par Gautier Péchadre (1)
Le Québec est-il le « paradis fiscal » que les jeunes français envient ? Payent-ils trop d’impôts et prélèvements sociaux en France ? Sont-ils vraiment les victimes de cet État-providence ? Le fardeau fiscal sur les revenus d’emploi est-il sincèrement la raison de la stagnation de la France et de son incapacité à relancer la croissance et la confiance ? La réponse est clairement non, le vrai fardeau est supporté par les petites et moyennes entreprises qui supportent un taux global d’imposition(a) de 64,7 % qui est très largement supérieur à la moyenne européenne de 43,1 %.
Les systèmes français et québécois sont très différents et une analyse exhaustive des deux systèmes pourrait être l’objet d’un projet de recherche beaucoup plus poussé. Je me suis penché sur le sujet, avec la collaboration de responsables de UDI Canada et d’un expert comptable en France, pour vous offrir une analyse ciblée du fardeau fiscal sur le revenu d’emploi supporté par un jeune cadre en France et au Québec, pour positionner le débat au delà du niveau d’imposition des salariés.
Lorsque l’on examine une fiche de paie française, il est très difficile de comprendre le nombre incalculable de prélèvements sociaux. Au Québec, les prélèvements sociaux sont centralisés : l’Assurance-emploi, le Régime des Rentes du Québec et le Régime Québécois de l’Assurance Parentale. En France tous les prélèvements sociaux ont des destinataires différents qui ont tous des rôles différents avec des comités de gestion et des acteurs distincts. Par exemple, les montants prélevés pour la branche maladie seront utilisés uniquement à cette fin. Lorsque l’on comprend le système, on sait qu’il s’agit d’une manière transparente de la part des partenaires sociaux et du gouvernement de prélever les charges sociales. Toutefois, sa trop grande diversité l’a rendue encore plus opaque et incompréhensible.
En France, sur un salaire annuel brut de 50 000 € annuel (soit 4 166 € par mois), le montant restant disponible après les charges sociales et impôts sera de 34 518 € soit près de 69 % de son revenu brut. Au Québec, pour un salaire équivalent, soit pour notre exemple 70 000 $ annuel (soit 5 833 $ par mois avec un taux de change à 1,40 $ pour 1 €), le montant restant disponible après les charges sociales et impôts sera de 47 228 $ soit près de 67 % de son revenu brut. Comme on peut le voir sur le tableau sommaire ci-contre les taux de charges sociales salariales sont nettement plus bas au Québec qu’en France, mais les taux d’impôts fortement plus élevés. Pour comparer, il faut regarder l’ensemble du fardeau fiscal, et non pas un impôt, une taxe ou un prélèvement social en particulier. Concernant la taxation du revenu d’emploi, il est ici démontré que les jeunes cadres au Québec et en France sont logés à peu près à la même enseigne. En revanche, il est évident que l’État-providence français offre de bien meilleurs services publics à ses citoyens : meilleur accès aux services médicaux et dentaires, régimes de retraite amplement bonifiés, avec un système éducatif de grande qualité, gratuit et accessible à tous.
Le système français offre des services biens supérieurs comparativement au reste du monde et le véritable débat ne relève pas d’une imposition excessive des salariés français, mais repose davantage sur les charges que supportent les entreprises pour soutenir cet État-providence. À l’UDI Canada nous pensons que la première solution pour relancer la croissance est, évidemment, de diminuer les nombreuses dépenses improductives de l’État et des collectivités locales. Il est nécessaire de casser ce monstre bureaucratique de paperasse, rendre plus léger notre code du travail en partenariat avec les partenaires sociaux, revoir dans son ensemble et réduire l’imposition globale des TPE et PME vers la moyenne des pays européens d’ici 10 ans. La France est un grand pays d’entrepreneur ; ce sont ces derniers qui supportent la grande majorité des emplois en France, il est temps, enfin, que nos politiques changent radicalement plutôt que de s’entêter à sauver un système en perdition. Ce sont toutes ces PME qui sont les richesses de notre pays et la clé de son succès.
(a) Ce taux inclut les impôts sur les bénéfices, les charges sociales employeurs, et d’autres prélèvements comme l’imposition des dividendes, la taxe foncière, l’impôt sur les plus-values ou encore les taxes sur la collecte des déchets. (Selon l’étude annuelle de Pwc «Paying taxes 2014 »)
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(1) Gautier Péchadre, CPA auditeur, CA, pratique en restructuration d’entreprise au sein d’un cabinet comptable d’envergure à Montréal. Après avoir passé deux années au Nouveau-Mexique (USA), au sein du campus de la United World College of American West où il a reçu son baccalauréat international, il a rejoint HEC Montréal pour compléter un B.A.A. en comptabilité professionnelle et un D.E.S.S. en comptabilité publique au terme desquels il a obtenu le titre de comptable agréé. Impliqué dans le monde associatif et passionné de politique depuis sa plus tendre enfance, Gautier a rejoint le Bureau de l’UDI Canada en septembre 2012.
Une tribune vraiment riche d’enseignements, merci! La « remise à plat » de la fiscalité annoncée par Jean-Marc Ayrault (sans avoir de détails et sur un calendrier de 10 ans!) prouve bien que le gouvernement socialiste est conscient qu’il y a un éléphant dans la pièce comme disent les américains. Mais il est permis de douter de la volonté de l’équipe actuellement aux commandes, quand on voit ce qui a été réalisé jusqu’à présent. Quant à la maîtrise des dépenses publiques (État et collectivités), il s’agit d’une nécessité tout aussi pressante. Dans ses voeux, F. Hollande a indiqué qu’il s’y attelerait en 2014 mais là encore, le doute plane fortement…