Dans le cadre de l’exposition De l’Espagne au Maroc, Benjamin-Constant en son temps. Merveilles et mirages de l’orientalisme, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a organisé, lundi 4 mai, la dernière conférence d’une longue série sur l’orientalisme. Intitulée « Delacroix, souvenir du Maroc », cette conférence a été donnée par Dominique de Font-Réaulx, conservatrice en chef du Musée du Louvre et directrice du Musée national Eugène Delacroix, devant une centaine de personnes.
Le peintre romantique de La Liberté guidant le peuple était à l’honneur ce lundi au MBAM. Parce qu’ils auront beaucoup inspiré Benjamin-Constant – exposé jusqu’à la fin du mois au MBAM – les souvenirs du Maroc d’Eugène Delacroix ont clôturé le cycle de conférences sur l’orientalisme en peinture.
Amie de longue date de Nathalie Bondil, la directrice du MBAM, Dominique de Font-Réaulx, conservatrice en chef du Musée du Louvre et directrice du Musée national Eugène Delacroix, a fait le déplacement jusqu’à Montréal pour présenter les numérisations des carnets, tableaux et autres photographies de souvenirs ramenés par le maître du Maroc. « C’était très important pour moi d’être là, de pouvoir partager tous ces éléments aux Montréalais », nous confie la conservatrice.
Delacroix, maître à penser de Benjamin-Constant
A quarante ans d’intervalles, Eugène Delacroix et Benjamin-Constant accompagnèrent les missions diplomatiques françaises au Maroc (1832 et 1871). Tous deux se rendirent à Tanger et furent frappés, au gré des paysages visités, par la tonalité des couleurs qu’ils découvrirent. Pour chacun, l’expérience eut une grande influence sur le choix des couleurs utilisées dans leurs tableaux futurs.
« Le Maroc a nourri la peinture de Delacroix de manière remarquable. Mais il n’a pas peint tout de suite, comme pour mieux prendre du recul et donner cette impression de flou », explique Mme de Font-Réaulx.
Pour garder une mémoire chromatique vraisemblable, il esquisse des paysages, étudie les visages, les corps et les vêtements des marocains, reproduit des chevaux « pur-sang », prend des notes précises dans ses carnets. Il ramène même des… bottes, des commodes, des instruments de musique, mais surtout des céramiques multicolores. Tous ces souvenirs ramenés en France permettent à Delacroix de peindre a posteriori. D’où ce « flou » intentionnel, que l’on retrouve d’ailleurs dans Le Kaïd, chef marocain (1837), exposé en ce moment au MBAM.
Renommée du MBAM en France
Professeure à l’École du Louvre et à Sciences Po Paris, la Conservatrice du Musée du Louvre est attachée à la pédagogie et à la transmission du savoir, deux valeurs qu’elle retrouve au MBAM et qui la lie professionnellement plus que personnellement au musée montréalais: « Ce qui m’intéresse beaucoup ici, c’est tout ce qui est entrepris par rapport à l’Histoire de l’art pure, avec des expositions très savantes, comme ici sur Benjamin-Constant. Mais il y a aussi
quelque chose de très juste dans le rapport à l’éducation, à l’accueil du public, et de l’attention donnée à ce public ».
Pour elle, l’exposition au MBAM réussit à montrer un univers pictural dans son ensemble: « Ce n’est pas qu’une exposition sur un artiste, observe la directrice du Musée Delacroix. Elle donne aussi beaucoup à voir et à comprendre sur le XIXe siècle et sur cette dimension de l’orientalisme à cette période, entre fantasmes et vérité, entre séduction et brutalité. C’est fascinant ».
Une réussite, donc, qui n’en serait pas une si les œuvres de Constant, Delacroix et autres Laurens n’avait pas fait le voyage jusqu’en terre québécoise. « Je suis très attachée à ce qu’on puisse voir les œuvres en vrai, car si on ne voit que des reproductions dans des livres, on ne découvre pas le rapport à la taille de la peinture, à sa lumière ou à sa ’’touche’’. C’est remarquable que tout ceci ait pu être monté à Montréal », conclut-elle.
Dominique de Font-Réaulx a contribué au catalogue de l’exposition, sous la direction de Nathalie Bondil.
(crédit visuel : MBAM)
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