Par Camille Feireisen et Maryne Zammit
Le 16 avril dernier, le Club Jean-Jaurès organisait son premier rendez-vous à l’Union Française, devant une quarantaine de personnes, autour du thème « Mobilité des jeunes migrants : opportunités, défis et perspectives d’avenir ». Le club avait invité le porte-parole de l’opposition officielle fédérale en matière de travail et député de Rosemont-La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice, ainsi que des professionnels de l’emploi des migrants à Montréal.
Créé en décembre, le Club Jean-Jaurès se donne pour missions de rassembler la communauté des Français du Québec et de réfléchir aux questions qui les préoccupent. L’objectif : proposer des mesures publiques et sociales aux pouvoirs publics français, québécois et canadiens. Pour ce premier débat public, le club, animé par Ramzi Sfeir, a souhaité recueillir les témoignages de migrants Français et entendre leurs suggestions pour améliorer la politique en matière d’immigration.
Des statuts confus pour les migrants
[caption id="attachment_10621" align="alignright" width="300"] Alexandre Boulerice, député NPD de Rosemont-Petite-Patrie[/caption]« A quelques mois des élections fédérales, on veut vous entendre pour connaître les solutions à mêmes de vous aider », commence Alexandre Boulerice. Se considérant comme un immigrant de treizième génération, le député québécois fédéral est venu à l’Union Française chercher des éclairages et des réponses à ses questions sur la diversité des statuts migratoires. Il a notamment pointé les nombreuses situations de « no man’s land » parfois incompréhensibles dans lesquelles se retrouvent de nombreux immigrés. En cause : la durée de traitement des dossiers liés à la demande de résidence permanente ou de citoyenneté après un PVT (Permis Vacances Travail), un stage ou des études au Québec, qui ne correspond pas toujours au temps de la vie. « Il est inacceptable de mettre 4, 6, 7 ans au lieu de 6 mois pour traiter un dossier », dénonce-t-il.
Le service d’aide à l’emploi pour les nouveaux arrivants français et francophones au Québec, la CITIM, aide les migrants à s’intégrer dans le marché du travail. Il s’agit souvent de migrations temporaires, grâce au PVT. Mais, selon le directeur général, Yann Héraud, de plus en plus de jeunes utilisent le précieux sésame pour s’établir durablement sur le territoire canadien. « Au dernier round des PVT, les 2 500 places sont parties en 1 minute 30, un record », rappelle-t-il.
[caption id="attachment_10623" align="alignleft" width="300"] Yann Héraud, directeur de la CITIM[/caption]Aussi, la procédure est, depuis peu, devenue plus complexe, avec une augmentation des frais d’inscription, de 150 à 250 dollars ou l’exclusion des enfants à charge notamment. « On réintroduit des lourdeurs dans les procédures liées aux PVT », critique-t-il. D’un autre côté, la durée du PVT est prolongée de deux ans. « Le Québec a bien compris ce que cela signifie pour lui, en termes de futur bassin de résidents permanents », rapporte le directeur de la CITIM.
Difficile toutefois de savoir de quelle politique d’immigration va se doter la province, alors que la ministre de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion, Kathleen Weil a entamé un travail de longue haleine pour doter le Québec d’une nouvelle politique et d’une stratégie d’action. Dans un communiqué rendu public le 5 février, madame Weil a fait part de « la nécessité d’améliorer l’adéquation entre la sélection des personnes immigrantes et les besoins du marché du travail […] de même que l’urgence de lever les obstacles à l’insertion en emploi et à la reconnaissance des compétences des personnes immigrantes. » Une consultation publique se tiendra cet automne pour déposer les nouveaux objectifs en matière d’immigration d’ici le 1er novembre à l’Assemblée nationale.
Selon Alexandre Boulerice, ces jeunes migrants sont du « cheap labour »
Témoignages troublants et citoyens de « seconde zone »
Le statut temporaire ne donne pas accès à des services de santé ou à une assurance-emploi. « Certaines personnes doivent parfois repartir en urgence en France pour se faire soigner. Ces jeunes sont d’autant plus précarisés qu’ils n’ont pas accès à tous les emplois », déplore Yann Héraud. Par exemple, un « PVTiste » n’est pas autorisé à travailler avec des enfants au sein d’un établissement scolaire. Les Français ne sont cependant pas les plus à plaindre en termes d’intégration au marché du travail. « Leur taux de chômage demeure inférieur à celui des québécois de souche », précise-t-il. Il reste pourtant difficile de chiffrer le nombre de « PVTistes » qui s’installent au Canada pour y construire leur vie. « C’est un peu la langue de bois du côté fédéral, explique M. Héraud, même si cela crée une situation paradoxale où les gens pratiquent un parcours migratoire en deux temps pour régulariser leur situation. »
[caption id="attachment_10624" align="alignleft" width="300"] Jean Isseri, administrateur de l’Union Française[/caption]Jean Isseri, administrateur de l’Union française et directeur général du Carrefour Jeunesse Emploi (CJE) de Côte-des-Neiges, classe la communauté française en deux statuts : les immigrants permanents et les immigrants temporaires (PVT, jeunes professionnels, stagiaires, travailleurs agricoles, gens de maison). Il rappelle également que 120 000 français en résidence permanente sont déjà installés dans la région de Montréal, auxquels il faut rajouter les Français immigrants temporaires évalués à environ 20 ou 25 000 personnes par an. Chaque année le Québec accueille entre 45 et 55 000 immigrants permanents parmi lesquels on compte environ 5 000 Français. Pour lui, « il ne fait aucun doute qu’en fonction du statut, on n’a pas accès aux mêmes droits ». Rachel Guidet, coordonnatrice des services au CJE Centre Sud -Plateau Mont-Royal – Mile End, renchérit : « Sur les 1 000 jeunes qui ont besoin d‘aide et que nous recevons, 200 sont français. Il n’y a aucun service de prévu pour eux ».
D’après le porte-parole du Nouveau Parti Démocratique (NPD), la société d’accueil canadienne crée des citoyens de « seconde zone » : «Ces jeunes migrants sont du ‘’cheap labour’’. Ils n’ont pas accès aux droits et aux recours nécessaires afin de maintenir une pression salariale à la baisse », explique-t-il.
Alléger les procédures kafkaïennes
[caption id="attachment_10625" align="alignleft" width="300"] Yan Chantrel, Conseiller à l’AFE pour le Canada (PS)[/caption]Pour Alexandre Boulerice, les délais pour traiter les dossiers des migrants sont trop longs. « Cela crée des drames humains, avec des familles séparées parce que des dossiers n’ont pas été traités à temps », indique-t-il. Selon lui, il faudrait également rétablir le régime de soins de santé pour les réfugiés, qui n’ont actuellement droit à rien. « Ce sont des économies de bout de chandelle de 20 millions de dollars », affirme-t-il. Le NPD souhaite ainsi abolir cet écart de droit entre les résidents temporaires et les permanents et faciliter le processus administratif.
Sur la question des stagiaires, il estime que « c’est un obstacle supplémentaire qui peut décourager les entreprises de faire venir des stagiaires français. Cela devrait être réduit de manière considérable », suggère M. Boulerice.
[caption id="attachment_10627" align="alignright" width="300"] Yann Héraud, Jean Isseri, Rachel Guidet, Alexandre Boulerice, Yan Chantrel, Marc Michaud, Ramzi Sfeir et Djamel Budin[/caption]Après avoir pris de nombreuses notes, il repart le calepin rempli de propositions. « Le fait d’avoir des citoyens de « seconde zone », de ne pas respecter la dignité humaine, de contribuer de manière financière à des programmes auxquels on ne peut pas toucher ensuite, comme l’assurance emploi… Ce sont de vrais problèmes que j’ai appris aujourd’hui. D’autres comme le chômage, l’intégration au marché du travail, l’équivalence des diplômes, je les connaissais déjà. Mais, ce sont des enjeux que l’on va amener dans nos programmes pour la prochaine échéance électorale le 20 octobre prochain », conclut le député de Rosemont-La Petite-Patrie. Mission accomplie pour le Club Jean-Jaurès.
(crédit photo : Nathalie Simon-Clerc)
]]>
En même temps, l’Union Française a toujours été de gauche… Elle est aussi au bord de la faillite ^^
C’est une très bonne initiative. Merci au Club Jean Jaurès !
Je vais finir par devenir un habitué de vos événements.
Yan Chantrel et Alexandre Boulerice ensemble, tout le comme le PS et le NPD sont ensemble. L’union française devrait retirer le drapeau de la France sur la bâtisse, pour mettre celui du Parti socialiste
L’Union Française, en participant à ce simulacre de débat citoyen, qui est réalité une tribune offerte à un député fédéral en campagne, montre bien son orientation politique. L’Union Française est de gauche, dirigée par des socialistes pour les socialistes