L’ambiance est électrique au bar Le Clébard de la rue Saint-Denis, ce jeudi 16 mars 2023. Élisabeth Borne vient d’annoncer qu’elle engageait la responsabilité de son gouvernement avec l’article 49-3 de la constitution pour faire passer la réforme des retraites sans vote du parlement. C’est le jour choisi par la gauche montréalaise pour accueillir le sénateur Yan Chantrel et convier la communauté française à une séance d’information sur la loi.
Le débat sur la réforme des retraites en France aura permis deux choses : rassembler la gauche montréalaise et mobiliser fortement la communauté française hors campagne électorale. Yan Chantrel, sénateur des Français de l’étranger, en visite dans la métropole québécoise a rendu compte des travaux parlementaires sur la réforme des retraites et pris le pouls d’une communauté française montréalaise inquiète mais déterminée.
Accompagné de Ramzi Sfeir, conseiller des Français de l’étranger EELV (Europe Écologie les Verts), vice-président de l’AFE (Assemblée des Français de l’Étranger), Thibault Froehlich, conseiller des Français de l’étranger et chef de file des Insoumis de Montréal et de Elsa Duport, secrétaire de la section socialiste de Montréal, Yan Chantrel a tout d’abord expliqué les méandres constitutionnels empruntés par la loi aux Français de Montréal en quête d’explications.
Emmanuel Macron est en train de briser la confiance des Français envers les Politiques
Yan Chantrel, sénateur des Français de l’étranger
Selon le sénateur, le choix de la Première ministre Élisabeth Borne, de recourir au 49-3 pour faire passer la loi, pose un problème démocratique. « Le gouvernement a fait le choix politique de restreindre le débat », explique-t-il. Il s’insurge : « c’est un passage en force, auprès du parlement et auprès du peuple ».
Il craint que l’on aille vers « un durcissement des choses » et s’inquiète de possibles violences. « Emmanuel Macron est en train de briser la confiance des Français envers les Politiques », ajoute-t-il. Il s’inquiète également de voir le Rassemblement National de Marine Le Pen, silencieux et « tapis dans l’ombre ».
Et les Français de l’étranger ?
À ceux qui évoquent la possibilité d’un vote trans-partisan sur une motion de censure, Yan Chantrel préfère une autre alternative : le référendum d’initiative partagée. Initiée par 185 parlementaires, le référendum doit être signé par 10% du corps électoral (4,7 millions d’électeurs) en neuf mois pour passer. Le sénateur socialiste rappelle que les Français de l’étranger peuvent également signer ce référendum et qu’il est nécessaire d’être inscrit sur les listes électorales.
L’assistance regrette que le texte ne fasse jamais mention des Français de l’étranger. « Nous connaissons la problématique des carrières hachées », se plaint un quinquagénaire.
Le sénateur Chantrel indique que le ministre s’est engagé à former un groupe de travail pour étudier les problématiques rencontrés par les Français hors de l’Hexagone. Au Québec, une convention permet de valider les trimestres travaillés dans l’un des pays (France ou Canada), grâce au bureau de liaison des ententes qui se charge de « compiler » l’ensemble de la carrière. Toutefois, la France ne reconnait pas les poly-pensionnés, pour ceux qui auraient fait carrière dans plusieurs pays.
Les certificats de vie : « la croix et la bannière »
Inquiet sur l’avenir de leur retraite, les Français présents ont aussi évoqué les difficultés qu’ils rencontrent localement pour obtenir leur certificat de vie.
« Ça ne sert à rien de demander de l’aide au consulat, ils sont aux abonnés absents », se plaint une sexagénaire.
Ramzi Sfeir, conseiller des Français de l’étranger et vice-président de l’AFE, tempère : « le personnel n’est pas en cause », avant de fustiger les coupes budgétaires qui allouent de moins en moins de services et de personnel dans les consulats.
Le parlementaire regrette lui aussi la situation et précise qu’il réfléchit à des solutions plus souples, notamment numériques, qu’il présentera au sénat.
« Pourtant, les non-résidents rapportent plus qu’ils ne coûtent », assure le sénateur Chantrel. Selon lui, alors que la fiscalité des non-résidents rapportent 1,5 milliards d’euros à l’État, le budget alloué aux Français de l’étranger oscille entre 15 et 20 millions d’euros par an.