Le 19 avril dernier, le Cœur des sciences de l’Uqam recevait l’historienne française, Claudine Cohen, auteure du livre « Femmes de la préhistoire », pour une conférence qui bouscule nos certitudes sur la passivité de la femme préhistorique. Organisée en partenariat avec le Consulat général de France à Québec, la conférence proposait de « réécrire la préhistoire au féminin ».
Par Pascal Eloy, chroniqueur
Durant plus d’une heure, Claudine Cohen, philosophe, historienne des sciences et directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris, a invité le public à réécrire la préhistoire ou plutôt à redonner sa place à « l’invisible féminité ». En effet, les femmes préhistoriques étaient-elles vraiment passives, dominées et confinées à la vie familiale comme le veut l’image si longtemps véhiculée par les archéologues ? Car si les archéologues et les préhistoriens s’intéressent à l’Homme avec un grand H, ils en ont souvent fait un homme avec un h minuscule. Machisme, peut-être… mais aussi « image d’Épinal » et conceptions masculines datant des sciences passées alliée à la difficulté d’identifier certains ossements pour connaître le sexe des êtres auxquels ils appartenaient.
Les vénus paléolithiques
Avec force détails pertinents et photos forts intéressantes, Claudine Cohen a donc développé les traces de l’empreinte du féminin en archéologie préhistorique, mettant en évidence les caractéristiques communes à toutes les vénus paléolithiques, comme, par exemple la Vénus de Laussel (la Dame à la corne) ou la statue de la femme à la tête en forme de pénis représentée en couverture de son livre de 2016. En effet, nées, à peu près, il y a 35 000 ans, ces petites statues ont, toutes, des traits communs : des seins lourds, au milieu d’un corps bien développé, au sexe bien marqué, et une tête réduite à une boule, avec les bras et jambes plutôt négligées. On a longtemps cru que cette féminité « arrogante» correspondait à la notion de fécondité, censée avoir été l’obsession des Paléolithiques. On n’en est plus du tout certain, aujourd’hui car, en réalité, ces statues proposent une double lecture : elles montrent à la fois une silhouette féminine et lorsqu’on déplace un peu le regard, celle d’un phallus en érection.
Le matriarcat n’a jamais vraiment existé
Enfin, madame Cohen a aussi évoqué la question de la féminité au travers du prisme de la société matriarcale préhistorique et de Grande Déesse qui aurait régné sur l’ensemble de ce monde. Or, il apparaît, aujourd’hui, que le matriarcat n’a jamais vraiment existé sous la forme à laquelle on pense, c’est-à-dire celle d’un pouvoir politique et social aux mains des femmes. S’il a existé des groupes sociaux où certains pouvoirs étaient attribués aux femmes, le matriarcat n’a, nulle part, été réalisé pleinement. Dans certaines cultures paléolithiques et néolithiques les femmes semblaient avoir un statut social important, comme le prouvent les sépultures du gravettien italien. Mais, face à cela, on trouve aussi à toutes les époques des traces attestant de violences à l’égard des femmes.
Bref, si rien n’est simple quand on aborde ces questions, Claudine Cohen a néanmoins réussi à les rendre abordables et intéressantes pour un public, certes profane, mais motivé. Encore une fois, le Coeur des Sciences de l’UQAM a atteint son objectif avec brio !
Créé par l’UQAM, le Cœur des sciences est un centre culturel scientifique qui contribue au développement de la culture scientifique du grand public en offrant régulièrement des activités telles que des conférences, des débats, des spectacles, des projections de films, des balades urbaines, des ateliers et des expositions. Avec une extraordinaire capacité à s’adapter à son public, les divers conférenciers parviennent toujours à captiver leur auditoire sans pour autant simplifier à l’extrême leur domaine de compétence ni en dénaturer le sens ou l’esprit.
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(crédit photo: Extrait YouTube)