Mercredi dernier, le maire de Bordeaux Alain Juppé, était l’invité du CORIM à Montréal. Sur la thème de « La France au cœur du libre-échange avec le Canada », l’ancien Premier ministre français a développé les bases de ce qui pourrait être le programme d’un candidat à l’élection présidentielle.
Ceux qui auraient vécu sur une île déserte ces derniers mois, pourraient avoir l’illusion qu’Alain Juppé occupe aujourd’hui les plus hautes fonctions de la République française. Durant son séjour québécois de 48 heures, Alain Juppé s’est exprimé au nom de la France réaffirmant ainsi ses ambitions présidentielles. « La France reste favorable à la signature et à la ratification rapide de l’AECG(1) », assène-t-il. Il ajoute qu’il agira en ce sens « dans la limite de ses fonctions »…
Car c’est bien sur des questions économiques que le Conseil des Relations Internationales de Montréal (CORIM)(2), avait invité le maire de Bordeaux, à partager ses réflexions. Devant un parterre de 300 personnes du milieu des affaires montréalais, mais aussi de Lise Thériault, vice-Première ministre du Québec, Pauline Marois, Bernard Landry et Pierre-Marc Johnson, anciens Premiers ministres, Denis Coderre, maire de Montréal, et Nicolas Chapuis, ambassadeur de France au Canada, Alain Juppé a escamoté le Canada pour vanter le dynamisme de la relation entre la France et le Québec, mettant ainsi les deux nations au cœur de l’AECG.
Renforcer les liens économiques et stratégiques avec le Québec
« La France est le pays d’Europe qui importe le plus de produits québécois », justifie le maire de Bordeaux. Il souhaite que son pays renforce ses liens avec le Québec, « pour que l’AECG développe tout son potentiel », dans les domaines de l’innovation, du numérique cher au maire de Montréal, de la future stratégie maritime et de l’économie verte. Il rappelle qu’il a lancé le Grenelle de l’environnement en 2007 mais, avec une pointe d’humour, souligne qu’il a « été le moins durable des ministres du développement durable ». Battu aux élections législatives de 2007, Alain Juppé avait été contraint de démissionner du 1er gouvernement Fillon un mois après sa nomination.
Il définit le Plan nord comme le « projet d’une génération, une initiative exemplaire », qui a su « prendre en compte les besoins des autochtones », et souhaite que la France et le Québec coopèrent dans les domaines des matériaux stratégiques, des énergies et des infrastructures. Le candidat à la Primaire se positionne : « Nous n’avons pas perdu de vue la stratégie franco-québécoise pour le Plan nord annoncée en 2011 (Nicolas Sarkozy était alors président de la République).
« L’AECG va dans la bonne direction, nous en bénéficierons tous », croit le maire de Bordeaux. Il reconnaît que la clause concernant le mécanisme de règlement des différends investisseurs-États suscite des critiques, mais annonce qu’une démarche européenne est engagée pour travailler sur un nouveau dispositif. « Il est légitime que des préoccupations d’intérêt général puissent être défendues par les États sans que ce soit du dirigisme », considère l’édile.
Nous partageons une histoire, une culture, une langue; si nous savons en faire un projet, et non une survivance, je pense que c’est une grande chance.
Mais c’est aussi la vigueur de la relation franco-québécoise que l’ancien Premier ministre a célébré, faisant fi des voix qui s’inquiètent d’une dégradation des relations entre Paris et Québec. « Nous partageons une histoire, une culture, une langue; si nous savons en faire un projet, et non une survivance, je pense que c’est une grande chance », soutient le maire de Bordeaux, qui ajoute que la relation est plus vivante que jamais.
Il estime que la France et le Québec sont au cœur du libre-échange entre le Canada et l’Europe. Il en veut pour preuve l’augmentation des échanges bi-latéraux franco-québécois depuis deux ans, et qui se chiffrent aujourd’hui à 3,8 milliards de dollars canadiens. Le commerce avec le Québec se porte bien, puisque 42% des échanges totaux entre la France et le Canada se font avec la belle province.
Il faut dire qu’Alain Juppé connaît cette belle province pour y avoir vécu il y a 10 ans, après sa condamnation par la justice française. « J’ai passé l’une des plus belles années de ma vie ici », révèle-t-il. Pour conquérir un peu plus son auditoire, il a salué la performance du « Canadiens » en séries, et a confié que Cristobal Huet (gardien de but français qui jouait pour le Canadien), lui avait offert son bâton de hockey.
Revenant sur la hausse des frais de scolarité pour les étudiants français du Québec, il estime que « le compromis n’est pas idéal mais acceptable ». De même, les négociations sur les ordres professionnels ont, selon lui, donné de bons résultats puisque 80 accords sont signés à ce jour.
L’Élysée en ligne de mire
Le candidat déclaré à la Primaire de la droite a également profité de son séjour pour rencontrer ses amis politiques et solliciter des soutiens, avant de s’envoler pour New-York. Il a rencontré les militants de l’UMP-Montréal et souligné la jeunesse des effectifs de sa famille politique, assurant avoir reçu un « très bon accueil ». Il a lancé l’antenne canadienne de CAP Agis pour la France, auprès des « juppéistes » montréalais, tissant ainsi son réseau face à l’UMP de Nicolas Sarkozy. « Je ne suis pas ici pour faire campagne contre qui que ce soit, mais pour m’organiser et affirmer ma vision de la France », se défend-il.
Alors il martèle le mot « confiance » à chaque détour de phrase, comme épine dorsale de sa vision. « Je viens puiser au Québec un ingrédient essentiel au combat politique, la confiance », admet le maire de Bordeaux devant le milieu d’affaires réuni par le CORIM. « Faire de la France une économie de confiance, une société de confiance, une nation de confiance », conclut Alain Juppé « qui n’est pas (encore) en campagne », et qui concède néanmoins que cela pourrait être un bon programme politique pour la décennie à venir. Rendez-vous est donc pris…
(crédit photo : Nathalie Simon-Clerc)
(1) Accord Économique et Commercial Global
(2) Le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) est un organisme privé, sans but lucratif et non partisan. Il a été fondé à Montréal en 1985 par le professeur Louis Sabourin et son premier président a été l’honorable Gérard Pelletier.
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