Le 3 août prochain, le film « Fleuve noir » d’Erick Zonca sortira sur les écrans québécois. Ce film met en vedette Vincent Cassel, Romain Duris et Sandrine Kiberlain.
Par Pascal Eloy, chroniqueur
Tout commence lorsque Solange (Sandrine Kiberlain) vient signaler, au poste de police, la disparition de son fils de seize ans, Dany. Le commandant de police qui la reçoit, François Visconti (Vincent Cassel) ne lui accorde que peu d’attention tant il est empêtré dans sa propre gestion conflictuelle qui l’oppose à son fils impliqué dans un trafic de drogue. L’histoire se complique encore lorsque Yan Bellaile (Romain Duris) ancien professeur particulier de Dany, s’intéresse de très près à l’enquête, et propose ses services au commandant Visconti. Mais, au fur et à mesure que l’enquête évolue, tout se complexifie et se dramatise encore ; chaque protagoniste jouant sa propre partition pour manipuler les autres…
« Je veux que ce soit vivant, physique »
Adapté du roman « Une disparition inquiétante » de Dror Mishani, grand prix 2015 du Meilleur polar des lecteurs de Points, « Fleuve noir » est le dernier long-métrage du réalisateur et scénariste Érick Zonca qui avait secoué la Croisette en 1998 avec son premier film « La vie rêvée des anges ». Comme il le dit aujourd’hui « je veux que ce soit vivant, physique, que ce soit un spectacle et pas l’enregistrement de la réalité. J’assume la noirceur de l’intrigue, mais je voulais l’investir de l’énergie des comédiens et du filmage. » Et ce pari est réussi puisque Vincent Cassel et Romain Duris sont quasiment méconnaissables.
En effet, Vincent Cassel joue un flic désillusionné mais acharné à son boulot et imprégné par ses enquêtes. Buvant beaucoup trop, il est décalé dans sa vie et son travail et il manque à toutes ses obligations qu’elles soient paternelles ou professionnelles. Avec une démarche de Quasimodo et les épaules jamais à la même hauteur, il incarne un être louche, bien que policier, détestable parce qu’outrancier, mais fragile face à son incompréhension de son fils. Romain Duris, lui, se situe dans un rôle totalement à l’opposé, étriqué dans sa petite veste de petit provincial, professeur de français rêvant de devenir un auteur à succès et prêt à tout, y compris à … pour le devenir… Lui aussi est méconnaissable avec cette barbe qui lui mange tout le visage, ne laissant que ses yeux un peu fous pour illuminer les répliques de son personnage. Et quel personnage qui devient suspect lorsqu’on découvre qu’il emmène des enfants dans sa cave transformée en bureau.
Dommage d’avoir, encore une fois, laissé assimiler homosexualité et disparition d’un adolescent !
Quant aux femmes de ce film, elles sont aussi prisonnières de leur malheur. Aucune, que ce soit Sandrine Kiberlain ou Elodie Bouchez, n’est heureuse dans son couple ou sa vie. Elles subissent un cauchemar, sans parvenir à trouver une solution libératrice. Et que dire du rôle de la fille handicapée mentale et de son droit à avoir une sexualité ?
Enfin, j’avoue ne pas avoir compris l’intérêt de la longue séquence homosexuelle du film. Elle n’apporte rien à l’intrigue ni au déroulement du film puisqu’elle semble être qu’une pièce rapportée servant simplement à satisfaire un voyeurisme malsain ou à prolonger peut-être inutilement un film de 1:54 minutes. Dommage d’avoir, encore une fois, laissé assimiler homosexualité et disparition d’un adolescent !
Bref, « Fleuve noir » est vraiment un film noir, à l’ambiance malsaine et étouffante, duquel émergent régulièrement des couleurs jaunes ou vertes… ce qui contribue à en accentuer l’ambiance pesante et anxiogène. Alors, même si Éric Zonca dit « Aujourd’hui, mes personnages sont davantage du côté de la fiction que d’une étude réaliste. JULIA (NDR : son film de 2008) était déjà comme un conte. Je ne vais pas au cinéma pour voir des faits divers. » Et pourtant, si son film constitue un conte, c’est un sordide conte d’horreur ou alors, plus simplement, un banal fait divers amplifié et déformé à force de manipulations.