Un jeune professeur de théâtre Benjamin (Benoît Magimel) atteint d’un cancer incurable vit ses derniers mois entouré de sa mère (Catherine Deneuve) et d’une équipe médicale très impliquée dirigée par un médecin dévoué, le docteur Eddé (Le Dr Sara dans son propre rôle). Une infirmière (Cécile De France) l’accompagne également sur cet impossible chemin. Ce film dure le temps d’une année, quatre saisons, pour « danser » avec la maladie, l’apprivoiser, et comprendre ce que signifie « mourir de son vivant ».
Dans ce film, Emmanuelle Bercot livre une réflexion, à la fois sombre et lumineuse, sur la fin de vie et sur la place que laissent les défunts dans l’existence de ceux qui leur survivent. En fait, ce film est ambivalent parce qu’il est émouvant et éprouvant ; émouvant parce que tout en finesse et en délicatesse, évoquant des sentiments à fleur de peau, toujours guidés par la vérité. « Mon principe absolu, c’est la vérité » répète sans cesse le docteur Eddé. En même temps, le film met en avant le rôle et les fonctions des médecins, aide soignants, infirmières, qui se retrouvent autour de lui pour verbaliser et partager leurs émotions, confrontés à la douleur des autres qui devient très souvent un peu la leur. En effet, quand une infirmière se reproche d’avoir pleuré, en disant «Mon rôle c’est d’être solide, c’est d’être rassurante. », le médecin lui répond : «Un malade qui vous voit émue ressent votre empathie. Si vous pleurez, n’ayez pas honte ».
Ainsi, Benoit Magimel offre une palette d’émotions d’une rare intensité, à la hauteur de ce rôle extraordinairement éprouvant. Toujours juste, il ne tombe jamais dans le pathos, passant par les états successifs que connaissent les gens souffrant de longue maladie : sidération, révolte, acceptation, résignation. Et la transformation physique est aussi très présente. Et pourtant, avant de partir, de quitter l’écran, il fait dire à ses élèves « Soyez généreux et authentiques et au plus près de votre être profond, accomplissez-vous. » parce qu’il faut être avant de partir.
À travers lui, à travers les combats de Benjamin, ce sont aussi ses proches que l’on côtoie. Sa mère, d’abord, omniprésente, aimante, étouffante, à laquelle Catherine Deneuve prête sa détresse, ses remords et son impuissante majestueuse. Ensuite, son fils, qu’il n’aura jamais voulu connaitre, mais qu’il «retrouvera » dans un ultime moment de partage à travers la musique, un instant quasi fugace et très beau de ce film bouleversant, sans pour autant être vraiment tristes.
De plus, la réalisatrice ajoute encore que dans sa volonté de réussir un film mélodramatique, la dimension de la musique lui est rapidement apparue aussi
fondamentale que celle du scénario, de la mise en scène ou de l’interprétation. Effectivement, sans elle, pas de film car la musique devient progressivement un personnage à part entière qui porte, en les transcendant, les sentiments et les émotions des personnages, et fait surgir ce supplément d’âme que toute création recherche. C’est pourquoi la bande-son couvre un large spectre, allant du jazz au tango, de Lean on me de Bill Waters à Bye bye love des Everly. Instantanément, la charge émotionnelle s’allège pour laisser émerger un sourire communicatif à l’équipe tout comme aux malades et à nous spectateurs. Poignante, sans être mièvre ni pathétique, la musique sert le film. Ainsi, même au plus mal, dans sa chambre d’hôpital, Benjamin écoute Gershwin, Rhapsody in Blue, ou reçoit un guitariste qui lui joue Armstrong, Let my people go. Rien de triste là, bien au contraire !
En fait, je crois que ce film est un remerciement en images, sincère pour ces soignants qui accompagnent au quotidien des mourants. On perçoit le travail de deuil sous tous les angles : le mourant, la famille, les proches, les médecins… L’intelligence du discours est infinie dans De son vivant, et on ne regrette clairement pas de l’avoir vu, malgré une certaine dose de pathos dont on aurait peut-être pu faire l’économie.
Parlons encore du docteur Eddé joué par le Docteur Gabriel Sara, oncologue-hématologue libanais vivant à New York. Il joue un médecin attentif, humain et amateur de musique, qui accompagne le héros de De son vivant vers la mort. Il est extraordinaire et il a une telle lumière dans le regard qu’on se dit qu’il doit traiter ses malades de la même manière. Merci monsieur, de nous avoir montré que des médecins de cette trempe existent probablement encore.
Bref, ce film est à la fois un superbe message d’amour et une leçon de vie car il montre que personne ne doit se sentir coupable si un malade choisit de « partir » seul et cela arrive plus souvent qu’on ne le croit. Et l’on ne comprend pas toujours bien qu’il s’agit sans doute d’un acte d’amour, de pudeur, de la part de celui ou celle qui nous quitte. C’est de tout cela qu’il s’agit dans ce très beau film.
Distribué au Canada par TVA FILMS, DE SON VIVANT prendra l’affiche le 3 décembre 2021.