Le Courrier de Floride est une entreprise originale démontrant le dynamisme croissant de la communauté française dans le « Sunshine State », puisqu’il est le seul journal local français imprimé à l’étranger, et s’adresse autant aux « snowbirds » québécois qu’aux Français . Son fondateur s’appelle Gwendal Gauthier, et il est originaire de Saint-Lunaire en Bretagne (comme Nicolas Hulot !).
Entrevue recueillie par Nathalie Simon-Clerc
L’OUTARDE LIBEREE : Comment vous est venue l’idée de lancer un tel journal ?
GWENDAL GAUTHIER : Certainement à peu près comme vous avec l’Outarde : expatrié pour des raisons familiales, et journaliste de métier, j’ai vu qu’il y avait un besoin en Floride, et en plus il me semblait qu’il y avait un marché. Donc… je l’ai fait !
L’OUTARDE LIBEREE : Pourtant il ne s’agit pas de la plus grande communauté française à l’étranger ?
GWENDAL GAUTHIER : Les Français sont près de 50 000 en Floride, et assez regroupés sur l’aire urbaine Miami/Lauderdale/Palm-Beach. Il y a donc eu une jolie progression de notre présence durant ces deux dernières décennies, et une concentration au même endroit. Je pense que nous sommes en train de passer un cap : celui à partir duquel on commence à devenir une évidence pour les futurs expatriés. Il y a 10 ans, quand les petits génies des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) quittaient la France, c’était pour aller s’installer dans la Silicon Valley. Aujourd’hui, Miami comme Montréal n’ont plus grand chose à prouver dans ce secteur d’activité, et sont des villes bien plus proches de la France. La petite différence entre les deux, c’est que nous en Floride on peut aller se baigner toute l’année ! Donc, à partir du moment où la communauté francophone commence à être bien identifiée, l’accueil de nouveaux expatriés s’accélère. C’est ce que nous vivons actuellement.
L’OUTARDE LIBEREE : Mais les NTIC ne sont pas le seul pôle de compétitivité de la Floride ?
GWENDAL GAUTHIER : Il y a bien évidemment le tourisme, le nautisme, l’aéronautique, le secteur du luxe, des arts, et évidemment l’immobilier… Mais il y a aussi l’intérêt logistique : les aéroports internationaux de Miami et Lauderdale permettent aux entreprises d’être connectées aussi bien avec l’Amérique du nord qu’avec la Caraïbe ou l’Amérique latine. De nombreux quartiers généraux d’entreprises sont transférés ici année après année afin de profiter de ce « hub » aérien important.
L’OUTARDE LIBEREE : Vous parlez de « communauté francophone », c’est bien de cela dont il s’agit, plus que de « Français » ?
GWENDAL GAUTHIER : Oui, c’est le second point important sur notre communauté : il y a une très grande imbrication des nationalités francophones entre North Miami (où résident beaucoup de Haïtiens) et les villes très proches de Hallandale, Hollywood et Fort Lauderdale, qui accueillent des populations canadiennes considérables, notamment durant l’hiver. Quatre millions de Canadiens viennent chaque année en Floride, dont près d’un quart parle français, et ceux-là restent entre trois et six mois sous le soleil. Ce sont les fameux « Snowbirds ». Si vous arpentez la plage de Hollywood en hiver, vous aurez du mal à y trouver un anglophone ! Les générations de Snowbirds ont entraîné derrière elles des créations d’entreprises importantes, et aujourd’hui la Floride et le Canada sont respectivement premiers partenaires commerciaux dans chacun des Etats.
Ainsi, les Français par exemple, quand ils arrivent à Montréal, ils peuvent ouvrir un compte à la Caisse Desjardins. En Floride ils peuvent en ouvrir un à la « Desjardins Bank », ou à la « Natbank » (qui est la version américaine de la Banque Nationale) ! Nous avons beaucoup de services en français, et c’est un avantage sur les autres Etats des USA. Et, comme vous le voyez, on a même un journal !
L’OUTARDE LIBEREE : Quels sont les principales différences entre les expatriés français de Floride et du Québec ?
GWENDAL GAUTHIER : Quand vous vivez aux Etats-Unis, vous sentez rapidement que vous êtes un étranger en territoire beaucoup plus « exotique » que ce que pensent les Français qui n’y sont jamais venus. Dans ce cas-là les expatriés s’entraident beaucoup plus : c’est un besoin important, et même vital pour beaucoup de chefs d’entreprises, d’avoir la confiance de professionnels (avocats, comptables…) qui les aident dans leur langue maternelle. Car les Américains ne sont pas tendres en affaires.
D’un autre côté, à Miami « tout le monde est étranger », y compris ceux qui sont nés aux Etats-Unis : ils viennent très souvent d’un autre Etat. Ca a des côtés positifs, mais il y a aussi des frontières communautaristes (excellemment mises en scène par Tom Wolfe dans son livre « Back to Blood »). Donc les expats’ sont plus soudés, plus attentifs à la construction de leur communauté, de leurs écoles, aux expos de leurs artistes…
L’OUTARDE LIBEREE : Et quels sont les points négatifs de la vie en Floride ?
GWENDAL GAUTHIER : Un peu de superficialité bling-bling quand on habite trop proche de certaines plages ! Néanmoins, les côtés négatifs dont en parle au Canada et en France sont très exagérés.
L’OUTARDE LIBEREE : Quels sont-ils ?
GWENDAL GAUTHIER : Les séries policières ont véhiculé une image « d’hyper-criminalité » qui n’existe pas, ou en tout cas qui n’existe plus depuis la chute de Pablo Escobar et des autres barons de la drogue.
Au Canada, spécifiquement, il y a eu après sa sortie en 1994 un impact très fort du film « La Florida », un peu comme celui des « Bronzés » en France. Pour de nombreux jeunes québécois, l’image de la Floride, c’était papy et mamy qui quittent leur campagne en « roulotte » pour aller promener leur gros ventre à Hollywood Beach ! En France, en revanche, l’image de la Floride est diamétralement opposée : des beautiful people qui font la fête tout le temps à Miami Beach. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas la réalité. Et la présence de nombreux expats’ Français et Canadiens aide dorénavant à « corriger » ce problème d’image.
L’OUTARDE LIBEREE : Et vous, qu’y appréciez-vous ?
GWENDAL GAUTHIER : D’un point de vue commercial, l’efficacité américaine plaît toujours aux chefs d’entreprises. Et la faible fiscalité de la Floride est aussi un point très positif. D’un point de vue personnel, j’apprécie d’une part l’ambiance unique de Miami, mais aussi les possibilités infinies qu’offrent la nature. Si vous passez un weekend à Miami, vous n’en verrez rien, mais quand vous prenez le temps de découvrir les côtes et les paysages, c’est absolument fascinant. Comme au Canada… mais en très différent, comme vous le savez ! Le fait de pouvoir choisir tous les weekends entre un départ vers le Golfe du Mexique, les Keys, une soirée à Miami, ou bien quelques endroits magnifiques de l’Atlantique, comme Stuart ou Fort Pierce…. on ne s’en lasse pas !
L’OUTARDE LIBEREE : Quels conseils donneriez-vous à des Français tentés de venir visiter la Floride ?
GWENDAL GAUTHIER : Téléchargez notre « Guide de la Floride », et lisez Le Courrier de Floride avant de partir (les deux sont gratuits), vous y trouverez tous les calendriers des loisirs, mais aussi des fêtes et activités organisées par les francophones : ça vous permettra de venir nous rencontrer !
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