Plusieurs milliers de professeurs des lycées français de l’étranger ont fait grève lundi 27 novembre pour manifester contre les coupures budgétaires de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).
Par Jacques Simon
En juin dernier, le gouvernement Macron annonçait une coupure de 33 millions d’euros dans le budget de l’AEFE. Cette réduction, représentant environ 10% du budget de l’Agence, entrainera la suppression de 500 postes d’enseignants sur trois ans—soit 8% des effectifs. En dehors des coûts de sécurité et des investissements, aucune subvention ne sera versée en 2018. En parallèle à cela, une augmentation de 6 à 9% des la participation financière à l’AEFE des établissements conventionnés est exigée.
Mécontentement syndical
Le Syndicat National des Enseignements de Second degré (SNES), principal syndicat des enseignants français, a donc appelé à la grève lundi 27 novembre pour dénoncer un « coup brutal porté sur l’Etablissement public ». Au delà des coupures d’effectifs à venir, le syndicat cite « des projets d’ores et déjà abandonnés, des filières mises en cause, [le tout] conduisant à une privatisation encore plus grande du réseau ».
De façon inédite, un mouvement social a mobilisé les enseignants de l’étranger, qui ont été nombreux à répondre à l’appel. Le Point fait état de 57% de grévistes au lycée de Tokyo, 80% à Athènes, ou 83% à Viennes. Une pétition signée plus de 20 000 fois tourne sur internet, en vue d’être remise au président Emmanuel Macron.
Au Lycée Claudel d’Ottawa, où 22 des 33 enseignants résidents faisaient grève lundi dernier, une motion issue du SE-Unsa et datée du 27 novembre demande au ministère des Affaires Étrangères « d’intervenir afin de réviser cet arbitrage et de permettre de prendre la pleine mesure des besoins réels d’un établissement public AEFE », ainsi qu’une « consultation soit menée sur l’avenir du réseau des établissements français à l’étranger ». Autant de demandes qui témoignent du mécontentement qui règne au sein des syndicats.
Les professeurs en poste s’indignent
Inquiets de voir les capacités financières de leurs établissements diminuer ainsi que la survie de leur poste remise en question, beaucoup de professeurs des lycées français de l’étranger se sont indignés. « La décision du gouvernement […] a pour effet de mettre en péril l’existence même de l’AEFE » explique un professeur syndiqué au SNES. « Ces coupes ne sont pas temporaires, car elles mettent à mal les budgets de nombreux établissements qui vont peut-être décider de se déconventionner pour ne pas avoir à payer ces frais supplémentaires, et cela dès cette année » souligne-t-il. Pas question de parler d’assainissement généralisé des finances publiques pour cet enseignant, qui rappelle que c’est « l’influence culturelle de la France qui est atteinte ». Or, « ces économies vont obliger les établissements à augmenter fortement les frais de scolarité » et se reporteront inévitablement sur les parents d’élèves conclut-il.
Même analyse pour Charles Romero, représentant syndical du SE-Unsa pour le Canada, qui se dit « très inquiet pour l’évolution de l’AEFE, pas seulement au Canada mais dans le monde ». Même si les postes supprimés cette année « concernent des supports où il n’y avait pas de personnel, il n’y aura pas d’autres moyens, pour supprimer 330 postes dans les deux années à venir, que de ne pas remplacer des départs à la retraite mais également de ne pas renouveler le détachement des personnes actuellement en poste » explique-t-il. Or, cette amplification des coûts jumelée à une diminution des aides ne pourra qu’être comblée par une augmentation des taux d’enseignants « locaux » (payés directement par l’établissement et dans le devise du pays—par opposition aux « résidents » et aux « expatriés » qui sont payés en euros par l’AEFE) ainsi qu’une augmentation des frais de scolarité. De quoi « faire partir certaines familles » qui font déjà « d’importants sacrifices financiers » déplore M. Romero.
Le gouvernement fait bloc
Face à ce mouvement social, le gouvernement reste intransigeant. Un point de presse a été tenu le 27 novembre, dont l’objectif manifeste était de contrer les propos des syndicats. Ainsi, le gouvernement précise-t-il que les suppressions de postes ne concerneront pas les contrats en cours, que les subventions prévues pour la sécurisation des établissements seront conservées, et que la « participation financière des établissements à la vie du réseau reviendra à son niveau actuel en 2020 ».
Quant à Roland Lescure, député des français établis en Amérique du Nord et président de la commission économique, il explique que la réduction « s’est inscrite dans le cadre d’un effort collectif de redressement des finances publiques de l’Etat français » et souligne qu’aucune nouvelle coupe n’aura lieu pour les deux prochaines années à venir. Même tentative des autres élus LREM des français de l’étranger qui essayent de minimiser les conséquences des coupures, à l’image de Paula Forteza (élue des français d’Amérique Centrale du Sud) qui rappelle les « soucis de gestion comptable » de l’AEFE.
Afin de compenser les coupures, neuf parlementaires représentant les français de l’étranger (dont Roland Lescure) ont conjointement signé une lettre à Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères, dans laquelle ils appellent au « déblocage » de 69 millions d’euros en contributions non acquittés que détiennent une « quinzaine d’établissements ».
Une agence rayonnante
Véritable pilier du soft power français, l’organisme conventionne 492 établissements dans 137 pays, que fréquentent quelques 350 000 élèves dont 40% sont des ressortissants français. Certains craignent que cette diminution n’affecte le rayonnement de l’AEFE et la qualité de son enseignement.
En effet, l’Agence a pour but d’organiser l’éducation française en dehors des frontières de l’hexagone. Ainsi, elle supervise les établissements dits en « gestion directe » ainsi que ceux avec lesquels elle a passé une « convention ». Les établissements et l’agence entretiennent une relation de soutien bilatéral par laquelle l’AEFE paye certains enseignants et subventionne des projets, tout en recevant une cotisation en contre partie. Cette cotisation est financée par les frais d’inscriptions que payent les parents d’élèves.
Si l’Etat lui a versé 354 millions d’euros en 2017, le coût moyen de la scolarité reste de 5300 euros par année. En effet, rien que la masse salariale (soit 71% du budget) représente 786 millions d’euros. Néanmoins, si c’est une institution coûteuse, c’est aussi une institution qui marche bien. Avec un taux de réussite du bac de 96% (le ministère de l’éducation rapporte un taux général de 87,9%, soit nettement moins), l’Agence est clairement une réussite académique. Ces nouveaux bacheliers sont autant de personnes qui participent au rayonnement de la francophonie ainsi qu’à la culture française.
S’il n’y a pas de licenciements importants au Canada pour l’instant, les lycées n’en ressortent pas tous indemnes. Toronto perd d’ores et déjà deux postes de professeurs résidents, tandis que les lycées montréalais Stanislas et Marie-de-France perdent respectivement un poste de certifié de mathématiques et de lettres classiques.
C’est quoi «le soft power» ? il s’agit ici de l’avenir de la langue française à l’étranger et non de la promotion du franc-anglais …En 1992,quand le réseau a été enlevé du ministère des Affaires Etrangères pour créer l’AEFE , déjà l’avenir financier de celle-ci était problématique et dénoncé par une grève généralisée …Entre beaux discours et intentions véritables ,nous y voilà ..Qui veut noyer son chien … Il est clair que le gouvernement Macron veut plutôt favoriser la venue d’étrangers (Afrique et Asie ) dans les universités françaises – voir son discours au Mali -Quant à Mr Lescure , vibrant et soudain soutien de Macron ,malgré ses explications sur les efforts collectifs à faire et une signature au passage pour justifier son élection qu’attendre de lui ? CP.