Par Victoire Pottiez
Du 17 au 22 août, le festival Mode et Design de Montréal(FMD) accueillait l’exposition SEIN(S), qui abordait avec beaucoup d’humour et de fantaisie, la sombre thématique du cancer du sein. Les initiatrices du projet s’appellent Lili Sohn et Jenn Pocobene, elles sont toutes les deux françaises.
Sous les projecteurs de la Place des Arts, une série de photographies montrait huit femmes éblouissantes portant des tenues ultra tendances. Agées de 26 à 60 ans, elles ont été atteintes à un moment de leur vie d’un cancer du sein. Chaque cliché, réalisé par la photographe Julia Marois était accompagné d’une illustration où l’on pouvait voir s’exprimer les caricatures de chacune de ces femmes sur leur expérience de la maladie. À gauche Macha, 31 ans, porte un pantalon fluide à motifs noir et blanc, un chemisier flottant avec lettres brodées et un foulard imprimé exotique. À droite, Macha relativise : « Oh tu sais, finalement la chimio, c’est un peu comme une gueule de bois, sauf qu’au lieu de durer un jour, ça dure une semaine. »
Lili Sohn, l’illustratrice dont on peut également apercevoir le portrait dans l’exposition, a elle-même été atteinte d’un cancer du sein et comme beaucoup d’autres, elle a connu des épreuves qui ont défié sa féminité. « Quand t’as plus cheveux, ni de cils et de sourcils, la mode te sauve. » confie-t-elle. « Tu prends plaisir à te pomponner, parce que dans ces moments, t’as besoin de ça ». Mais pour comprendre l’origine de ce projet créé avec Jenn Pocobene, il faut revenir quelques mois en arrière.
L’irréductible Lili
[caption id="attachment_11776" align="alignleft" width="200"] Crédit : Julia Marois[/caption]Lili vit et travaille à Montréal quand elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. C’était il y a à peine deux ans et elle n’avait que 29 ans. De nature joyeuse et combative, elle décide de livrer une guerre sans merci à ce redoutable adversaire qu’elle nomme « Gunther » avec pour seules armes une imagination débordante, un implacable coup de crayon et un optimisme acharné. Ce trio infernal aboutit à la création de son blogue illustré TCHAO GUNTHER où elle raconte avec un ton résolument humoristique toutes les étapes qu’elle traverse dont celle de la chimiothérapie. « C’est ma manière de cohabiter avec tout ça et de dédramatiser cette maladie. Mais au départ, c’était surtout une façon moins tragique de le communiquer à mes proches » explique-t-elle. Tchao Gunther rencontre un tel succès que le blogue devient objet, le premier tome est publié en 2014 et le second arrive bientôt dans nos librairies en France et au Québec.
Opération « Toute en couleur »
Parmi ses stratégies pour faire de l’ombre à Gunther, Lili adopte la technique « toute en couleur ». Sur son blogue, elle nous explique « J’ai décidé de me lancer un défi : porter des leggings totalement « weird » à chaque chimiothérapie. Si je dois me faire dévisager, autant que ça en vaille le coup d’oeil! ». Son impressionnante collection de leggings aux couleurs ultra flashy et aux motifs farfelus attire le regard affûté de Jenn, son amie styliste. Ensemble, les deux créatives réalisent une série photo où la pétulante Lili pose, vêtue de ses caleçons déjantés. À l’époque Lili n’a plus de cheveux, elle porte des foulards sur la tête qui eux aussi donnent le ton. « On voulait quelque chose de joyeux, coloré, pétillant, à l’image de Lili » explique Jenn. Ce projet qu’elles ont nommé « Leggings » et qui a fait le tour des réseaux sociaux a attiré l’attention de la programmatrice du festival Mode et Design, Arianne Lasalle.
Je suis malade mais je peux être belle, séduisante et continuer à être drôle
Sollicitées pour participer au FMD avec pour seule directive « vous avez carte blanche », les deux artistes décident de reprendre l’idée de leur première série photo en l’associant à l’univers de Tchao Gunther. « C’était important pour nous de faire ça avec des femmes de tous âges qui avaient été touchées par la maladie » explique Jenn. Et comme Lili, ces femmes ont assumé et traversé la maladie en adoptant une philosophie que Jenn résume ainsi « Je suis malade mais je peux être belle, séduisante et continuer à être drôle». C’est aussi le message porté par l’exposition qui rend à la fois hommage à l’univers de la mode dont on ne soupçonne pas toutes les vertus et à ces femmes capables de défier la maladie à coups d’optimismes et de coquetteries. Le projet a bénéficié entre autres des soutiens de la marque La Vie en Rose, de la Fondation du cancer du sein du Québec et du Groupe Sensation Mode.
(crédit photo Une : Victoire Pottiez)
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