30Pour sa deuxième soirée, le Festival International du Film sur l’Art (FIFA) proposait au public montréalais un programme double qui décrit la vie de deux personnalités du cinéma. D’un côté, Buster Keaton, génie du cinéma américain, de l’autre, Pedro Almodovar, réalisateur espagnol contemporain primé et adulé. Il s’agit là de deux films réalisés par deux Français qui vivent leur première diffusion nord-américaine, et ce, dans la catégorie « Grand Panorama », catégorie qui souhaite réunir l’art dans toutes ses formes et dans tous ses états.
Par Léa Villalba
Sergio Mondelo débute sa carrière comme journaliste à Libération puis rejoindra ensuite, en 1998, Canal +. Pour M6, il co-écrira, en tant que scénariste, trois thrillers et collaborera à une série documentaire historique L’Ombre d’un doute entre 2011 et 2015, diffusée sur France 3. Assistant au sein de plusieurs séries documentaires pour plusieurs chaînes comme ARTE et Planète, Sergio Mondelo signera également un roman jeunesse en 2015, La guerre des moutons. C’est à partir de 2013 qu’il se consacrera à la réalisation de films, avec Putains de guerre cette même année, Dali, l’homme qui aimait les muses en 2014 et enfin, en 2017, Une enfance sous l’occupation.
La puissance émotionnelle des femmes.
Sergio Mondelo présente ici son film Pedro Almodovar, tout sur ses femmes, réalisé en 2016, où il dresse le portrait du réalisateur espagnol à travers les entrevues des femmes qu’il admire : ses actrices, les « chicas Almodovar ». Le réalisateur français est alors allé interroger ces divas espagnoles afin d’en savoir plus sur la personnalité du célèbre Almodovar et sur sa fascination pour les femmes, omniprésentes dans ses œuvres. C’est à travers des discussions avec elles, des extraits de ses films et aussi des moments intimes familiaux où la mère d’Almodovar prend une place importante et irremplaçable, que l’on comprend davantage le respect et l’amour que Pedro Almodovar porte sur les femmes. Pour lui, elles symbolisent le sexe fort, qui domine l’homme et qui dirige la famille, comme il l’a vécu enfant auprès de sa mère protectrice. Elles représentent la pureté des émotions, qu’elles soient délicates, exaltées ou parfois proche de la folie. C’est chacune à leur manière que les différentes femmes de sa vie témoignent de la passion du réalisateur à les comprendre, à les pousser à bout pour en dégager tout l’amour qui leur porte et son envie de les mettre sur un piédestal.
Avec humour, légèreté et sensibilité, le film livre de réelles explications sur les intérêts et buts de Pedro Almodovar dans ses films mais donne aussi envie à toutes les femmes d’en savoir plus sur sa filmographie et d’être elles aussi des « chicas Almodovar ».
L’image de l’Espagne dans le monde.
C’est dans un Espagne franquiste, au cœur de la Mancha que Pedro Almodovar grandit. Privé de liberté d’expression et censuré par le régime, c’est dans l’Espagne démocratique et moderne de la Movida que ses idées vont pouvoir pleinement s’épanouir. En déménageant à la capitale espagnole, le réalisateur découvre de nouvelles facettes de lui-même et commence à se construire en tant qu’artiste. Punk dans l’âme, il traine dans les soirées « underground » de Madrid où la drogue se mélange à la musique et à l’alcool pour un public jeune qui se rebelle contre les frontières du genre, de l’orientation sexuelle et contre le catholicisme traditionnel espagnol. C’est là que Pedro trouve son essence. A ses débuts, il choque et veut montrer des images que l’Espagne n’est pas habituée à voir : une Espagne délurée et libérée qui s’assume et s’exprime sans peurs. Dès ses débuts, il cherche des femmes avec de la personnalité, non pas une beauté mais une « gueule », cassée ou non. Il découvre petit à petit son style et son écriture et s’exportera finalement à l’international, avec succès. Les femmes fortes, les couleurs vives et les émotions passionnelles, qu’elles soient d’amour, de haine ou de désespoir, font la signature du travail unique de Pedro Almodovar et l’ont finalement amené à être président du festival de Cannes, en mai prochain.
Par ses films, il a contribué à construire un nouveau cinéma, celui des femmes, mais aussi à changer l’image de l’Espagne dans le monde entier, de la Mancha à Hollywood.
FIFA du 23 mars au 2 avril 2017 : www.artfifa.com/fr/