Le 21ème siècle fait naître de nouvelles réalités, de nouveaux enjeux, de nouveaux domaines. Et ça, Eulerian Technologies l’a bien compris. Entreprise française fondée en 2002, elle procure à ses clients un outil leur permettant d’évaluer la performance de leurs campagnes marketing en ligne.
Par Camille Balzinger
A l’origine de l’expansion montréalaise, un homme, Gaël Cottet, directeur de clientèle. Français, il étudie les services et réseaux de communication, puis le tourisme, avant d’être engagé chez Eulerian en 2011. Si l’entreprise est installée ici depuis 2015, c’est début 2017 que sont collectés cinq millions d’euros pour favoriser son expansion sur le marché nord-américain.
Eulerian, c’est l’histoire de deux ingénieurs fraîchement diplômés, lançant en 2007 la commercialisation d’une plateforme : constatant un manque d’outils d’analyse des résultats de campagnes marketing et après quatre ans de recherche et développement, ils lancent Eulerian Technologies – Euler comme le mathématicien, « ian » comme le peuple. L’entreprise français est aussi installée à Madrid depuis 2013. Il y a maintenant une soixantaine d’employés contre une dizaine à l’origine. Le but est de comprendre le fonctionnement des internautes, de maximiser les profits des campagnes marketing en ligne des clients. C’est donc un outil pour mesurer l’audience, savoir combien investir dans tel moyen de publicité pour toucher le plus de public possible. Un outil à double sens: savoir si les campagnes entreprises ont marché, et en lancer à la bonne audience au bon moment.
On parle donc de collecte d’informations client, de data, sous le mandat de l’entreprise cliente. Ces dernières sont hébergées dans le pays de l’entreprise, ne sont en aucun cas des renseignements personnels, et restent la propriété des entreprises. Si les législations en la matière diffèrent de l’Europe à l’Amérique du Nord, la plateforme s’est adaptée en fonction, en gardant cependant des valeurs et principes éthiques similaires, gages de confiance.
Le défi de l’installation en Amérique du Nord étant justement les solutions américaines en matière de collecte de data, l’obtention de gros clients dans le domaine du tourisme – Tourisme Montréal ou Loto Québec pour ne citer qu’eux – a montré qu’il y a à Montréal de la place pour de plus petites structures et solutions telles que celles proposées par Eulerian.
Le domaine du tourisme est une entrée facile sur le marché de la data, ainsi qu’un marché porteur. En effet, les entreprises recherchent à connaître leurs clients, prêts à dépenser beaucoup d’argent dans des moments de vie. Ce sont donc ces informations-là et non plus les classiques informations socio-économiques (âge, sexe, emploi…) qui sont intéressantes à collecter pour les entreprises. Elles veulent connaître l’intention d’achat. Ainsi un couple ayant deux enfants en bas âge sera une cible préférentielle pour une entreprise de voyages organisés concentrée sur les familles.
Eulerian permet de dupliquer l’information en prenant en compte les données de différents diffuseurs, propose un prisme d’analyse simplifié et exhaustif de résultats des campagnes en ligne, et simplifie les modalités d’attribution: quel moyen de publicité a effectivement généré une vente? Mais c’est aussi un tiers de confiance car la technologie est partagée au partenaire : une entreprise ayant lancé une campagne publicitaire peut permettre au diffuseur de suivre, via l’outil, les résultats de la campagne. Outil d’analyse donc, mais aussi outil de partage de données.
Les entreprises ont donc les données clients, leurs habitudes, en des bases de données (database) leur appartenant. Cela permet de travailler la fidélisation des clients, le CRM (customer relation managment), et de travailler alors avec les responsables marketing des entreprises. Ceci dit, Eulerian reste un intermédiaire, un outil adapté aux besoins clients pour rassembler les données et les utiliser au mieux. Il est possible de se concentrer sur un utilisateur comme sur un segment d’utilisateurs, de faire du data driven marketing.
Si Eulerian montre bien toute l’importance qu’a pris la collecte d’information de données, cela peut déranger et interroger sur ce qu’il reste d’inconnu de l’utilisateur. Aussi le monopole incontestable des grands du net, des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Microsoft, entre autres), peut s’avérer vertigineux. On vend et troc nos habitudes de consommation sur l’Internet à des fins commerciales. Peut-être est-il temps de réaliser que l’anonymat n’existe plus qu’un peu, et qu’il est possible de tout savoir de nous sans réellement nous connaître.
Si le succès d’Eulerian permet au savoir-faire français de se frayer un chemin parmi les grands acteurs de la data, Gaël précise que le futur de ce domaine pourrait aussi prendre une voie telle que celle de l’open data, du partage d’information, et de la mise en commun de compétences. Peut-être qu’ensemble, les acteurs de ce domaine arriveront à de nouveaux outils révolutionnaires changeant notre quotidien. Ainsi les institutions publiques pourraient elles aussi avoir un intérêt à l’utilisation des données, pour mesurer l’impact d’une campagne de sensibilisation au tabagisme ou à la mortalité routière par exemple ?