Le dimanche 18 février, Carla Bruni était à l’Olympia de Montréal pour présenter French Touch, son quatrième album studio. Accompagnée de sa troupe composée de quatre musiciens, l’ex-Première dame a chanté devant un public calme mais conquis. Une heure trente durant, elle a repris les compositions de son dernier album, de quelques géants de la musique, des Rolling Stones à Abba en passant par les Clash et Dépêche Mode, tout en s’assurant d’offrir à son public quelques-unes de ses compositions les plus connues.
Par Louisane Raisonnier et Jacques Simon
Au niveau du décor, celui-ci reprenait à la perfection l’univers doux et feutré de la chanteuse. Quelques rangées de chandelles venaient prêter main forte aux faisceaux lumineux bleutés; un épais livre de paroles était posé sur un gros lutrin en bois : tous les éléments étaient présents pour nous plonger dans son monde. C’est donc sur une scène qui lui ressemble que Carla Bruni a pu dévoiler sa voix doucement rocailleuse.
Pour ses propres compositions, son timbre de voix et l’accompagnement des musiciens vont à ravir. En effet, le style qu’elle s’est déjà façonné avec ses trois disques précédents est visiblement indémodable. La chanson française, les chansons qui parlent d’amour, celui qui est à la fois source et guérisseur de tous les maux, semble rester son terrain de jeu. Pourtant, dans French Touch, la chanteuse « revisite les plus grands classiques internationaux de la chanson ». Le pari que fait Bruni, avec son nouvel album et cette tournée, c’est d’affirmer un talent transposable d’un genre à un autre.
Ce n’est d’ailleurs pas toujours pari perdu : lorsqu’elle chante Douce France de Trenet en Italien, ou lorsqu’elle reprend The winner takes it all d’ABBA, il est franchement tenu. Sa voix susurrante s’y adapte très bien, et sa maîtrise des tonalités et subtilités propres à chaque langue surprennent.
Le pari devient plus difficile lorsqu’elle s’aventure sur le terrain des Clash, d’AC DC, ou des Stones. À l’évidence, Carla Bruni n’est pas équipée vocalement pour en faire une reprise fidèle. De ce fait, elle les dénature complètement en les ramenant à un monde musical qui lui ressemble. Ainsi, Jimmy Jazz perd de son caractère moqueur et punk, les guitares des frères Young deviennent lentes et acoustiques, et Mick Jagger chante la rumba.
Pour ceux qui écoutent ces morceaux au quotidien, la transformation est abrupte, et finalement peu convaincante.
S’il n’est guère question de politique dans cet album ou même plus généralement dans sa carrière musicale, la passerelle entre ces deux univers semble néanmoins brouillée lorsque Carla Bruni-Sarkozy (qui a volontairement enlevé le deuxième nom que lui a donné son mariage) dédicace à « l’homme qu’elle aime » une chanson qui remets de l’avant (peut-être inconsciemment mais tout de même !) l’humiliation politique qu’a récemment vécu son mari.
Ainsi, d’un ton doux et mélancolique, elle lui chante « le garçon triste » qui dresse le portrait d’un enfant perdu qui « invente, [qui] résiste, pour se faire remarquer », « qui se donne des grands airs, pour ne pas se noyer ». Pour quelqu’un qui est sorti d’une traversée du désert pour en rentamer une autre quasiment immédiatement, le parallèle est peu flatteur.
Après Montréal, Carla Bruni continue sa tournée mondiale. Elle passe en Allemagne, en Suisse et en Italie pendant le mois de mars, avant de rentrer en France pour chanter au Théâtre des Champs Élysées le 23 mai prochain.