Ce vendredi 14 décembre sort, sur les écrans québécois, le film « En liberté ! » réalisé par Pierre Salvadori. Ce film met en vedette Adèle Haenel, Pio Marmaï, Damien Bonnard, Vincent Elbazet Audrey Tautou. Il a été présenté en clôture du Festival de cinéma international en Abitibi-Témiscamingue et au Festival Cinémania en novembre dernier.
Par Pascal Eloy
Dans ce neuvième long métrage, Pierre Salvadori raconte l’histoire d’Yvonne (Adèle Haenel), jeune inspectrice de police, veuve du capitaine Santi, héros local tombé au combat. Un jour, presque par hasard, elle découvre que son mari n’était pas le flic courageux et intègre qu’elle croyait mais un véritable ripou qui a fait condamner un innocent, Antoine (Pio Marmaï), à huit années de prison. Elle cherche alors à croiser le chemin d’Antoine pour réparer les torts commis par son mari. Il s’en suit une rencontre inattendue, folle, sauvage et délirante…
« Ce sont les mères qui font les pères«
Même s’il a longtemps pensé à ce film, Pierre Salvatori avoue qu’une conversation avec ma mère l’a incidemment remis en piste. « Tu sais, m’a-t-elle dit, ce sont les mères qui font les pères. Je vous ai toujours raconté un père un peu plus glorieux, un peu plus gentil, un peu plus fort, un peu plus tout qu’il n’était peut-être… ». Cette phrase l’a poursuivi et c’est ainsi qu’est née l’idée de mélanger les deux sujets : l’innocent qui sort de prison et la femme qui, à travers les histoires qu’elle raconte à son fils le soir pour l’endormir, essaie de lui dire que son père était un ripou. Et ce mélange donne bien le ton du film, car c’est lui qui fait basculer le spectateur de la vision d’un polar à celui d’un film complètement décalé.
Un univers à la beauté païenne
De plus, si Yvonne veut réparer le mal fait par son mari, elle n’affronte jamais la réalité car elle pourrait parler à son fils ou même s’adresser au juge en charge de l’affaire d’Antoine… Et pourtant, elle choisit une autre voie, celle de faire beaucoup de choses par culpabilité : mentir, dissimuler, manipuler, coucher, inventer, oser. Cela produit évidemment des situations étranges tantôt émouvantes, tantôt loufoques qui vont jusqu’à nous plonger dans un univers à la beauté païenne, parfois un peu surnaturelle.
Il y a, alors, deux scènes hilarantes lorsqu’ Yvonne et Antoine sont vraiment perdus et qu’ils descendent vers la mer chacun de leur côté en soliloquant leur mal être à haute voix ou même quand Yvonne empêche l’arrestation d’Antoine après une bagarre près d’une boîte de nuit. Reste encore une scène surréaliste lors du cambriolage de la bijouterie par Yvonne et Antoine en tenue sado-maso, devant des vigiles occupés à commenter l’intrigue qui se noue devant eux, sans penser à réagir. Un pur moment de délire magnifique !
Poétique et tendre
Enfin, si Adèle Haenel constitue une vraie révélation, à la fois tendrement perdue et calculatrice, Pio Marmaï, lui, est un héros inspirant. Comme le précise le réalisateur, « il a une immense technique et énormément de présence. Il comprend mon travail, l’apprécie et c’est réciproque. J’ai l’impression que l’on peut, l’un et l’autre s’apporter beaucoup, compter l’un sur l’autre et j’aime cette idée d’alliance. » Quant à Louis (Damien Bonnnard), l’amoureux transis d’Yvonne, il constitue, avec son masque de Zorro, le pendant poétique et naïf d’un Pio Marmaï animal et enragé avec son masque de monstre cornu.
Bref, « En liberté ! » constitue un franc succès, un vrai bon moment de cinéma, décalé, certes, mais aussi poétique et tendre.