Alors que l’intelligence artificielle (IA) sera au cœur des stratégies numériques du futur, Paris et Québec en ont fait une priorité gouvernementale. Au-delà des partenariats d’entreprises, le Québec et la France veulent reprendre la main sur ce secteur d’avenir vital et définir des règles éthiques pour les imposer au monde.
« La réglementation gouvernementale ne suit pas la révolution numérique. Pire, elle ralentit le développement technologique », assène François Bouffard, directeur des Affaires mondiales-Canada chez Dassault Systèmes. Il était l’un des quatre panélistes invités par le Conseil des Relations Internationales de Montréal (CORIM) ce 9 avril à Montréal, pour évoquer les stratégies gagnantes France-Québec, à l’occasion du 50ème anniversaire de l’OFQJ.
Un autre panéliste, Guy Crevier, éditeur de La Presse +, met en garde contre les Google, Amazon ou Apple qui s’accaparent 80% des revenus du numérique. « On doit avoir une réflexion; il faut travailler à la transformation des réglementations à l’échelle mondiale; au Québec, on a bâti un système culturel fort. Est-ce que Amazon va être le grand gagnant de la révolution numérique? », s’inquiète-t-il.
« On la subit, on est déjà en retard », rétorque Emmanuelle Gras, la troisième panéliste, co-fondatrice de Dipongo, un compagnon d’apprentissage pour les enfants. Elle souligne l’importance de l’éducation et se réjouit de la promotion du numérique dans ce domaine depuis l’ère Macron.
Elizabeth Stefanka, la quatrième panéliste, fondatrice de Stefanka, estime que les modèles d’affaires des Gafa écrasent l’industrie. « C’est un bel enjeu politique! », estime-t-elle, en évoquant notamment l’optimisation fiscale. Elle insiste également sur la responsabilité du citoyen qui a son mot à dire en tant que consommateur.
Intelligence artificielle, un axe francophone « éthique » Paris-Québec
Les intervenants ont également souligné le savoir-faire dans l’espace francophone en matière de numérique et d’intelligence artificielle, et les décideurs ont affirmé leur volonté de « réguler » ce domaine.
Christine St-Pierre a rappelé l’annonce de la création d’une organisation mondiale sur l’intelligence artificielle (OMIA) faite par le Premier ministre du Québec, Philippe Couillard, début mars à Paris, qui aura son siège à Montréal et travaillera sur les enjeux éthiques et sociétaux de ce secteur émergeant. « Il faut imaginer des solutions pour devancer les avancées plutôt que de réagir », reconnait la ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec. Lors de l’annonce à Paris, plusieurs partenaires français se sont montrés intéressés à participer à cette organisation. « L’intelligence artificielle doit faire partie des réflexions de l’Unesco », ajoute la ministre québécoise, qui se réjouit qu’Audrey Azoulay, la nouvelle secrétaire générale, l’ait mentionné dans son premier discours devant le conseil exécutif le 9 avril.
De son côté, le président Emmanuel Macron a annoncé fin mars, un fonds public de 1,5 milliard d’euros pour développer l’intelligence artificielle, visant à faire de l’Hexagone le leader mondial dans ce domaine.
Laurence Haguenauer, Consule générale de France à Québec, souligne « la communauté de valeurs, partagée par la France et le Québec, mais également par toute la francophonie. » Les deux gouvernements vont travailler de concert pour « dissiper les craintes » et « réguler » les conséquences de l’intelligence artificielle.
Selon elle, la forte présence française au Québec, dans les universités mais également dans les secteurs du numérique, sont la preuve d’une collaboration plus qu’une compétition dans le domaine de l’intelligence artificielle entre la France et le Québec.
Entrevue exclusive avec Christine St-Pierre, ministre des Relations internationales et de la Francophonie du Québec :
Entrevue exclusive avec Laurence Haguenauer, Consule générale de France à Québec :
(crédit photo: Nathalie Simon-Clerc)