Une fois n’est pas coutume, l’Université de Montréal accueillait le mouvement macroniste pour son deuxième débat autour du thème de la laïcité mardi 21 février dernier. Pour ce faire, En Marche Montréal avait invité Benoit Morissette, un doctorant québécois spécialisé en philosophie politique. « Laïcité et multiculturalisme », le thème a attiré près d’une cinquantaine de personnes, à majorité étudiantes.
Par Cédrelle Eymard
Un cours d’Histoire du Québec
La salle a des allures de cours de classe. Cette fois, des tables et des chaises ont été installées. Et c’est une ambiance plus studieuse, plus universitaire qui plane sur ce deuxième débat. « Nous avons tenu, pour les deux premières conférences, présente Christopher Weissberg, l’un des co-référents du mouvement, à aborder deux thèmes chers à Emmanuel Macron, l’Europe et son réenchantement, et la laïcité ». Benoit Morissette prend la parole et présente durant une trentaine de minutes une vision historique de la laïcité et du rapport que le Québec tient vis-à-vis du lien entre la religion et l’Etat. S’en suit une longue explication sur la Commission Bouchard-Taylor, ce qu’il s’est passé depuis et l’établissement de la Charte des Valeurs de 2013.
Le récit est plutôt captivant et il faut une oreille attentive et concentrée pour suivre le fil de la récente Histoire québécoise. « Il existe un certain sentiment de peur et de fragilité chez certains québécois vis-à-vis de leur identité », explique le doctorant. Il ajoute qu’une majorité francophone est globalement favorable à l’établissement d’une Charte des valeurs, bien que ce projet n’ait finalement pas été adopté, le refus viendrait plus particulièrement des minorités récentes de l’immigration. Il conclut que le Québec s’est construit une histoire avec la peur, qui lui est propre, depuis la construction de son identité « en état de survivance » face à la majorité anglophone du Canada ainsi que la proximité avec les Etats-Unis. C’est l’histoire d’un territoire qui a toujours lutté pour sa survie francophone au milieu d’un paysage anglophone. Il tient à son identité et l’a construit de manière fragile, toujours dans la crainte. « La plus grande leçon du rapport Bouchard-Taylor, finit Benoit Morissette, est qu’il y a un décalage évident entre les perceptions dans l’opinion publique et dans les médias et la réalité ». Ainsi, il y a un travail à faire sur les médias et sur le véritable sentiment qu’exprime la population dont « la majorité vit bien la diversité sociale et culturelle ».
Dialogue de sourds entre la France et le Québec?
Roland Lescure, un membre actif d’En Marche Montréal, tient le rôle d’interviewer et d’animateur face à Benoit Morissette. Plusieurs questions sont posées par l’assistance, et de nombreux étudiants, français pour la plupart, très intéressés par le thème et le cours précédent, relancent l’universitaire sur sa vision de la laïcité en France, dont les définitions sont si différentes. Difficile d’émettre des explications, de proposer des réponses ou d’amorcer des pistes de solutions pour un pays à l’histoire, à la culture, à la politique ou à la laïcité si différentes. Il aurait peut-être été plus dynamique, plus interactif d’avoir, face à Benoit Morissette, un invité sinon français, du moins spécialiste de la question française. Cela n’a pas l’air d’avoir perturbé les curieux d’un soir. « Nous sommes satisfaits du débat, déclarent Louis et Paul, deux étudiants d’HEC de 21 ans, venus assister à la conférence. «Nous savons qu’on ne peut comparer France et Québec. Le récit était vraiment très intéressant ». Les deux Français, venus à En Marche Montréal pour la première fois, ne cachent pas leurs idées et valeurs communes avec Emmanuel Macron. Même si Paul avoue qu’il n’est toujours pas fixé sur son vote, contrairement à Louis, ouvertement macroniste.
A noter, les prochaines conférences auront lieu les 14 et 28 mars et auront respectivement pour thèmes, les femmes et l’environnement.
(crédit photo: Nathalie Simon-Clerc – Cédrelle Eymard)