Au lendemain des attentats qui ont frappé Paris et fait 130 morts et 351 blessés, un Français de Montréal, Nicolas Poirier, imagine une application mobile pour désengorger les standards des services d’urgence. Convaincu de la nécessité urgente d’améliorer la gestion des appels, notamment vers le numéro de police secours, le fameux « 17 », l’équivalent du 911 en Amérique du nord, il lance un appel au gouvernement français.
Par Victoire Pottiez
Jeune consultant juridique, Nicolas Poirier veut agir rapidement. Nerveux, il est convaincu que les terroristes vont encore frapper, et désespéré que le gouvernement français ne l’entende pas. Pourtant, il a déjà réussi à attirer l’attention de l’hebdomadaire français Le Nouvel Obs qui a publié un article sur l’obsolescence du légendaire « 17 » et la nécessité d’une amélioration urgente. La semaine dernière, il répondait aux questions d’un journaliste de France Info et a été contacté par Radio Canada.
Des témoignages poignantsInstallé à Montréal depuis 2011, le consultant originaire de Toulouse, avait d’abord été saisi par le témoignage d’un journaliste de l’agence de presse Première lignes, lors des attentats du 7 janvier visant Charlie Hebdo. Les terroristes cagoulés avaient demandé au journaliste qui fumait une cigarette devant le bâtiment, l’emplacement des bureaux de la rédaction prise pour cible. Affolé, ce dernier a immédiatement appelé les services d’urgence, sans succès. Mais pour Nicolas le déclic est survenu au lendemain des attentats du 13 novembre. « Je suis tombée dans la presse sur le témoignage d’une autre personne qui avait repéré une voiture d’hommes au comportement suspect et avait essayé d’appeler la police à maintes reprises, sans obtenir de réponse. On a su le lendemain que cette voiture, une Polo noire, était celle des terroristes, déplore Nicolas avant de s’interroger, que se serait-il passé si cet homme avait réussi à alerter la police ? Il y aurait probablement eu des morts mais certainement moins que 80 ».
Une solution à l’ère du tempsPour Nicolas, le constat est imparable : le numéro 17 pour joindre le service d’urgence n’est plus efficace. Submergé en temps normal, le service est systématiquement saturé en temps de crise. Par ailleurs, quand l’appelant parvient à joindre un(e) opérateur-trice il doit parler à voix intelligible pour s’identifier et situer l’endroit où il se trouve, ce qui, en cas d’attentat, accroît le danger d’être repéré par un assaillant. Pour pallier ces problèmes, Nicolas envisage une application uniquement dédiée aux attentats qui permettrait de transmettre des informations rapidement et discrètement, comme les données de localisation ou l’identité de l’utilisateur. Quand on évoque les possibilités de cafouillages, Nicolas semble avoir tout pensé : « Aujourd’hui, beaucoup de téléphones sont pourvus d’un système d’empreinte digitale pour déverrouiller l’écran. On pourrait imaginer que l’empreinte digitale soit requise pour confirmer l’alerte ce qui dissuaderait l’auteur de faire un faux signalement », avance-t-il.
Une défaillance qui ne concerne pas seulement la FranceLe but de Nicolas, n’est ni de devenir célèbre, ni de gagner de l’argent avec son application. « J’aimerais seulement que le gouvernement prenne des mesures pour assurer une meilleure efficacité des services d’urgence en temps de crise. Si on peut passer de cinq minutes à trois minutes en temps d’intervention, rien que ce petit gain de temps serait énorme !» s’exclame-t-il. D’ailleurs, le problème ne serait pas uniquement français, le jeune homme nous renvoie à un article du New York Times publié le 23 novembre de cette année, pointant également l’obsolescence du service d’urgence américain sous le titre « The 911 system isn’t ready for the Iphone Era ». Alors que certains l’accusent de vouloir ramener l’attention sur lui, et pointent le caractère inapproprié de sa démarche dans des circonstances où l’on devrait d’abord saluer la bravoure des forces de police, Nicolas oppose l’urgence de la situation et tente de communiquer son projet sur les réseaux sociaux et dans les médias. À l’heure du « tout mobile », où des centaines de milliers d’applications sont disponible sur le web, Nicolas Poirier croit en l’utilité de la sienne.
Du côté des services d’urgence français, on souligne les abus qui conduisent à l’engorgement des lignes de secours. Chaque année, plus de 3 500 000 interventions sont réalisées par les sapeurs-pompiers, soit 9 600 interventions par jour. Quant au SAMU, il reçoit près de 2 500 appels par jour. Ce nombre d’appels reçus ne correspond cependant pas forcément à des situations d’urgence. On estime que, dans plus de 30 % des cas, la réponse apportée consiste seulement en une information ou un conseil médical. (source : Prévention des risques majeurs)
(crédit visuel : Nicolas Poirier – L’application présentée est un prototype et le logo de l’État français n’est utilisé qu’à titre d’exemple)
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