La proposition de loi de trois sénateurs Les Républicains (LR), dont Ronan Le Gleut et Christophe Frassa, sénateurs des Français de l’étranger, a été adoptée par le Sénat et déposée à l’assemblée nationale le 4 avril 2023. Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la proposition de loi, examinée par une commission transpartisane, pourrait définir un statut fiscal particulier pour les résidences françaises des Français à l’étranger, mais seulement pour ceux vivant dans des zones à risque définies par le ministère des Affaires étrangères.
C’est la réforme de la taxe d’habitation et la surtaxe d’habitation qui peut aller jusqu’à 60% qui a poussé Ronan Le Gleut à déposer cette proposition de loi, initiée par Bruno Retailleau. Dans l’exposé des motifs, le sénateur Le Gleut explique: « il y a un enjeu fiscal avec un sentiment d’injustice qui s’est accentué ».
En effet, lorsqu’un Français de l’étranger fiscalement domicilié à l’étranger, détient un bien immobilier qu’il occupe durant les vacances, celui-ci est assimilé à une résidence secondaire et en subit la fiscalité. Le parlementaire poursuit: « C’est la raison pour laquelle, dans la proposition de loi de M. Bruno Retailleau adoptée par le Sénat le 19 mai 2020, avaient été proposées plusieurs dispositions fiscales tendant à assimiler la résidence secondaire des Français de l’étranger à une résidence principale, afin qu’elle puisse être en particulier exonérée du paiement de la taxe d’habitation. »
» Cette résidence constitue un point d’attache avec la France, qui les relie à leur famille et à leur patrie. »
Ronan Le Gleut, sénateur des Français de l’étranger
La proposition de loi déposée en juillet 2022, visait à établir un statut de résidence de rattachement, exonérée de taxe d’habitation pour autant qu’elle ne soit pas louée et qu’elle soit libre de toute occupation permanente, à la jouissance exclusive du propriétaire. « Cette résidence constitue un point d’attache avec la France, qui les relie à leur famille et à leur patrie. » expliquait le sénateur Le Gleut.
Une disposition limitée aux zones à risque
Pourtant, la proposition initiale a été quelque peu « retouchée » lors de l’examen en commission des Finances le 29 mars 2023, et en séance publique avant l’adoption
Après avoir envisagé de supprimer uniquement la surtaxe d’habitation en vigueur dans les zones tendues, les sénateurs ont finalement décidé que, seuls « Les Français établis hors de France dans un pays classé en zone rouge ou en zone orange par le ministère des affaires étrangères pour le logement qu’ils ont déclaré comme constituant leur résidence d’attache » sont concernés par l’éventuelle nouvelle disposition.
Autant dire que les Français du Canada continueront de payer longtemps la taxe d’habitation sur leur résidence française.
« Cette disposition ne va pas aussi loin que nous l’aurions espéré », avoue Ronan Le Gleut dans une vidéo, qui qualifie néanmoins la loi « d’avancée ».
Création d’une commission temporaire
Le texte du Sénat prévoit la création d’une commission temporaire « statut de la résidence d’attache », mise en place pour établir les droits et les avantages attachés au statut de la résidence d’attache créé par la présente loi.
Cette commission est composée des députés et des sénateurs représentant les Français établis hors de France, du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger, des présidents de la commission des finances, du budget et de la fiscalité et de la commission de la sécurité et des risques sanitaires de l’Assemblée des Français de l’étranger, de personnalités qualifiées ainsi que des administrations concernées.
La mission de la commission sera de « proposer des mesures fiscales ou incitatives visant à maintenir ou à favoriser le lien entre les Français établis hors de France et la France par la jouissance d’une résidence sur le territoire national. »
La commission, réunie dès le 11 avril, doit rendre ses travaux le 30 septembre 2023 au plus tard.
Une promesse d’Émmanuel Macron… qui se heurte au principe d’égalité
En novembre 2022, Gabriel Attal, ministre chargé du Budget et des Comptes publics, et Jean-Baptiste Lemoyne, sénateur de l’Yonne et ex-Secrétaire d’État aux Français de l’étranger, rappelaient la promesse du chef de l’État lors des débats parlementaires.
« À cet égard, le chef de l’État a pris un engagement très clair lors de la dernière campagne présidentielle : nous allons créer le statut de résidence de repli, à laquelle seront attachés un certain nombre de droits qu’il appartiendra au législateur de définir. », expliquait le sénateur Lemoyne.
La crise de la Covid et les différents conflits dans le monde ont démontré la pertinence d’une telle mesure.
Toutefois, le législateur se heurte au principe d’égalité devant l’impôt, si le statut fiscal d’une résidence secondaire d’un Français résidant en France devient différent de celui d’un Français résidant à l’étranger.
« Il est facile d’expliquer qu’un Français résidant dans un pays en guerre ait besoin de conserver un domicile où se replier en France, et que ce statut l’exonère du paiement de la taxe d’habitation. C’est nettement plus compliqué à justifier dans certains autres cas. Nous devons donc résoudre ce problème pour créer une mesure qui soit conforme à notre Constitution. », expliquait Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, à nos confrères de Françaisàletranger.fr.
Un enjeu financier
L’enjeu financier d’une telle mesure n’est pas anodin mais non mesurable. En 2021, la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) a rapporté environ 2,7 milliards d’euros.
« La direction générale des finances publiques n’est pas en mesure de nous dire l’impact d’une exonération de THRS pour les Français de l’étranger. Depuis plusieurs années, la DGFiP ne souhaite pas prévoir une case « Résident à l’étranger » pour les impôts locaux. Dès lors, elle ne sait pas estimer l’importance du patrimoine immobilier des Français résidant à l’étranger ni quelle part il représente dans l’ensemble de la THRS. » expliquait Jérome Bascher, rapporteur de la commission des finances du Sénat le 29 mars dernier.
Le sénateur de l’Oise estime toutefois que si l’on prend en compte l’ensemble des résidences secondaires dont disposent des redevables fiscaux résidant à l’étranger, on peut estimer le coût de la mesure à 340 millions d’euros au maximum. »
Pour compenser la perte de recettes, la loi envisage la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.
(crédit photo de Une: cottonbro studio – Pexels)