Lors de la réunion ministérielle du G7 des 27 et 28 mars, la France est venue défendre une vision « décomplexée » de l’innovation par la voix de la ministre du travail Muriel Pénicaud ainsi que de Pascal Faure, Directeur général de la Direction générale des entreprises (DGE). La conférence portait sur les emplois de demain et se déroulait à Montréal, nouvelle capitale canadienne de l’intelligence artificielle (IA).
Par Antoine Jourdan
Alors qu’Emmanuel Macron annonçait en France, un fonds public de 1,5 milliard d’euros pour développer l’IA, visant à faire de l’Hexagone le leader mondial dans ce domaine, les ministres de l’innovation du G7, réunis à Montréal, adoptaient une déclaration commune portant sur l’intelligence artificielle ainsi qu’ « une liste de pratiques exemplaires en matière d’innovation ». L’IA sera le premier champ d’application du Fonds pour l’innovation doté de 10 milliards d’euros et mis en place en début d’année en France.
Cette nouvelle est arrivée le lendemain de la remise du vaste rapport effectué par le député, Cédric Villani, portant sur l’intelligence artificielle (IA), et dans lequel, le Canada est cité comme « un des quatre pays leaders en IA », où Montréal est la ville avec « la plus grande concentration de chercheurs » dans le domaine. Le rapport propose d’ailleurs la création d’un « réseau d’Instituts Interdisciplinaires d’Intelligence Artificielle » incluant la métropole québécoise.
À Montréal, la délégation française, dont faisaient notamment partie la ministre du travail, Muriel Pénicaud ainsi que le directeur général de la DGE, Pascal Faure, a planché sur les sujets clefs pour coordonner une approche liant innovation et emploi dans le monde de demain.
Une France qui sait se vendre
« La France est un pays qui soutient l’innovation par culture » a expliqué Pascal Faure à l’Outarde Libérée. Si c’est un constant intemporel, il faut dire que le nouveau président de la République est particulièrement investi dans les nouvelles technologies. Ce n’est pas une tâche simple quand on est à la tête d’un pays qui est, selon de nombreux indicateurs, à la traîne depuis quelques décennies. Malgré les défis, le nouveau gouvernement compte bien solidifier les bases qui existent déjà dans le pays et aller de l’avant.
« Pour l’innovation, il faut faire des écosystèmes et que ce soit valorisé » avance M. Faure, « il faut qu’on fasse comprendre que la France est un lieu qui dispose de tous les ingrédients pour réussir à créer ». Plusieurs dispositifs existent déjà, dont le label « French Tech » qui a été attribué à la Ville de Montréal en 2016 (Bleu Blanc Tech), ou encore la « Grande école du numérique » qui permet d’identifier des formations professionnalisantes pour ceux qui souhaitent améliorer leurs connaissances techniques dans le domaine du numérique.
Toutes ces dispositions servent notamment à s’attaquer à un vieux préjugé qui ferait de la France une nation où l’entreprise n’est pas la bienvenue. « La France a fait énormément d’efforts ces dernières années pour montrer qu’elle était business friendly », explique M. Faure en rappelant le passage d’Emmanuel Macron au CES de La Vegas en 2016, où l’Hexagone était le « premier pays européen en terme de représentation ». La France souffrirait donc d’un manque de reconnaissance vis-à-vis des qualités de son environnement entrepreneurial : « Il y a dans l’inconscience collectif l’idée que l’herbe est toujours plus verte ailleurs », explique le Directeur général. Il ajoute qu’en 2017, la France a vu le nombre de ses investissements étrangers croître de 16%, dont un tiers issu de nouveaux acteurs sur le marché français
Une approche multilatérale
Si les annonces du gouvernement ont eu lieu deux mois seulement avant la tenue du G7 à La Malbaie, le hasard n’y est sûrement pas pour grand-chose. « Une des particularités de ce sommet, c’est que les nations sont, quelque part, toutes confrontées aux mêmes problématiques ». Or, surtout pour ce qui est des nouvelles technologies, les réponses aux dites problématiques ont tendance à se trouver au-delà des limites nationales. « Pour une nation, c’est extrêmement sain d’avoir des personnes qui vont à l’étranger, affirme M. Faure, il ne faut pas brider les départs ce serait une erreur majeure ». Les échanges d’étudiants entre la France est le Québec sont donc une richesse à cultiver pour le Directeur général, qui souhaite les utiliser pour « démystifier » l’étranger.
Pour le gouvernement français, cette coopération internationale se démarque résolument d’autres initiatives comme Airbus qui mettent en lien des États. Ici, il s’agit de créer des espaces internationaux où des entrepreneurs pourront se sentir à l’aise de créer et d’innover notamment dans le secteur de l’intelligence artificielle. Ces espaces passent notamment par le label « French Tech » comme à Montréal, mais aussi par le flux des connaissances et des personnes entre les pôles technologiques francophones.
Pourtant, comme souvent lorsqu’il s’agit de nouvelles technologies, la société numérique manque de confiance. « Il faut être capables de créer un environnement de confiance qui fait en sorte que les populations adhèrent à ces évolutions », estime le Directeur général. Pour créer cette relation de confiance, il faut un « travail commun entre tous les États » pour définir les possibilités d’innovations et limiter des abus : « ce n’est pas qu’un problème technique, c’est aussi un problème d’éthique et de régulation des grands systèmes ».
Le sommet du G7 aura lieu les 8 et 9 juin 2018 à La Malbaie à côté de Québec. D’ici là, plusieurs conférences auront lieu qui permettront aux délégations d’échanger sur des thèmes plus particuliers.
(crédit photos: Nathalie Simon-clerc et Jacques Simon)