Le film La syndicaliste du réalisateur français Jean-Paul Salomé prendra l’affiche le 14 avril prochain, dans les salles du Québec. Mettant en vedette Isabelle Huppert (leur deuxième collaboration, après le film La daronne en 2019), Grégory Gadebois, Yvan Attal, Marina Foïs, François-Xavier Demaison et Pierre Deladonchamps, le film constitue l’adaptation du livre éponyme de la journaliste française Caroline Michel-Aguirre.
L’histoire raconte ce qui est arrivé à Maureen Kearney, déléguée syndicale CFDT, qui, en 2012, chez AREVA, a tenté de dénoncer un scandale visant à fournir à la Chine les informations sur le nucléaire français et à permettre, ensuite, l’absorption d’AREVA par EDF. Seule, elle se bat contre des ministres, des industriels, ses patrons, les gendarmes… pour faire éclater ce scandale et défendre plus de 50 000 emplois. Et puis, un jour, sa vie bascule à la suite d’une violente agression. Alors se pose la question de savoir si elle est réellement une victime ou si elle ne serait pas plutôt coupable de dénonciation mensongère ?
Le film de Jean-Paul Salomé est tiré d’une histoire vraie, relatée dans un livre d’enquête journalistique, très approfondi sur les rouages de l’affaire, et dans lequel l’auteur met au jour des éléments étonnants.
Le parcours de cette femme, sa mise en accusation, sa rédemption, ses moments de doute ou de dépression dont elle triomphe, c’était déjà un récit de cinéma.
Jean-Paul Salomé
Dans ce cadre des faits, des enjeux politiques et industriels, le cinéaste avait envie de savoir ce que Maureen avait vécu de l’intérieur et comment elle s’était reconstruite. Lorsqu’elle a lu le scénario, Maureen l’a validé « tout en précisant que ce n’était pas tout à fait elle par instants, ou qu’elle n’aurait pas forcément réagi comme ça. Mais (…) certains dialogues sont exacts au mot près, notamment ce que l’on entend au cours des deux procès. »
Et, il convient d’avouer que cette difficulté est bien ressentie dans le film car si, comme le dit Isabelle Huppert, Maureen Kearney « (…) se bat pour une chose très simple : sauver des emplois. Elle pourrait lâcher, mais il y a chez elle la volonté farouche de livrer bataille et au fond d’être un personnage plus grand que ce à quoi elle était vouée. “ Or, s’il est possible que telle ait été la motivation de Maureen, le film ne lui rend pas tout à fait justice car on y présente souvent la lanceuse d’alerte comme étant apathique, dans le doute, réagissant à ce qu’elle subit, par à-coups plutôt qu’en étant réellement proactive.
À part cela, tout est vrai dans ce film : les noms des protagonistes de cette affaire ont été conservés dans cette présentation sous forme d’un vrai thriller politico-économique, les procédés inexcusables de la gendarmerie ont été totalement évoqués, même s’ils ont peut-être concouru à transformer une femme outragée en une affabulatrice. On se demande d’ailleurs, tout au long du film si un homme dans la même situation aurait été traité de la même façon et s’il aurait dû subir les mêmes examens « médico-légaux ». De la superbe maison au bord du lac d’Annecy aux intérieurs froids et bien rangés, rien ne semble vraiment respirer dans ce monde troublant, à l’atmosphère aseptisée, un peu figée comme pouvait l’être Maureen ligotée sur sa chaise.
En fait, le film pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Les seules « éléments de réponse » seront les mentions dans le générique de fin du film et surtout le fait qu’aucune réelle enquête n’ait été conduite pour trouver l’identité de l’agresseur de Maureen Kearney. Peut-être que cette affaire non élucidée, ce « Cold Case » (C’est-à-dire un dossier criminel complexe « hors normes », non prescrit et non résolu) sera repris par la nouvelle structure (la Division des Affaires Non Élucidées de la Gendarmerie – DIANE), récemment constituée ?
(crédit photo de Une: Guy Ferrandis – Axia Films inc.)