Lucide, tel semble être le regard que l’ex-otage Nicolas Hénin porte sur ses bourreaux. Lors d’une conférence le 15 novembre au congrès de la Fédération Professionnelle des Journalistes du Québec (FPJQ), intitulée « journalistes, la profession sacrifiée », il a invité ses confrères à relativiser les jihadistes de l’État Islamique (EI).
« Les jihadistes, ce sont des gens comme vous et moi, même pire que ça, ce sont des produits de notre société », raconte celui qui a été détenu 10 mois en Syrie par l’État Islamique. Pour le journaliste indépendant « magnifier l’État islamique dans un sens ou dans l’autre » c’est conforter le discours de nos gouvernements et des jihadistes eux-mêmes. «Nous journalistes, on a ce devoir de casser la double propagande des gouvernements d’un côté et des jihadistes de l’autre », explique-t-il sur un ton perplexe, provoquant quelques rires dans la salle.
Même s’il reconnait que c’est un choix difficile, Nicolas Hénin invite à respecter la décision de certains journalistes et de leurs directions de partir, ou de ne pas partir, en Syrie. « On ne peut pas se permettre qu’il y ait des trous noirs de l’information », estime-t-il. « Il y a des solutions innovantes pour continuer à couvrir le conflit », précise cependant le journaliste. Il cite en exemple la chaîne Arte qui a diffusé un documentaire créé à partir de témoignages de militants ou personnalités syriennes.
Depuis février 2011, le pays est déchiré entre ceux qui soutiennent l’actuel président Bachar-al-Assad et les « rebelles ». Parmi ces derniers, le groupe de l’EI fait des ravages. Il s’est fait remarquer notamment grâce aux vidéos de décapitation de ses otages occidentaux. Le 29 juin 2014, le groupe a fait part de son intention de créer un califat, du nom des anciens territoires musulmans dont le dernier a été aboli en 1924.
Être français : une chance
Dans ce contexte, Nicolas Hénin se dit « heureux d’être français »car l’Hexagone, contrairement à d’autres pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, négocierait avec les ravisseurs. Une enquête du New-York Times corrobore la thèse du versement de rançons, mais le gouvernement français continue de nier .
Le journaliste indépendant, qui bénéficie du statut de victime de guerre, vante le programme d’assistance mis en place par la France. « J’ai été capturé car je suis français, les gens qui m’ont attrapé souhaitaient faire chanter mon pays donc il était normal d’une certaine façon que je bénéficie de la solidarité nationale», argumente-t-il.
Selon Reporters sans frontières, 32 journalistes étaient retenus ou disparus au 8 septembre 2014. Parmi eux, 14 sont des journalistes syriens.
Pour en savoir plus :
Nicolas Hénin en entrevue avec Radio-Canada
(source photo : Facebook)