belle découverte, une belle surprise. »
Photo : Charles Lefebvre avec son fils vers 1949.
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Salutations et merci pour les récits 😚.