Avril 2006. Isabelle et Bruno Frébourg partent d’un petit village de Normandie. Leur objectif : faire le tour du monde à vélo. Depuis, ils ont parcouru 55 pays. Avec plus de 90 000 km dans les jambes, ils sont arrivés il y a deux semaines au Québec. L’Outarde Libérée les a rencontrés lors de leur escale à Québec.
Une entrevue de Margaud Castadère-Ayçoberry
À 54 et 57 ans, Isabelle et Bruno Frébourg sillonnent les routes du monde entier depuis maintenant plus de 8 ans. Amoureux de la grande randonnée, ils étaient frustrés de devoir se contenter de voyages de 2 ou 3 semaines. En 2006, ils décident d’accomplir leur rêve : faire le tour du monde. Pour eux, le meilleur moyen a été le vélo : financièrement moins cher et plus pratique. Avec 4000 € de budget par an, les deux cyclistes pédalent au gré de leurs rencontres, de leurs attentes, de leurs envies. Ce qui les anime : partir à la rencontre des gens du monde.
Qu’est-ce qui vous a décidé à engager ce tour du monde ?
« C’était un vieux rêve, parce qu’on a toujours voyagé. Avant c’était en moto. Après plusieurs années de voyage à moto dans toute l’Europe et jusqu’en Afrique du Nord, on est passé à autre chose. Pour aller plus loin. Donc on est passé à la randonnée en haute montagne. On a fait la traversée de l’île de la Réunion, le tour des Annapurnas au Népal, l’ascension du Kilimandjaro… Mais toujours un peu frustrés d’avoir une date de retour. Une date de retour, c’est égal à un programme qu’on doit respecter impérativement parce qu’il y a ce fameux avion, la date butoir… Ça nous bloquait. »
Et maintenant, vous n’avez toujours pas de date de retour ? Pas d’impératifs ?
« Non pas de date de retour… Mais des impératifs. On pensait qu’il n’y en aurait pas au début. On pensait qu’on pourrait rester jusqu’à quand on voudrait dans un pays ; or, ce n’est pas le cas parce qu’on est tributaires des visas. Alors, ici par exemple, au Canada, c’est royal parce qu’on a six mois, alors ça nous laisse le temps de bouger. Mais dans certains pays, comme en Asie Centrale, en Russie ou Chine, c’est un mois… C’est parfois la course contre la montre. »
Qu’est-ce qui a été le plus éprouvant ?
« Le plus éprouvant, c’est certainement l’hiver quand il fait très froid, comme en 2010 la traversée de la Sibérie. Ce n’était pas l’hiver d’ailleurs, c’était en avril-mai. Mais cette année-là, il avait neigé jusqu’au 24 mai sur le Lac Baïkal. C’est difficile même si on est hébergé le soir dans des maisons réchauffées, la journée est longue. 80 km sans village ou endroit où s’abriter, dans le froid, c’était vraiment difficile… »
Qu’est-ce qui vous motive tous les jours à continuer ?
« L’accueil ! L’accueil qui nous est réservé à chaque fois. Ça, on ne l’aurait jamais imaginé ! Encore aujourd’hui, on est surpris tous les jours par l’accueil qu’on peut avoir ; du plaisir que les gens ont à rendre service.
En arrivant à Trois-Rivières par exemple, on rencontre sur le quai d’une boulangerie une famille. Le mari passe nous voir, on discute et nous demande où nous serons le soir. Il montait à Montréal pour la fin de la semaine, et ne pouvait nous recevoir chez lui. Après deux secondes de réflexion, il nous dit : « c’est pas grave après tout ! voilà l’adresse, voilà la clé. »
[pullquote]« Mais ce qu’on remarque ici… c’est la qualité des routes : c’est effroyable ! L’état des routes, c’est fatigant… »[/pullquote]
Est-ce particulier au Québec ?
« Non, cela nous était déjà arrivé en Belgique. Des invitations spontanées comme ça, on en a reçu surtout au Liban et en Syrie. Parmi les 55 pays traversés, ce sont les deux pays où nous avons été le mieux accueillis. Pour eux, c’est un honneur de recevoir l’étranger. Et tout le monde veut nous avoir chez lui au moins trois nuits ! »
Est-ce que vous aviez un itinéraire de départ ? Ou le tracez-vous au fur et à mesure ?
« On est obligé de modifier les plans au fur et à mesure. Il faut s’adapter aux aléas du voyage. Notamment là, on n’aurait pas dû être au Québec cette année. On avait prévu de prendre un cargo en Corée du Sud pour arriver à Vancouver, rester sur la côte ouest cette année, et finir sur Québec l’année prochaine. Mais, on était à Hanoï, au Vietnam, et on n’a pas eu notre visa pour traverser la Chine. »
Étiez-vous de grands cyclistes avant votre départ ?
« Sportifs, mais pas cyclistes. L’endurance, on était habitué, car on faisait de la randonnée en haute montagne. Mais on ne faisait pas de vélo. On est parti comme ça… »
Est-ce qu’il y a eu une phase d’adaptation et physique, et morale ?
« Non, ça c’est fait comme ça, au fil des kilomètres. On n’a pas brulé les étapes au départ, le temps de s’adapter. Après, psychologiquement on était habitué à voyager dans ces conditions. Parce que quand on allait faire des treks au Pérou ou en Tanzanie, on prenait un vol sec. On arrivait à Katmandu ou à Lima, on ne savait pas où on allait dormir. Ce n’était pas inconnu pour nous de partir à l’aventure comme ça. Ne pas savoir où on va dormir le soir quand on part le matin, ça c’était déjà notre quotidien lors de nos voyages antérieurs. »
[pullquote]Avez-vous trouvé votre paradis sur terre ? « Non pas encore… Mais, une chose est sûre, il n’y a pas un endroit où on mange mieux qu’en France ! »[/pullquote]
C’est la première fois que vous venez au Canada et au Québec ?
« Oui, on n’était jamais venu en Amérique du Nord. On est très bien accueilli au Québec, mais on l’était aussi aux États-Unis. Les voyageurs nous avaient dit qu’on serait bien accueilli en Amérique du Nord.
Mais ce qu’on remarque ici… c’est la qualité des routes : c’est effroyable ! L’état des routes, c’est fatigant…
Rentrez-vous parfois en France ?
« En général l’hiver, on pose les vélos quelque part et on fait un aller-retour en France pour voir notre fille et nos parents. »
Envisagez-vous une date de retour ?
« On se dit quatre ou cinq ans. Mais ça pourrait être trois, ça pourrait être six ou sept… On ne sait pas. Si on a la santé, on va continuer. »
Avez-vous trouvé votre paradis sur terre ?
« Non pas encore… Mais, une chose est sûre : il n’y a pas un endroit où on mange mieux qu’en France ! »
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