Mercredi dernier, à quelques jours de la semaine de la francophonie, l’Association étudiante de l’ÉNAP de Montréal accueillait 180 personnes et une trentaine d’experts prestigieux pour un colloque sur le thème : « Quelle stratégie pour l’avenir de la francophonie? » Au menu des discussions, l’avenir de l’Organisation Internationale de le Francophonie (OIF) a cotoyé les thèmes du développement durable et de la lutte contre la radicalisation, mais aussi de l’espace économique et de la mobilité des jeunes au sein de la francophonie.
Par Nathalie Simon-Clerc et Tahia Wan
« Il faut être imaginatif, et rechercher une francophonie effective », explique le sous-ministre Éric Théroux, représentant de Christine St-Pierre, ministre des relations internationales et de la francophonie. Il ajoute que la francophonie « doit être au service des états membres et de ses populations ». Il fait la synthèse d’une journée bien remplie, dont le grand témoin n’était autre que Clément Duhaime, ex-administrateur de l’OIF.
Quatre tables rondes, autour des priorités et stratégies de l’OIF, du territoire francophone, de la paix et de la sécurité, et de la création et des médias dans la francophonie, ont été organisées pour faire un bilan de 45 années de construction institutionnelle francophone.
Selon l’organisateur du colloque qui a voulu terminer sur une note humoristique, Benjamin Boutin, il reste à créer Air Francophonie, qui pourra demain relier les grandes métropoles de la francophonie dans le monde.
D’autres pistes ont été mentionnées lors de ce colloque telles que favoriser le sentiment d’appartenance au monde francophone, faciliter l’accès à des livres écrits en français, mais encore développer l’esprit critique des jeunes afin de lutter contre la radicalisation
Cette petite chose de trois minutes…
La dernière table ronde, Francophonie, création et médias, a réuni, en fin d’après-midi, Louise Beaudoin, ancienne ministre, Monique Giroux, animatrice à Radio-Canada, Marie-Philippe Bouchard, nouvelle directrice de TV5 Canada et Rodney Saint-Éloi, poète et écrivain, autour de Dominique Payette.
Pour marquer la particularité du fait francophone, Monique Giroux a rappelé que Charles Aznavour regrette que l’on soit obligé de préciser « chanson française » lorsqu’on évoque la chanson, car selon lui, tout le reste n’est que de la musique. L’animatrice a également confié à l’auditoire que la chanson, « cette petite chose de trois minutes », a remplacé pour elle quelques cours de philo ennuyants, et qu’elle a rêvé de la France avec la chanson française. Et alors que de nombreux jeunes veulent chanter en anglais, pour être mieux entendus, elle explique : « C’est à nous de donner toute la place à cette chanson francophone ».
L’ancienne ministre péquiste, Louise Beaudoin, a plaidé pour la création d’un espace francophone, mais n’a pas manqué de noter l’absence de volonté politique pour le construire. Selon elle, la diversité linguistique et culturelle de la francophonie, devrait pouvoir s’y exprimer. Elle indique que le numérique ne favorise pas la diversité culturelle, puisque 10 langues seulement dominent l’internet, alors que 6 000 sont parlées dans le monde. Le français occupent la 5e place de ce palmarès.
Fraichement nommée à la tête de TV5 Québec-Canada, Marie-Philippe Bouchard a rappelé que son média s’adresse à 10 millions de francophones et francophiles au pays, et qu’il était « trait d’union de la francophonie québécoise, canadienne et internationale ». » Au-delà des communautés territoriales traditionnelles, les communautés d’intérêt sont un formidable terrain de jeu », a ajouté la dirigeante.
Rodney Saint-Éloi, quant à lui, a indiqué qu’il fallait penser la relation au sein de la francophonie, et « sortir du fait colonial, pour sortir de la condescendance et créer une relation conviviale ».
L’unité dans la diversité
Afin de mettre en relief la présence de l’espace francophone au sein des Amériques, Charles Larroque, Directeur exécutif du Conseil pour le développement du français en Louisiane s’est prononcé lors d’une courte entrevue vidéo sur la résistance et la fraternité des francophones de Louisiane en évoquant notamment le néologisme de solastalgie ou ce mal du pays que l’on ressent chez soi.
La Louisiane est l’État le plus francophone des États-Unis. Le créole, le français et l’anglais y sont parlés. Pour M. Charles Larroque, « l’OIF est un moyen de préserver cette triple culture ». L’occasion de rappeler que « la culture ne doit pas être victime d’une marchandisation brutale » comme l’a mentionné Rodney Saint-Éloi, spécialiste de littérature francophone et directeur général des éditions Mémoire d’encrier lors du colloque.
(crédit photos : Nathalie Simon-Clerc)