Le 21 juin dernier, les conseillers consulaires du Canada ont élu quatre conseillers qui siégeront à l’Assemblée des Français de l’Étranger (AFE). Cette assemblée est l’instance politique qui représente les Français établis hors de France. Elle siège à Paris et est représentative des quelque deux millions de Français établis à l’étranger.
À l’issue de ce scrutin, les quatre conseillers suivants ont été élus : Yan Chantrel (PS), Michaël Pilater (UMP), Pierre Touzel (MoDem) et François Lubrina (Divers Droite).
Cette élection soulève plusieurs interrogations.
D’abord, elle ne reflète pas le poids politique de la gauche parmi les conseillers consulaires. En mai dernier, 9 conseillers consulaires sur 18 ont été élus sur des listes progressistes (soutenues notamment par l’Association Français du Monde mais aussi par des partis politiques comme le PS, EELV, le Parti Radical de Gauche, le Mouvement des Citoyens et bien sûr le Front de Gauche). Avec la moitié des conseillers consulaires à gauche, on aurait été en droit de s’attendre à la moitié d’élus de gauche à l’AFE (pour le Canada). Il n’en a rien été. Pourquoi?
Une fois de plus, le Parti Socialiste est parti divisé à la bataille. Mécontent d’avoir été écarté de la liste de Yan Chantrel, Dan Brignoli (conseiller consulaire PS de la circonscription de Toronto) a finalement rejoint la liste menée par le MoDem Pierre Touzel. Danielle Thaler (membre fondateur de la section Français du Monde à Victoria, représentante de Dan Brignoli, conseillère à l’AFE sous l’étiquette Français du Monde) a également rejoint la liste Touzel. Quant à Nathalie Bonneu (élue à Québec sous l’étiquette du Rassemblement des Français de Gauche), elle s’est vantée depuis dans les médias sociaux de ne pas avoir voté pour la liste de gauche de Yan Chantrel (elle se serait abstenue). [pullquote] »Alors que la loi électorale prévoyait la parité obligatoire pour les listes consulaires, force est de constater qu’une fois passée à l’AFE, la parité n’est plus qu’un lointain souvenir… »[/pullquote]Et je ne parle pas ici de Sophie Mohsen qui s’est faite élire au Conseil consulaire de Montréal sur une liste prétendument de gauche, allant jusqu’à afficher la photo de Manuel Valls et la rose et le poing sur sa circulaire et son affiche électorale. Le 21 juin, elle était candidate sur la liste divers droite emmenée par François Lubrina (et aura donc, très logiquement, voté pour lui).
Finalement, sur 4 conseillers à l’AFE pour le Canada, 3 sont de droite. 3 sur 4 sont également de Montréal. Et malheureusement, 4 sur 4 sont des hommes. Alors que la loi électorale prévoyait la parité obligatoire pour les listes consulaires, force est de constater qu’une fois passée à l’AFE, la parité n’est plus qu’un lointain souvenir…
« Le Front de gauche, ce n’est pas le PS »
Au vu de ces résultats, certains me somment de sortir de mon silence et de trahir le secret du vote en annonçant publiquement pour quel candidat à l’AFE j’ai voté. Quelle étrange question? N’avez-vous pas suivi la campagne consulaire? N’avez-vous pas lu nos propositions (et nos positions)? N’avez-vous pas compris que le Front de Gauche, ce n’est pas le PS? Que nous nous déclarons ouvertement « l’opposition de gauche »?
Le PS a fait un drôle de choix dans cette élection: alors que pour les consulaires, sa tête de liste était Brigitte Sauvage (conseillère sortante de l’AFE), qui n’est pas membre du parti et dont tout le monde salue le travail, il lui a refusé la tête de liste pour les élections à l’AFE et a donné sa place à Yan Chantrel (ancien assistant parlementaire de la députée PS Corinne Narassiguin, membre de la commission administrative de la section PS de Montréal). Un choix politique donc.
À partir du moment où les listes sont politisées, il n’y a pas de surprise : on vote pour des idées, et celles défendues par le PS actuellement ne correspondent pas à celles défendues par le Front de Gauche. Le mandat que m’ont donné les 436 électeurs qui ont voté pour L’Humain d’abord (la liste citoyenne et solidaire, soutenue par le Front de Gauche) était clair. Voter pour un candidat PS au second tour aurait été vécu comme une trahison. Je ne suis pas de ceux qui se font élire puis qui trahissent ensuite la confiance de leurs électeurs (j’aime le mot « de leurs commettants ») en prenant des positions différentes de celles exprimées pendant la campagne.
« L’unité de la gauche plurielle n’est pas un dû »
Il n’y a eu aucune discussion entre la liste de Yan Chantrel et moi-même. Même pas un échange de courriels. Mon vote repose donc uniquement sur le mandat donné par les électrices et les électeurs pour bâtir une politique de gauche différente, à l’exclusion de toute autre considération.
La liste PS à l’AFE n’apportait aucune reconnaissance au mérite ou à l’engagement, en privilégiant des responsables d’appareils au détriment de personnes de terrain. Plutôt que de chercher à rejeter les causes de son échec sur d’autres partis, le PS pourrait commencer par se demander si la politique qu’il a défendue à l’AFE au cours des deux dernières années prenait bien en compte les aspirations exprimées par les électeurs. Pour rappel, les socialistes ont diminué le budget de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger (AEFE) de 8,5 millions d’euros en 2014. Ce n’est pas rien.
L’unité de la gauche plurielle n’est pas un dû ou un acquis, elle ne se fait qu’autour d’un projet collectif. Le nôtre est différent de celui défendu par François Hollande, par Manuel Valls. Le nôtre est éco-socialiste, féministe, laïc et républicain. Qu’on commence par remettre en cause les bases économiques, écologiques, sociales et politiques de notre société et nous serons les partenaires de choix pour construire un autre projet. Mais sans ce travail de refondation, l’union ne pourra pas se réaliser à gauche, encore moins si l’on ne regarde que les enjeux de pouvoir immédiats et qu’on cherche juste à être élu sans avoir défini exactement « pour quoi faire ».
« Brigitte Sauvage a fait du bon travail à l’AFE »
En passant, de nombreuses personnalités se sont élevées pour regretter que Brigitte Sauvage n’ait pas été réélue à l’AFE, et parmi eux, le député PS Pierre-Yves LeBorgn’, l’ancien Consul Général de France à Montréal Pierre Robion, Franck Scemama ancien candidat PS aux législatives dans notre circonscription, et plusieurs membres (ou anciens membres) de l’AFE comme Martine Vautrin-Djedidi, Patricia Grillo ou Marc Jamin. Je pense aussi que Brigitte Sauvage a fait du bon travail à l’AFE, je l’ai dit. Mais pour qu’elle retrouve son siège, il y aurait un moyen très simple : que Yan Chantrel (qui n’était pas tête de liste face au suffrage universel) démissionne et lui cède sa place. Mais le PS est-il prêt à ce geste courageux?
[pullquote] « il est très clair que je n’ai voté ni pour le PS ni pour l’une des trois têtes de liste de droite aux élections à l’AFE »[/pullquote]Pour conclure, la question de savoir pour qui j’ai voté est sans doute un piège. Il faudrait rappeler que le secret du vote permet d’éviter a priori l’influence et l’intimidation (et a posteriori la polémique voire les menaces). En même temps, même si le vote est secret, il est très clair que je n’ai voté ni pour le PS ni pour l’une des trois têtes de liste de droite aux élections à l’AFE, par fidélité à mes engagements, par respect pour les électrices et électeurs qui m’ont fait confiance et bien entendu par conviction personnelle. Notre liste était une liste soutenue par le Front de Gauche, correspondant au programme L’Humain d’Abord et aux propositions de notre coalition pour les Français de l’étranger. Nous nous sommes beaucoup battus pour offrir cette possibilité aux électrices et aux électeurs de notre circonscription. Ce n’est pas pour faire ensuite la courte échelle à un candidat PS (ou de droite).
En fin de compte, la question la plus intéressante ne serait-elle pas plutôt : Philippe Molitor a-t-il trahi son mandat? À cette question, la réponse est très claire : c’est non!
Philippe Molitor, Vice-président du Conseil consulaire de Montréal, Conseiller consulaire
(crédit photo : Rozenn Nicolle)
Si Philippe Molitor a voté blanc, c’est donc Séverine Boitier (UDI) qui à voté à gauche. CQFD! Qu’en pensent les électeurs de l’UDI? Soutiennent-ils, comme leur chef de file, la politique de François Hollande?
Pierre Touzel n’est pas de droite. Le Mouvement Démocrate est un parti du Centre.
Il serait intéressant pour le débat politique en France que les gens comprennent que l’on n’est pas condamné à toujours refaire le même mauvais choix entre le PS et l’ump.