Le premier ministre du Québec Philippe Couillard aurait tranché. Les étudiants français verront leurs tarifs de frais de scolarité alignés sur celui des étudiants canadiens, et paieront trois fois plus cher. La « spécificité » chère au Président français Hollande aurait-elle cédé face au réalisme budgétaire du Québec ?
Selon des informations obtenues par La Presse, l’entente entre Paris et Québec devrait aboutir au triplement des frais de scolarité pour les étudiants français. Le président François Hollande, lors de sa visite officielle au Québec le mois dernier, avait obtenu du premier ministre Couillard, le maintien de la « spécificité » pour les étudiants français, qui jusqu’alors, paient les mêmes droits que les étudiants québécois.
Il semblerait que la « spécificité » se limite dorénavant aux étudiants déjà présents sur le sol québécois, et aux étudiants de 2e et 3e cycle. Les étudiants français déjà inscrits dans les universités pourraient continuer de bénéficier de droits réduits.
Un principe de « quotas » d’étudiants français à frais réduits, contre une cohorte plus importante d’étudiants québécois dans les grandes écoles françaises, avait également été évoqué.
De source consulaire française au Québec, on nie tout accord entre Paris et Québec. On indique que les négociations se poursuivent et que tout sera fait pour obtenir les meilleures conditions pour les étudiants français. « Aucun chiffre n’a été encore retenu car aucune entente n’a encore été conclue » entre Paris et Québec, a déclaré à l’AFP François Caouette, attaché de presse du ministère québécois des Relations internationales et de la Francophonie. « Les termes de la négociation sont sur la table mais pas de décision prise », a résumé une source consulaire française.
Frédéric Lefebvre refuse une issue défavorable aux 12 000 étudiants français
Pour le député français UMP d’Amérique du nord, Frédéric Lefebvre, qui a réagit à cette information, « il serait incompréhensible qu’une telle décision puisse être décidée unilatéralement pénalisant ainsi nos étudiants ». Le parlementaire travaille depuis des mois sur ce dossier et son jeune collaborateur Michaël Pilater, par ailleurs Conseiller à l’AFE pour le Canada, avait lancé une pétition en mars 2014, qui a recueilli plus de 4 000 signatures à ce jour. Frédéric Lefebvre rappelle que, lors de la visite de François Hollande le mois dernier, il s’est entretenu lui aussi avec le premier ministre Couillard pour que ce sujet évolue favorablement. Il choisit la fermeté et précise : « En tant que député représentant les Français en Amérique du nord, je n’accepterai, en aucun cas, de soutenir une issue défavorable aux 12 000 étudiants français, pas plus que la perspective d’une réduction de l’attractivité du Québec pour la jeunesse française. » Le député se place dans la perspective de la visite du premier ministre Couillard en France en 2015, et assure demeurer mobilisé pour « œuvrer à l’émergence d’une solution qui préserve la relation spécifique France/Quebec qui passe par un accès privilégié à nos systèmes d’enseignement respectifs. »
Du côté du parti socialiste de Montréal, on se veut prudent, et on rappelle que rien n’est officiel en l’absence de déclaration des deux gouvernements. La section du PS de Montréal précise : « Selon nos sources, les négociations entamées avec le gouvernement français donneront lieu début 2015 à la mise en place de quotas et à des aménagements d’exemption de frais pour certaines catégories d’étudiants ». La gauche montréalaise en profite également pour réaffirmer son attachement au « besoin de faciliter en France l’accès des étudiants québécois aux grandes écoles ». Plus généralement, le PS de Montréal « recommande que des efforts accrus en matière de promotion du système universitaire français soient fournis afin de favoriser le progrès et les échanges au sein de la communauté Francophone internationale. »
La modulation des frais au programme des étudiants étrangers
Vendredi dernier, le ministre québécois de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science, Yves Bolduc, a rendu public le rapport final du chantier sur le financement des universités. Le rapport, qui avait pour objectif de proposer une nouvelle politique de financement adaptée à la réalité des universités, préconise notamment la modulation des frais de scolarité en fonction des disciplines pour les étudiants étrangers et canadiens, dont feront désormais partie les étudiants français. Les étudiants français sont de loin les plus nombreux des étudiants étrangers dans les universités québécoises, avec plus de 37% des effectifs. Ils sont passés de 4 600 en 2001 à plus de 11 000 en 2012.
De nombreuses recommandations de ce rapport pourraient déjà être mises en oeuvre au cours de l’année 2016-2017. Le mois dernier, la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) avait dénoncé le projet de Philippe Couillard, et proposait de « travailler afin d’avoir une plus grande rétention des étudiants français au lieu de favoriser l’implantation de mesures qui ne feront que diminuer leur présence sur les bancs des universités du Québec ». Lundi, son président Jonathan Bouchard, a regretté que « les étudiants internationaux servent encore de vaches à lait pour le gouvernement » mais s’est félicité que le crédit d’impôt pour les étudiants internationaux qui désirent demeurer au Québec après leurs études, proposé par le syndicat étudiant, ait été retenu par le gouvernement.
Lisez aussi : la décision sur l’entente de principe du 12 février 2015
(crédit photo : Alice Chiche – Archives)