Grèn Sémé c’est un groupe réunionnais qui fait perdurer un art ancestral, le maloya, en l’adaptant au 21e siècle. On doit cette belle découverte au Festival International Nuits d’Afrique, qui a présenté Grèn Sémé au club Ballattou le 12 juillet dernier. Un vrai moment de partage de culture avec la Réunion, trop souvent oubliée du paysage français.
Il y a sept ans maintenant, la formation actuelle de Grèn Sémé s’est formée autour d’un projet commun : faire de la musique, partager la culture réunionnaise par la musique. Bruno Cadet (guitariste), Mickaël Beaulieu (pianiste), Jean-Philippe Georgopoulous (bassiste), Allan Tincrès (percussionniste) et Carlo De Sacco (chant) forment à eux cinq, ce bel ensemble musical. Ils ont tous choisi de représenter le maloya, ce genre musical typique de la Réunion. Le maloya c’est d’abord un art ancestral, héritier du chant des esclaves. Interdit par l’État français jusqu’en 1981, ce n’est qu’en 2009 qu’il est classé Patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO. Un art précieux par son histoire, mais pas seulement. Pour Carlo De Sacco, « On a un passé d’esclavage, mais il faut aller de l’avant, il faut évoluer. Parce que tout ce qui n’évolue pas meurt. Le maloya c’est ce qui a fait perdurer la culture réunionnaise, sans ça l’État français aurait étouffé notre culture. » C’est pour cette raison que Grèn Sémé tente (avec brio) de transporter cet art ancien, dans le 21e siècle, d’en faire une musique accessible à tous. Carlo nous avoue qu’étant plus jeune il avait jugé le maloya ringard « je n’avais pas compris l’intérêt, et ça m’a fait tilt dans un concert de Danyel Waro. C’est un art magnifique, qui est caché, et qui ne demande qu’à être pris en main, dévoilé. »
Double culture
Après être tombé amoureux du maloya, Carlo De Sacco a commencé à composer ses propres musiques, écrire ses propres textes avec une poésie assez troublante. Héritage de sa mère qui le faisait beaucoup lire étant jeune, ou simple facilité avec les mots, on ne le saura jamais vraiment. Ce qui est sûr, c’est qu’il choisira de chanter en créole et en français « Mes parents sont venus à la Réunion il y a 50 ans. Moi je suis né là bas. Je parlais créole avec mes amis, français à la maison. Je me suis construit dans ce mélange de culture. Je respecte ce que je suis, je chante dans les deux langues. » Cette décision a été unanime avec les autres membres du groupe, eux aussi baignés dans ce mélange de culture depuis leur enfance. En parlant de mélange, les sonorités du groupe oscillent entre reggae et rock. De nouvelles influences venues s’ajouter au maloya. « Avec les gars, on aimait le reggae, le rock, Led Zeppelin, Radiohead, on voulait essayer de mélanger ça à cet art réunionnais. » Cette décision artistique rend le maloya accessible, complètement rajeuni et parfaitement en adéquation avec les attentes d’un public du 21e siècle. « Nous on appelle ça le maloya évolutif, parce que pour nous c’est un laboratoire. On essaye dans notre studio de faire sonner le maloya comme jamais ça a été fait. C’est un jeu pour nous ! »
Grèn Sémé c’est une belle occasion de découvrir un art, trop souvent caché, oublié dans les méandres de notre histoire. C’est aussi une histoire d’amitié, belle à voir sur scène. Parce qu’au-delà des chansons qui font bouger nos hanches et notre tête sans même que l’on s’en rende compte, le groupe partage son amour pour la Réunion avec le public. Entre chaque chanson, une petite explication sur son écriture, sur la signification du texte quand il s’agit de créole. Au final, ne devrions-nous pas apprendre à connaître un art de cette manière plutôt que dans des livres d’histoire ou une page Wikipédia ? Grèn Sémé aura permis au public du Ballattou d’oublier le bruit de la vie montréalaise, pour se plonger corps et âme dans la chaleur réunionnaise.
Nouvel album HORS SOL – Sortie en septembre 2016
(crédit photo : Conrad Vitasse)