De passage au Québec en visite privée la semaine dernière, le député atypique des Pyrénées-Atlantiques, Jean Lassalle, a rencontré l’Outarde Libérée pour une entrevue exclusive, dans laquelle il donne sa vision du Québec et indique que l’étranger, et les Français qui y vivent, est un horizon politique à cultiver.
Par Jacques Simon
Jean Lassalle, on ne sait pas trop où le placer sur l’échiquier politique français. Historiquement centriste et allié du MODEM, il s’est séparé de sa famille politique pour faire une campagne présidentielle indépendante. Connu pour son accent du sud-ouest, ses anecdotes rigolotes et ses passages télévisés pour le moins étonnants, il a apporté un teint de légèreté et de convivialité dans une campagne électorale minée par les affaires, l’agressivité et le questionnement. Si son pari présidentiel s’est soldé par un échec, le « berger » s’est néanmoins fait élire dans la 4ème circonscription des Pyrénées-Atlantiques et siège donc maintenant à l’Assemblée nationale.
Le mois dernier, son nom est aussi apparu dans le contexte du mouvement Balance ton porc. Plusieurs femmes l’ont dénoncé pour harcèlement, accusations qu’il a rejeté auprès de plusieurs médias, dont l’Outarde Libérée.
Le Québec, une province qu’il connaît et aime
Il était ravi de pouvoir faire un tour dans cette province canadienne « inégalable et magnifique ». Son premier séjour date de 1979, quand il était venu avec un groupe de jeunes de la commune dont il venait d’être élu maire, Lourdios-Ichère, mais il est depuis revenu « dans le cadre se [son] mandat ». Cette province, « presque un pays à elle seule », reste pour lui magique.
D’ailleurs, à l’image de ce que dit le député Roland Lescure, Jean Lassalle aimerait que la France s’inspire de la cousine d’outre-Atlantique sur certains sujets. La « flexibilité du système éducatif qui attire tant de ressortissants français », « l’oxygène, la liberté de la vie », « le savoir-vivre-ensemble, la gentillesse et la courtoisie » ainsi que « les boîtes à chanson » sont autant de « sérums positifs » qu’il aimerait voir importés en hexagone.
Malgré son émerveillement pour le Québec, il n’oublie pas le litige politique qu’il a connu avec une de ses grandes entreprises. En effet rappelle-t-il, ALCAN—à l’époque très présente dans les Pyrénées—avait décidé de désinvestir de la région. Cela aurait entraîné une perte importante d’emplois. Faisant médiation, il réussit à trouver une seconde entreprise, le japonais Toyal, pour reprendre l’usine délaissée. C’est le retrait de cette même entreprise qui le poussera, quinze ans plus tard, à faire une grève de la faim de 39 jours qui avait eu une résonance nationale. Il perd 21 kilos et est hospitalisé mais Toyal restera dans son canton d’Accous.
L’étranger, un horizon politique à cultiver
Le mouvement qu’il préside, « Résistons ! », n’avait pas de candidat pour la circonscription législative d’Amérique du Nord—chose pas anormale pour les petites formations politiques. Pourtant, c’est un territoire qu’il aimerait, à terme, investir : « je suis loin d’avoir fait ce que j’ai à faire », explique-t-il, « au delà des Français, je veux représenter les consciences que se retrouvent dans notre philosophie, dans notre Histoire »—consciences qui se trouvent donc en partie en Amérique du Nord.
Celles-ci mises à part, le Québec représente aussi un terrain potentiellement fertile pour ce député dont la langue maternelle est le béarnais. En effet, la lutte linguistique qui tiraille régulièrement les francophones du Canada n’est pas inconnue pour celui dont le français est la troisième langue (après le béarnais et l’aragonais). D’ailleurs, une des « trahisons majeures des élites françaises » est, selon lui, « l’abandon du français ».
La conservation d’une langue et de son rayonnement mondial n’est, certes, « pas un enjeu facile, mais encore faut-il le vouloir ! » s’indigne M. Lassalle, « il faut absolument que ceux qui ont la responsabilité des affaires du pays prennent ce sujet en main ». Or, justement, en ce moment c’est Emmanuel Macron et ses marcheurs qui sont aux commandes, et ceux-ci « s’en foutent comme d’une guigne ».
Les coupures dans le budget de l’AEFE, par exemple, sont une « catastrophe et une trahison à l’égard des ressortissants français » déplore le député, « mais c’est surtout un abandon programmé du français pour la suite […] qui va défaire ce qui a pris des siècles à construire ».
Le Québec, une région qui lui reste à conquérir
Malgré les similitudes entre l’expérience d’un régionaliste éloigné de la capitale et celle d’un français éloigné de la métropole, le discours de Lassalle reste encore peu entendu par les français en Amérique du nord. En effet, il n’a obtenu que 0,32% des scrutins sur le continent, soit un quart de sa moyenne hexagonale.
Plusieurs raisons se chevauchent pour expliquer ce faible résultat selon Lassalle, mais le fait que son financement de campagne ne lui ait été versé que « quelques jours avant le premier tour », a été un facteur important qui l’a empêché de venir à la rencontre des français de l’étranger. Pourtant, il semble clair que son discours résonne que très peu à l’extérieur de la France—voir même à l’intérieur. Jean Lassalle va donc devoir travailler son approche s’il souhaite avoir un succès politique en 2022.
(crédit photo: Modem)