Par Gauderique Traub – Collaboration spéciale
L’équipe du long métrage Aline était à la Place des arts le 23 novembre pour présenter la première nord-américaine devant un public montréalais visiblement conquis. Guilhem Caillard, directeur général du festival Cinémania, hôte de l’événement, a expliqué que la sortie du film a dû être reportée d’un an, en raison de la pandémie. Cette attente a accentué le désir et les appréhensions suscitées par la comédie dramatique coproduite entre la France (Rectangle Productions) et le Québec (Caramel Films).
Lors de cette soirée de gala, les visages masqués des 1 500 spectateurs ont laissé transparaître des étoiles, de l’émotion et du rire dans leurs yeux. La salle entière s’est levée pour applaudir l’actrice réalisatrice et scénariste Valérie Lemercier, qui avait fait le déplacement depuis la France entourée de nombreux acteurs québécois emblématiques : Sylvain Marcel, Danielle Fichaud, Roc Lafortune, Antoine Vézina, Sonia Vachon et Pascale Desrocher.
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Le film Aline se veut un hommage subtil et admiratif de la comédienne française Valérie Lemercier, à la star québécoise Céline Dion, et non une parodie. Pour avoir plus de liberté dans la narration, Valérie Lemercier imagine le personnage d’Aline Dieu, double romanesque de Céline Dion. Elle scénarise un univers parallèle inspiré par l’affection familiale et par son histoire d’amour avec son gérant. Elle y dévoile surtout le talent de l’artiste iconique de l’âge de 12 ans jusqu’à l’essor de sa carrière internationale. L’analogie permet au public de s’identifier et de ressentir les émotions de la personne derrière la star.
Ce pas de côté libère l’œuvre cinématographique de fiction des impératifs d’exactitude factuelle d’un film biographique où l’on chercherait à démêler le vrai du faux, le réalisme de l’illusion. Ce choix permet au spectateur d’entrer, avec légèreté et sensibilité, dans l’entourage intime de l’artiste. L’histoire commence au Québec, au cœur de la maison d’une famille nombreuse où la musique rythme la vie des quatorze frères et sœurs. Aline Dieu, la petite dernière, révèle rapidement ses capacités exceptionnelles pour le chant. En 1980, alors qu’elle n’est qu’une enfant, une cassette intitulée “Ce n’était qu’un rêve” est envoyée à Guy-Claude, producteur de musique et double de René Angélil. On devine alors que le rêve de devenir la plus grande chanteuse au monde ne fait que commencer.
La très jeune chanteuse se métamorphosera en femme assurée et la relation avec son gérant deviendra plus passionnelle que purement professionnelle. Dans cette équation, il faut imaginer la mère de l’artiste, interprétée par la très attachante Danielle Fichaud, protectrice de sa petite dernière et un peu inquiète des sentiments amoureux qui se dessinent entre sa petite fille prodige et son futur mari, de 26 ans son aîné. La confiance admirative, discrète et constante de son père jusqu’au bout est symbolisée par la pièce d’or qu’il lui donne en guise de chance. Sous les traits d’Aline, on perçoit une chanteuse proche de nous, une fille, une épouse, une mère, une femme talentueuse et admirable.
Le film d’une durée de 2 heures offre aussi un aperçu de l’intimité du Québec, avec en toile de fond, sa Révolution tranquille, ses valeurs familiales, sa générosité “tricotée serrée”, sa foi un brin naïve, mais aussi, son intérêt pour le progrès et son ouverture sur le monde. Le public fredonne les chansons de l’artiste à travers les épisodes de sa vie qui ont la saveur des grands événements dont on se souvient tous : l’Eurovision, le mariage de l’artiste, la maladie de son mari et le décès de son père. Le film s’achève avec une interprétation personnelle et puissante de la chanson populaire, et presque prémonitoire, Ordinaire de Robert Charlebois.
Dans ce film d’auteur, Valérie Lemercier raconte sa perception du Québec et y mêle des éléments de sa vie. Elle, fille d’agriculteurs de Seine-Maritime, attirée par le monde du spectacle et qui rêvait de devenir une chanteuse à succès. Lors de la sortie du film, Claudette et Michel, sœur et frère de Céline Dion, ont eu des mots durs à l’égard de l’oeuvre et n’ont notamment pas apprécié que la vie de “leur Céline” soit travestie à l’écran. Ce film reste une fiction. À mon sens, la cinéaste française a pourtant bien su saisir l’âme québécoise et l’essence de la diva, tout en conservant une distance critique et un humour à prendre au second degré.
Le film distribué par Maison 4:3 est disponible en salle depuis le 26 novembre partout au Québec. Je vous recommande d’aller le voir et de vous faire votre propre opinion!