Avec plus de 100 000 visiteurs depuis le mois de mai dernier, l’exposition « Métamorphoses. Dans le secret de l’atelier Rodin » est la plus importante jamais consacrée au sculpteur français en Amérique du Nord.
Pénétrer l’atelier et les secrets de fabrication du plus grand maître de la sculpture du 20e siècle est encore chose possible jusqu’au 18 octobre prochain, au Musée des beaux-arts de Montréal. Sur le thème de la transformation, de la recherche et du processus créatif chez Rodin, l’exposition propose plus de 300 œuvres. Plâtres anciens, marbres, bronzes, dessins et aquarelles, les visiteurs explorent la remarquable technicité de l’artiste. Une sélection de 70 clichés d’Eugène Druet — photographe contemporain du sculpteur — habilement agencée à mi-parcours, permet en outre de contempler Auguste Rodin au travail.
Place donc au grandiose, au mouvement et à la sensualité pour une expérience garantie à forte teneur émotionnelle. Le plus impressionnant restant le plâtre monumental du célèbre Penseur trônant au milieu d’une des nombreuses salles de l’exposition.
En collaboration avec le Musée Rodin de Paris
Selon Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal, « Métamorphoses. Dans le secret de l’atelier Rodin » est l’occasion pour les visiteurs de découvrir l’œuvre de l’artiste sous un nouveau jour. En effet, elle explique que certains moulages, plâtres et autres esquisses, jusqu’ici inconnus du grand public et issus de réserves muséales françaises, sont exceptionnellement dévoilés au public.
Ces prêts viennent en majeure partie de la collection inestimable du Musée Rodin de Paris, ce qui revêt une valeur affective toute particulière aux yeux de la directrice franco-canadienne. Nathalie Bondil salue la participation de prêteurs nationaux et internationaux tels que le Metropolitan Museum de New York qui a notamment confié le chef-d’œuvre en marbre La Main de Dieu.
Pour cette passionnée et spécialiste de Rodin, c’est avec « une satisfaction absolue et une vive émotion » qu’elle évoque l’accueil de la précieuse collection.
« Nous sommes fiers de proposer au public québécois les plus belles œuvres de Rodin, ajoute-t-elle. Quand vous installez ses œuvres dans un endroit, elles développent une telle puissance d’expression, elles habitent tellement l’espace, que vous en êtes frappé ». Une œuvre magistrale, d’après la conservatrice, qui ne peut laisser le spectateur indifférent. Une salle pour les non-voyants a également été conçue et donne la possibilité de toucher des répliques miniatures d’œuvres de Rodin. Un passage qui s’avère apprécié de tous, tant l’envie irrépressible de palper et de caresser les sculptures est grande.
Modèles, matériaux et chefs-d’œuvre vivants
« Rodin, c’est beaucoup de testostérone » plaisante Nathalie Bondil en évoquant l’aspect sensuel de l’œuvre rodinienne. En effet, chair et matière sont indissociables chez l’artiste. Rodin admettra d’ailleurs vouer une passion immodérée pour les corps de femmes, les considérant comme des chefs-d’œuvre vivants. En 1912, il confiait : « Je ne puis travailler qu’avec un modèle. La vue des formes humaines m’alimente et me réconforte. »
Le plus souvent féminin, nu, dans des postures inédites — parfois jugées indécentes — le corps du modèle devient l’expression même de la vie pour le sculpteur. Et, cette sensualité exacerbée, palpable, organique, qui émane de ses créatures figées dans la pierre, est totalement déroutante.
Tel un dieu créateur, Rodin anime la matière et immortalise le vivant dans un mouvement constant. Il évoquera d’ailleurs l’idée de ce Dieu sculpteur : « Dieu a d’abord pensé au modèle ». Plaçant le moulage au cœur de son processus créatif, le maître laisse libre cours au hasard, à l’intuition, mais aussi à l’étude suivant un principe de création continue; une approche révolutionnaire pour l’époque. Qui dit moulage dit possibilité de répéter, de
fragmenter, d’assembler, d’agrandir, de réassembler à l’infini.
Auguste Rodin, véritable bourreau de travail, est donc perpétuellement en recherche. Considérant toute création comme inachevée par essence, il déclarait : « Nous sommes des ouvriers dont la journée ne finit jamais ».
Celui qui faisait « trembler le marbre » — d’après ses contemporains — livre au monde une série d’œuvres aussi inimitables que somptueuses, tel que l’hypnotique Le baiser évoquant sa rencontre avec sa muse : la sculpteure Camille Claudel (photo de Une).
(crédit photo : Musée des Beaux-Arts de Montréal)
« La tête de l’homme est penchée, celle de la femme est levée, et les deux bouches se rencontrent en un baiser où se scelle l’union intime de deux êtres. Par une extraordinaire magie de l’art, il est visible, ce baiser, à peine indiqué à la rencontre des lèvres, il est visible, non seulement à l’expression des visages recueillis, mais encore à tout le frisson qui parcourt ces deux corps de la nuque aux talons.» Gustave Geffroy.
Exposition au Musée des Beaux-Arts de Montréal, jusqu’au 18 octobre 2015
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