Fiscalité, protection sociale et accès aux services publics français; autant de thèmes abordés pendant la discussion entre Anne Genetet, députée de la 11e circonscription des Français de l’étranger et la trentaine de Français de Montréal qui s’étaient déplacés au Collège Stanislas le 6 avril dernier. Mandatée par le Premier ministre Édouard Philippe pour établir un rapport sur les droits et devoirs de la communauté française de l’étranger, la parlementaire s’est livrée à un dialogue d’une heure et demi sans langue de bois.
Par Antoine Jourdan
Les députés des français de l’étranger se sont rapidement mis au travail pour tourner la page de la « boulette » de janvier dernier. Après le décret gouvernemental signé « en catimini », qui autorisait une augmentation de 1,7% de la cotisation d’assurance maladie sur les retraites des non-résidents fiscaux, la députée de la 11e circonscription s’est vue sommée de « travailler à une solution » concernant le « régime de prélèvements obligatoires applicable aux non-résidents ».
Une tâche aussi « passionnante » que « vaste » a expliqué la députée interrogée par l’Outarde Libérée. Vaste, certes, mais nécessaire. En effet, si le gouvernement possède des données pour les contribuables à l’étranger, il en a très peu concernant les citoyens français qui habitent en dehors de l’hexagone. Ainsi, les informations dont dispose la députée pour établir son rapport ne permettent pas d’identifier les Français des non-résidents fiscalement redevables à la France… de quoi fausser toute l’analyse.
Une tâche « impossible » selon certains
Beaucoup de personnes présentes ont pris la parole pour expliquer leurs problèmes à la députée. Armée d’un micro et d’un stylo, c’est un véritable cahier de doléances qu’Anne Genetet a rempli, tout en répondant aux intervenants.
Manque de considération du décalage horaire, aucune différentiation faite entre les expatriés et les immigrés, des formulaires internet incompatibles avec les spécificités de l’étranger… le problème est rapidement posé : il y a un réel manque de communication et de compréhension entre les Français de l’étranger et l’Hexagone. Ce dialogue de sourds mène visiblement à une frustration à en croire les termes utilisés par les personnes présentes. « Je n’attends rien de la France », a expliqué, agacé, l’un des participants, avant d’ajouter que la mission de Genetet était à son sens, « impossible », puisqu’il faut « un système unique pour une multitude de cas différents ».
La CSG-CRDS, le grand dénominateur commun
La problématique de la CSG-CRDS est rapidement venu au centre des débats. « C’est simple : si avant la fin de l’année on a pas retrouvé confiance en la France, on vend tout! » a martelé un des participants en évoquant son appartement parisien, avant d’ajouter qu’il souhaitait que « la première ligne du rapport soit « CSG 2012-2015 : injuste et inacceptable, remboursement immédiat » ».
Sans pour autant adhérer complètement à cette proposition, Anne Genetet s’est montrée sympathique à l’idée de réformer cet impôt polémique. « Le fisc est un outil pour apporter de l’argent et permettre d’assurer le train de vie de l’État », a-t-elle analysé, sous-entendant ainsi que l’imposition faite sur les non-résidents était sujet à négociation. « On ne peut pas assujettir à la CSG-CRDS quelqu’un qui n’est pas dans le système de cotisations sociales français », a expliqué la parlementaire avant d’annoncer son intention de consulter des fiscalistes pour éclairer ce sujet.
Des dispositifs pour les Français de l’étranger
Si on pouvait s’attendre à ce que la question de la CSG-CRDS soit largement abordée dans son rapport, Anne Genetet a aussi partagé certaines de ses autres pistes de réflexion. Parmi elles, l’idée de créer une structure qui puisse regrouper un certain nombre de compétences pour répondre aux questions spécifiques de l’administration française qui n’est pas toujours au fait des nécessités des Français de l’étranger. Deuxième proposition à noter, celle qui porterait à créer une application mobile pour aider à informer les français de l’étranger de leurs droits et des procédures qu’ils doivent suivre. Un tel outil aurait vocation à donner des informations spécifiques, relatives au pays spécifique où se trouve l’utilisateur, afin d’adapter les renseignements aux utilisateurs.
« Les Français de l’étranger? Ça ne les intéresse pas! »
« Ce n’est pas les Français de l’étranger qui m’intéressent, c’est la mobilité internationale », a expliqué Anne Genetet, utilisant la même nuance que Roland Lescure lors de ses multiples interventions publiques le mois dernier. Avec ce terme, les députés essayent de souligner que les Français hors de France n’ont pas fui la patrie, mais sont plutôt allés s’émanciper en dehors des frontières hexagonales tout en gardant la possibilité de rentrer.
Interrogée pour savoir si le gouvernement était à l’écoute de cette large communauté, la députée n’a pas mâché ses mots. « En ce moment la prise de conscience est insuffisante, c’est évident, [même si] quand il y a un député en réélection, ils se bougent ». Tout le défi de la mission repose donc sur la façon dont elle est perçue par les interlocuteurs gouvernementaux. « Pour des sujets liés à la mission, j’ai bien senti que j’avais une écoute parce que je l’ai présenté sous un angle qui les intéressait : la mobilité internationale, analyse la députée, mais si je continue à parler de Français de l’étranger, je n’aurais jamais d’oreille; ça ne les intéresse pas! »
Les Français de l’étranger, « plus nombreux que les ultra-marins ! »
C’est donc une transformation des mentalités que vise Anne Genetet, de quoi inculquer une « culture des Français de l’étranger » en métropole.
« On est plus nombreux que les ultramarins!, martèle-t-elle, c’est nous qui permettons à la France d’être au conseil de sécurité de l’ONU, qui permettons d’avoir Audrey Azoulay élue à l’UNESCO, c’est parce que nous sommes ici à l’étranger que la France peut être présente dans le monde ». Autant de qualités des Français de l’étranger qui ne sont pas reconnues par le gouvernement selon Anne Genetet qui déplore que celui-ci « ne relie pas cette influence française à notre présence [internationale]. Ça n’est pas normal, […] on est un outil à donner un pourcent de plus au président pendant les élections, c’est tout ce à quoi on sert ? Il faut sortir de ça !».
(crédit photo: Nathalie Simon-Clerc & Jacques Simon)
Entrevue avec Anne Genetet recueillie par Jacques Simon: Un secrétaire d’État à la mobilité internationale ?
Pour contribuer à la mission d’Anne Genetet: mission@annegenetet.fr
Répondre au questionnaire en ligne: https://annegenetet.typeform.com/to/QShHv6
On emploi de manière totalement inexacte le mot « expatrié » pour désigner les Français « détachés » par le biais de leur entreprise qui ont une filiale ou d’autres intérêts dans le pays d’accueil de la maison mère, alors que tous les Français qui ont quittés la France et ce quelque soit leur statut, sont des Expatriés (émigrés, pvt, étudiants, résidents permanents, détachés…)! Utilisons la bonne dénomination pour avoir la bonne compréhension des problématiques posées, merci!