Frédéric Lefebvre veut porter la voix d’une France mondiale dans le débat à la Primaire de la droite. Agaçant pour certains, rafraîchissant pour d’autres, le député d’Amérique du nord veut rebattre les cartes d’un jeu politique qu’il dénonce, en rassemblant au-delà de sa famille politique, et se positionner pour une élection présidentielle bien incertaine.
Ceux qui le pensaient hésiter entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy en sont pour leurs frais. Frédéric Lefebvre courra sous ses propres couleurs, même s’il devra rassembler près de 3 000 parrainages avant le 30 juin pour avoir accès au round final de septembre prochain. Le parlementaire, qui se positionne comme un candidat « différent », est décidé à « aller jusqu’au bout », et n’envisage pas de rallier l’un des ténors des Républicains. Il s’est éloigné de Nicolas Sarkozy… et rapproché d’Alain Juppé en l’accueillant à Montréal en avril dernier. Pourtant, sa candidature pourrait diviser un vote centriste séduit par le Maire de Bordeaux et servir une candidature de l’ancien président Sarkozy.
Un « new deal » à la française
Son constat est accablant : une dette publique qui explose, un chômage multiplié par 15 en 40 ans, des prélèvements obligatoires qui étouffent les entreprises, des jeunes exclus d’un parcours mondial. « Le modèle français dérive et rate son objectif, et ce n’est pas le fruit de la baisse des dépenses publiques », affirme Frédéric Lefebvre. Pessimiste, il ajoute : « Le modèle social va exploser et personne ne le dit aux Français ». Il prône un nouveau modèle économique et social, et assure que son auditoire est « soulagé » d’entendre un autre discours.
Le député « américain » qui a beaucoup parcouru la 1ère circonscription d’Amérique du nord depuis 2012, a également observé les bonnes pratiques américaines et canadiennes. L’idée d’une allocation universelle, qu’il défend avec quelques autres en France, pourrait prochainement voir le jour au Québec avec le libéral Philippe Couillard. Alors que le nombre de sans domicile fixe (SDF) a augmenté de 50% en France en dix ans, il vante le conservateur État de l’Utah, qui a entrepris de loger ses sans-abris et de les accompagner socialement… parce que cela coûte moins cher. Dix ans après, 75% des sans-abris sont logés, et l’État a fait des économies.
Le député d’Amérique du nord juge le débat français « trop hexagonal, trop clivé et trop archaïque ». Son projet est mâtiné de libéralisme américain qu’il veut importer en France. « Le débat sur les 35 heures est un débat d’un autre temps; le vrai problème, c’est le poids des charges! », lance le parlementaire agacé.
Réconcilier la France mondiale et la France de l’hexagone
Même s’il se défend d’être le candidat des Français de l’étranger, il ne cache pas avoir reçu des soutiens de cette communauté de 2,5 millions de personnes. D’ailleurs, son attaché parlementaire au Canada, Michaël Pilater, s’est engagé à ses côtés, « par amitié et par fidélité », et bat la campagne auprès de ses compatriotes d’Amérique du nord. « Il a un message important à faire passer », justifie-t-il.
« L’avenir de la France est mondial », assène le député, qui veut resserrer les liens entre les Français de l’étranger et l’Hexagone. Il souhaite également rassembler la diaspora économique française et créer des passerelles entre la France et le monde, « pour fluidifier la circulation des Français ». « La France mondiale, ce n’est pas des Français qui ont abandonné le pays! », proteste le parlementaire.
« Sa candidature n’est pas seulement celle des Français de l’étranger, mais son expérience en Amérique du nord enrichit sa vision et son projet », ajoute M. Pilater, par ailleurs Conseiller à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE).
Le député Lefebvre peut d’ailleurs puiser dans la vaste consultation numérique qu’il a lancée il y a plusieurs mois auprès des Français de l’étranger, et de laquelle 50 propositions émanant de 55 pays ont émergé. « Il a une vision libérale de l’économie. Il s’est imprégné de ce qui se passe dans sa circonscription », confirme l’attaché parlementaire.
Des gages d’ouverture… pour une signature ?
Homme de droite, ancien proche de Nicolas Sarkozy, le quinquagénaire a pourtant arrondi son discours depuis plusieurs mois. À quelques reprises, il s’est mis en marge de son groupe politique en votant des lois du gouvernement socialiste, parce qu’il les estimait « bonnes pour la France ». Encore une pratique observée au Canada, ou les gouvernements minoritaires doivent tenir compte de leur opposition pour légiférer et durer…
Surfant sur les gages d’ouverture qu’il a donnés dans le passé, il espère bien rassembler sur son projet « différent », des Français de tous horizons. « Je ne fais pas de différence entre un Français de droite et un Français de gauche, conclut le député d’Amérique du nord, ce qui m’importe c’est que cette capacité à dépasser les clivages soit au cœur du débat ».
Entrevues avec Frédéric Lefebvre et Michaël Pilater :
(crédit photo : Nathalie Simon-Clerc)