Une visite guidée à travers l’œuvre complète d’un artiste, sans quitter le confort du fauteuil rembourré du cinéma, c’est possible cette semaine grâce au Festival international des films sur l’Art qui se tient au Musée des Beaux-Arts (MBMA), à la Grande Bibliothèque, au Centre Phi et à la Société des Arts Technologiques notamment. Jusqu’au 20 mars, plus de 170 documentaires sur les arts et artistes de toute époque seront projetés à Montréal, dont plus d’un quart en provenance de l’Hexagone.
Par Anne-Hélène Mai
Dédié à la diffusion des meilleures productions mondiales de films sur l’art, cet incontournable du milieu artistique, reconnu mondialement, se veut rassembleur. Le festival a aussi pour but de faire valoir les productions nationales : plus de 18 films québécois s’afficheront sur grand écran. Mais c’est aussi de la France, fidèle à sa réputation de foyer artistique, que sont originaires plus du quart des réalisateurs qui ont dévoilé leurs travaux cette semaine.
On compte parmi eux Jean-Paul Fargier, pour Fragonard, les gammes de l’amour, et Mathilde Deschamps, pour Chagall, peintre de la musique, projetés l’un à la suite de l’autre le 11 mars dernier au MBAM.
Fragonard et Chagall
Tous deux entremêlent musique et peinture, le premier partant de l’idée de gammes de l’amour, de différentes tonalités parmi certaines peintures d’apparence frivole et utopique de Fragonard. Il raconte l’amour selon plusieurs thèmes, nous disent conservateurs de musée et autres spécialistes : de l’amour galant à l’amour érotique, en passant par l’amour de la nature entre autres. Il peint un idéal amoureux, illustre le libertinage de l’époque dans des décors magnifiés, des corps irréels et une nature pittoresque, le tout sous le regard espiègle et symbolique de chérubins. Fragonnard révèle les jeux de discrétion qui pimentent ces amours secrètes par des visages expressifs et de grandes lignes de mouvement. Les personnages sont pris sur le vif, et le peintre, loin de les dénoncer, nous rend complice de leur jeu.
Chagall œuvre, lui, vers un art total, alliant peinture et arts du spectacle. Il n’a pas peur d’emplir ses toiles de couleurs vibrantes pour donner vie à un univers onirique, qu’il ne limite pas au tableau même. Chagall a pris part à la réalisation de ballets et d’opéra (L’Oiseau de Feu de Stravinsky et La Flûte Enchantée de Mozart), a conçu décors et costumes enchanteurs, débordant de couleurs et de textures. Son art pimpant sait jouer de l’harmonie des teintes vives, sans jamais tomber dans le criard. Il crée une atmosphère fantasmagorique qui accompagne avec justesse les arts scéniques, sur le plafond de l’Opéra Garnier à Paris et sur les vitraux de l’auditorium du musée national Marc Chagall de Nice.
Roland Barthes
Un troisième documentaire français, réalisé par Thierry Thomas, porte sur l’écrivain Roland Barthes, ses écrits et réflexions sur le langage et l’imaginaire collectif, les mythes et les significations. Plus éparpillé que les films sur Chagall et Fragonard, qui suivent des thèmes directeurs pour justifier le passage d’une œuvre à l’autre, Roland Barthes (1915-1980), le théâtre du langage valse de notion en notion et tarde à établir concrètement les bases de la pensée de l’intellectuel. On en retient ainsi des fragments d’idées sans saisir le bout de sa philosophie. Par le biais d’archives d’émissions et d’entretien avec le principal concerné, on a droit à une réflexion de l’auteur sur sa propre pensée. Cela contraste avec les deux autres films, où analyses d’experts et témoignages d’artistes viennent aider la compréhension du spectateur.
Le FIFA se veut rassembleur et c’est effectivement la qualité première de ces films. Ils permettent une expérience ludique, une immersion exhaustive dans la vie et l’œuvre des artistes. Musique, photos, entrevues, extraits télévisés viennent enrichir une narration qui relève à bien des égards du tour guidé. Expositions diverses et multiples, intimité, réflexion philosophique autant qu’esthétique, tout semble à notre portée : un voyage fantasmé où notre unique travail en est un d’ouverture, de réception et d’appropriation, au moment où les lumières s’éteignent.
Roland Barthes (1915-1980), le théâtre du langage
Thierry Thomas, France, 2015, 52 min.
À la Grande Bibliothèque, le 18 mars à 19 h 30
Fragonard, les gammes de l’amour
Jean-Paul Fargier, France, 2015, 53 min.
Au Musée des beaux-arts de Montréal le 20 mars à 15h00
Chagall, peintre de la musique
Mathilde Deschamps Lotthé, France, 2015, 53 min.
Au Musée des beaux-arts de Montréal le 20 mars à 15h00