Le 6 juin 1944, à l’aube, des milliers de soldats débarquent sur Juno Beach. Parmi eux, 14.000 Québécois se lancent à l’assaut des falaises sous le feu nourri des soldats allemands.
Le rôle de ceux que l’on appelait les Canadiens français est méconnu. Majoritairement opposé à la conscription (canadienne) dans les années 40, le Québec a pourtant envoyé 14 000 soldats au front. Quatre unités, entièrement québécoises, ont pris part aux combats: les régiments de la Chaudière et de Maisonneuve, les Fusiliers Mont-Royal et le 4e Régiment d’artillerie moyenne.
C’est ce que l’historien Frédéric Smith a entrepris de mettre en lumière dans son récent ouvrage: Des Québécois en Normandie.
Il explique: » Dès les premiers jours de la Seconde Guerre mondiale, l’armée canadienne se mobilise et lance de vastes campagnes de recrutement. Entre 1939 et 1945, environ 90 000 jeunes Québécois francophones – qu’on appelait Canadiens français jusqu’à la Révolution tranquille – répondront à l’appel et s’engageront pour servir leur pays. »
«Moi, je suis un passionné de la Seconde Guerre mondiale depuis longtemps et notamment de la campagne de Normandie. Je constatais dans la littérature anglophone à quel point on parlait peu des Canadiens français. Donc il y avait cette idée de combler ce vide-là.»
Frédéric Smith, au micro de Patrick Lagacé (98.5 FM)
L’historien nous fait revivre la campagne de Normandie et s’intéresse au quotidien de chacun de ces hommes et de ces femmes – originaires de Sillery, de Montmagny, de Montréal et d’ailleurs au Québec – et aux raisons qui les ont amenés à s’enrôler.
Le Québécois Gérard Doré, le plus jeune allié mort au combat, était Québécois. Originaire de Val-Jalbert, il n’avait que 15 ans et avait menti sur son âge pour s’enrôler dans les forces alliés. Il part en Angleterre en mai 1944 et rejoint les rangs des Fusiliers Mont-Royal (FMR) deux jours avant le débarquement. Dès le mois de juillet, son régiment est engagé dans des combats acharnés au sud de Caen. Le jeune soldat est touché mortellement deux jours avant la fin de sa mission. Il avait presque 17 ans. Il repose au cimetière canadien de Bretteville-sur-Laize, en Normandie.
Selon Frédéric Smith, « il y a très très peu de sources au Québec qui vont parler de ce soldat-là et de la contribution canadienne-française aux guerres mondiales. » (Le Devoir, 5 juin 2024). Il affirme que les faits d’armes des Canadiens-français, autrefois passés sous silence, sont aujourd’hui plus visibles. Il revendique un devoir de mémoire collectif.
Dans son ouvrage, l’historien relate plusieurs parcours individuels de Québécois, mais aussi de Paul Sauvé, Major des Fusiliers Mont-Royale et René Lévesque, correspondant de guerre.
Frédéric Smith écrit: » Bien que Lévesque soit anticonscriptionniste « comme tout le monde », la guerre exerce sur lui un certain attrait, comme il l’écrira plus tard dans ses mémoires : « Aucune envie de me battre pour tuer des gens, mais une véritable fringale de guerre, de la voir de près cette guerre, de savoir ce que c’était au juste1. »