Temps fort de ce début de semaine, la Convention d’affaires France-Canada s’est achevée par une allocution de Pierre Marc Johnson, ancien Premier ministre du Québec et négociateur-en-chef du gouvernement du Québec dans le projet d’AECG. Bien qu’il ne soit pas encore ratifié par les européens, M. Johnson a souligné le caractère inédit d’un tel accord : « C’est un accord riche et dense qui va bien au-delà des accords habituels. Il est même plus important que l’ALENA », observe-t-il.
Biens, services et investissements en passant par la propriété intellectuelle, les entrepreneurs et hommes d’affaires français et québécois sont repartis avec les idées claires sur les impasses de l’accord et les avantages à en tirer.
A chaque barrière sa solution pour diminuer les coûts
Dépasser les barrières tarifaires, c’était la raison d’être de cet accord. M. Johnson est revenu sur l’abolition prévue des tarifs industriels à 98% entre l’UE et le Canada, et dont la France et le Québec profiteront dans une large mesure. Les industries du médicament, de la cosmétique et du chocolat seront nettement avantagées, le Québec important essentiellement de la France des biens issus de ces secteurs-ci. « Les tarifs passeront de 250% à environ 5% sur nombre de productions », assure-t-il. Et d’ajouter à l’adresse de l’assemblée, non sans quelque ironie : « C’est pas banal pour les taux de croissance que l’on affiche dans nos deux régions en ce moment ! »
[pullquote]« Ce ne sera pas la fin de la production bovine en France. Ça ne tuera personne »[/pullquote]
Une partie du secteur agricole « européo-canadien » en bénéficiera aussi. Le Québec passera ainsi d’une production de 14 000 à 50 000 tonnes de bœufs à exporter vers l’UE, selon les estimations de l’ancien Premier ministre. Ce dernier a toutefois tenu à rassurer les Français dans la salle : « Ce ne sera pas la fin de la production bovine en France. Ça ne tuera personne », insiste-t-il. Rappelons que la France, premier producteur bovin d’Europe, élève à elle seule 19 millions de bovins, soit 20% du cheptel européen. Du côté de la France, le négociateur prévoit un doublement des quotas de fromages français à l’exportation vers le Canada. Ils passeraient de 17 000 à 32 000 tonnes en franchise du 250%. Il a salué à cet égard « l’exemplarité du monde agricole québécois » qui a accepté cette négociation. Quant à la quiche française, elle ne sera plus taxée au Canada.
Propriété intellectuelle et ouverture des marchés publics
En revanche, la propriété intellectuelle et les appellations géographiques seront désormais beaucoup plus encadrées. Plus question d’appeler « jambon de Bayonne » un jambon fabriqué en Témiscamingue ou d’appeler « huile d’olive provençale » une huile extraite en Gaspésie. « De toute façon personne ne nous croirait, et ça ne passe pas très bien chez nos amis », plaisante M. Johnson.
Dans le secteur des écoles, municipalités, hôpitaux, universités et sociétés d’Etat, les entreprises européennes et canadiennes qui souhaiteront accéder aux marchés publics des biens et services pourront le faire sans traitement discriminatoire de la part du pays d’accueil. Au Canada, c’est un marché au potentiel colossal, qui représente près de 120 milliards de dollars. A la clef : une diminution des prix avec l’arrivée de la concurrence étrangère. « Ce n’est pas une mauvaise idée pour les payeurs de taxes ! », lance M. Johnson, amusé.
Les réserves restent néanmoins nombreuses de part et d’autre de l’Atlantique : éducation, affaires autochtones et sur les minorités, une partie de l’agriculture, énergie, eau, transports et services sociaux. Idem du côté des investissements : l’agriculture, la pêche, les hydrocarbures, la forêt, la loterie, l’alcool et l’électricité ne seront pas concernés par l’ouverture des marchés.
(crédit photo : Guillaume Mazoyer)]]>