Dans le cadre du 375ème anniversaire de la ville de Montréal, l’exposition Mode Expo 67, présentée au Musée McCord jusqu’au 1er octobre 2017, fait un saut dans l’ambiance bouillonnante de l’expo 67. Au cœur de l’effervescence des années soixante, Expo 67 voulait exprimer l’optimisme face à l’avenir. De jeunes designers émergent de ce tourbillon, dont Jacques de Montjoye, qui a fait don, l’année dernière, d’une partie de ses archives au Musée McCord.
Par Sylvie Colombier, collaboration spéciale
L’exposition, abordée sous le thème de la mode québécoise et canadienne, est conçue et organisée sous la direction de Suzanne Sauvage, directrice du musée. Cynthia Cooper, chef aux Collections et Recherche et conservatrice du département Costume et Textiles du musée est également le commissaire de l’exposition Mode Expo 67, qui regroupe plus de 60 costumes, de nombreux uniformes d’hôtesse et de vêtements griffés par de jeunes designers québécois très en vogue lors de cette Exposition Universelle 1967 sur l’Île Sainte-Hélène à Montréal.
Marielle Fleury, Serge & Réal, John Warden, Jacques de Montjoye et Michel Robichaud sont alors de jeunes designers dont les collections d’avant-garde s’illustraient sur des mannequins en patins à roulettes au milieu de spectacles hebdomadaires de danse et de musique accueillis lors des défilés. Michel Robichaud réalise les uniformes canadiens, québécois, indiens du Canada et même allemands des nombreux pavillons exposés, alors que Jean-Louis Scherrer crée ceux pour la France.
« Le vêtement est un mode d’expression »
Son histoire débute à Troye, mais c’est à Paris que Jacques de Montjoye, jeune finissant de l’Ecole de la chambre syndicale de couture parisienne, passe quelques années comme modéliste chez Raphaël avant de rejoindre Montréal en 1949. Il y trouve son identité et, amoureux du Québec, décide d’y rester.
Il participe au lancement en 1954 de l’Association des Couturiers Canadiens, présidée par Raoul-Jean Fourié (couturier d’origine française considéré comme le précurseur de la mode canadienne), association dont le but est de promouvoir le talent et la signature des dessinateurs de mode du Canada. Dans la mouvance de cette époque pré-contestataire et à travers ses nombreuses créations, Jacques de Montjoye se révèle être un des meilleurs porteurs des messages revendicateurs québécois tant au niveau radical, artistique que social. Lors de l’Expo 67, il développe son amour du pop Art et dénonce la guerre du Vietnam en exposant une tunique indochinoise rouge recouverte par une cape taillée dans un drapeau aux couleurs des Etats-Unis. Les médias du monde entier en parlent et cette tunique achetée par une américaine est alors portée lors des manifestations « peace & love » des années hippies.
« Le vêtement est un mode d’expression, il transporte des émotions, des messages avec lesquels on peut contester, célébrer, exprimer … », explique-t-il … C’est dans le même esprit qu’il a créé la robe « Liberté » contre la ségrégation. Cette oeuvre portée par Renée Claude (chanteuse et actrice québécoise) est composée d’une ceinture représentant deux barreaux écartés par deux mains noires recouvertes de bracelets en fer…
« La mode (…) toujours reliée à l’état général du monde »
Après une carrière époustouflante, tant en créations féminines que masculines, Jacques de Montjoye décide en 1973 de se consacrer à la transmission de son savoir. À la demande du Scolasticat du futur collège Marie-Victorin, il accepte de créer les programmes des techniques de mode qui ont contribué à développer le design de mode dans l’industrie. L’École de mode du collège Marie-Victorin voit le jour et il en devient professeur pendant 16 ans tout en voyageant au Pérou, en Colombie où il donne des classes de Maître. Pour lui, » la mode est toujours reliée à l’état général du monde, la créativité se révèle plus grande en période d’austérité car elle est une nécessité …. » et il a toujours hâte de voir les nouvelles collections, ….
En décidant de faire don au Musée Mc Cord de sa dernière possession « Mon pays, c’est l’hiver », créée en 1967, Jacques de Montjoye a inspiré Cynthia Cooper sur le besoin de faire revivre ces années 1960. Période extraordinairement créative en art, en architecture, en technologie et en design à une époque où les prémices de la révolution tranquille qui allait transformer le Québec une dizaine d’années plus tard, se faisaient déjà sentir….
Artiste contestataire dans l’âme, Jacques de Montjoye a su faire passer ses messages avant-gardistes avec le chic et le choc d’un grand couturier car, dit-il « le vêtement fut le fil conducteur de sa vie ».
Visitez l’exposition jusqu’au 1er octobre 2017: MODE EXPO 67
(crédit photo: Sylvie Colombier)