On ne présente plus Louise Beaudoin. Députée, ministre, femme politique engagée auprès de René Lévesque, cette souverainiste a conquis sa place dans un monde politique masculin dès les années 70. Citoyenne française et québécoise, elle continue de défendre ses idées de chaque côté de l’Atlantique et veut rester vigilante face aux tendances conservatrices européennes et américaines.
« Les garderies à cinq dollars et les mesures sur l’équité salariale n’auraient jamais vu le jour s’il n’y avait pas eu trois femmes au Gouvernement », lance Louise Beaudoin.
Dans les années 70, elles sont trois à s’impliquer dans le nouveau parti souverainiste de René Lévesque, le Parti Québécois (PQ). Aux côtés de Louise Beaudoin, alors au cabinet du ministre des affaires intergouvernementales, il y a « les deux autres copines », Louise Harel et Pauline Marois, au cabinet de Lise Payette. Aujourd’hui Pauline Marois est première Ministre du Québec, et son gouvernement compte huit femmes ministres.
« Lise Payette a joué le rôle de modèle », avoue Louise Beaudoin. C’est la fin de la révolution tranquille, et elle décide d’entrer en politique « pour permettre de faire une place aux femmes ». Responsable de la région de Québec pour le PQ, elle se souvient : « René Lévesque ? C’était un homme de sa génération, il fallait gagner sa place, mais il nous la laissait. »
Diplômée de l’Université Laval au Québec et de la Sorbonne à Paris, Louise Beaudoin connaît bien le Québec et la France. Elle s’étonne des résistances rencontrées dans les années 80 dans l’Hexagone, pour la féminisation des titres, alors acceptée au Québec. C’est l’époque ou, première femme à être nommée Déléguée générale du Québec à Paris, elle est autorisée à féminiser son titre.
« Le personnel politique masculin français de cette époque nous ridiculisait, alors qu’au Québec, c’était déjà rentré dans les mœurs », explique-t-elle. Elle se rapproche des féministes françaises Yvette Roudy et Benoîte Groult, « pour changer ça! ». Ministre des droits de la femme sous François Mitterrand dès 1981, Yvette Roudy est à l’origine de la loi sur le remboursement de l’IVG (interruption volontaire de grossesse) et de la loi sur la parité homme-femme. Les « Jupettes », les douze femmes du gouvernement d’Alain Juppé en 1995, ont été raillées avant d’être évincées au bout de six mois. Aujourd’hui, la loi impose la parité homme-femme aux élections municipales, et pour la première fois pour les prochaines élections consulaires.
« La remise en cause de l’IVG ? C’est épouvantable! »
La carrière de Louise Beaudoin est jalonnée de combats politiques, mais cette femme d’action reste vigilante. Car même si les choses ont aujourd’hui changé, elle admet qu’en France, c’est moins facile pour les femmes, pour exercer un métier non traditionnel par exemple. « Car la France réac’ est toutes voiles dehors », s’exclame-t-elle. Elle s’insurge contre le débat autour de la théorie du genre mené par la droite en France ou la remise en cause de l’IVG en Espagne, voire même en France.
Au Canada, les Conservateurs ont voulu présenter un projet de loi identique, et Stephen Harper a reculé. « Mais il doit en avoir envie », soupçonne-t-elle. « C’est très inquiétant, rien n’est jamais acquis », soupire Louise Beaudoin.
La laïcité, principe acquis en France par tout l’échiquier politique, reste également au centre de ses préoccupations. Elle a soutenu la Charte des valeurs du Québec, car elle y voit un élément d’émancipation des femmes. « Mais je ne suis pas dans la catho-laïcité, ajoute-t-elle, il faudrait décrocher le crucifix à l’Assemblée nationale ».
L’ancienne ministre estime que les femmes ont encore des combats à mener au XXIe siècle, dans le domaine de l’égalité au travail et des rémunérations, mais surtout dans la conciliation famille-travail pour les femmes actives. En tant que députée de Chambly pendant huit ans, elle a croisé de nombreuses femmes qui tentaient de tout concilier dans une journée.
Mais c’est aussi le retour du conservatisme qui inquiète cette femme de convictions, et maintient sa vigilance féministe. « À cause de la mondialisation, il faut se trouver des repères. C’est pour cela que la nation est si importante, et que je suis indépendantiste », conclut Louise Beaudoin.