En tournée en Amérique du Nord, Jean-Luc Mélenchon, figure emblématique de la gauche radicale française et chef de file de La France Insoumise, a effectué un passage remarquée au Québec du 14 au 17 avril 2025, pour présenter son livre « Faites mieux! vers la révolution citoyenne ». Cette visite a été l’occasion pour l’ancien candidat à la présidentielle de réaffirmer ses positions sur des enjeux allant de la politique française à la réalité québécoise, jusqu’aux tensions géopolitiques mondiales, en passant par la crise écologique et les mutations profondes de nos sociétés.
Au menu du leader politique français: conférence, rencontres, débat publique et beaucoup d’entrevues avec les médias. Jean-Luc Mélenchon a la formule et le verbe faciles, ses visites au Québec sont toujours couronnées de succès. Ses partisans québécois et français sont d’ailleurs nombreux. En avril 2022, il arrive en tête de l’élection présidentielle dans la circonscription de Montréal. « Je suis comme tous les Français, plein d’une affection irraisonnée pour le Québec » déclare sans détours Jean-Luc Melenchon au micro de Patrick Masbourian. « Je suppose que c’est le tempérament anti-américain », ajoute-t-il.
Trump n’est pas fou !
Le chef de file de La France Insoumise est effectivement venu apporter un « soutien effectif et affectif au Canada et à [ses] cousins québécois exposés aux menaces d’annexion de leur voisin, les USA« . Il s’explique au micro de Radio-Canada. « C’est une chose tellement incroyable que les « gringos » osent vous menacer de vous annexer », s’est indigné le leader de la gauche radicale française. Il déplore le silence des dirigeants européens, y compris le président français et la présidente de la Commission européenne, face à ces menaces.
« Nous sommes avec vous », a-t-il déclaré aux Québécois et aux Canadiens, allant jusqu’à affirmer que les « insoumis » seraient prêts à les aider « fusse avec des pierres et des bâtons » si leur voisin dépassait les frontières.
Lors d’une conférence à l’université McGill, devant 600 personnes, le leader politique français a livré une analyse globale des enjeux contemporains. Il est convaincu que Donald Trump a une « vision du monde » et qu’il n’est « pas fou ». Selon lui, Trump cherche à « rétablir la domination des États-Unis d’Amérique sur le monde », une domination menacée par la crise du dollar et l’essor de la Chine. Il qualifie la politique de Donald Trump de symptôme d’une crise de l’impérialisme américain.

Crise écologique et géopolitique
M. Mélenchon s’alarme de la perte de temps liée aux « guerres commerciales qui n’ont pas de sens » et à la guerre en Ukraine, qui éclipsent, selon lui, l’urgence des enjeux écologiques. Il a en effet dénoncé le « négationnisme écologique » du président américain, dont une des premières mesures fut d’annuler l’adhésion des États-Unis à la COP 21.
Il critique la réaction des « petits toutous » européens qui, selon lui, se sont empressés de suivre l’appel de Trump à augmenter leurs dépenses militaires. « Le capitalisme de notre époque est en crise et pour se sortir de la crise, il a besoin de l’économie de guerre », affirme-t-il.
La montée des droites
À la maison Théâtre de Montréal, devant une salle comble, Ruba Ghazal, députée Québec Solidaire de Mercier à l’Assemblée nationale du Québec, met la table et dénonce « la montée des droites » et le « gouvernement néo-libéral français », en préambule de l’intervention de Jean-Luc Melenchon, lors d’un rassemblement partisan.

C’est en anglais, s’adressant à Donald Trump, que Jean-Luc Melenchon a débuté son intervention devant les partisans de Québec Solidaire. « Mister President, I have a message for you… They said NO and NO means NO, in english as in french », a commenté le leader politique français, en parlant des Canadiens.
Très en verve, avec l’éloquence qu’on lui connait, M. Melenchon a attaqué les méthodes capitalistes du président américain. « Sa cible c’est la chine ! », s’est-il exclamé.
Quant à la situation de la gauche en France et en Europe, il constate le déclin significatif des partis sociaux-démocrates. Il plaide pour une gauche plus radicale, allant « à la racine des problèmes ». Il a critiqué l’inflexibilité du Parti socialiste français et a défendu sa propre « intransigeance » comme une « fidélité à l’idée que la gauche est d’abord une pensée vouée au respect de la souveraineté populaire ».
« Etre de gauche exige une forme d’intransigeance », assure le chef de file de La France insoumise. « Renoncez à être bien vus ! » a-t-il lancé aux nombreux partisans présents.
Une académie francophone
« La langue dite française n’appartient pas aux Français. Cette langue appartient à ceux qui la parlent », lance M. Melenchon. Il suggère de débarrasser la francophonie « de cette part de colonialisme et d’européo-centrisme » qu’elle contient.
Il redéfinie « sa » francophonie, en rappelant que le pays dont la population est la plus nombreuse à parler le français n’est pas la France mais la République démocratique du Congo (RDC). selon lui, il n’y a pas d’avenir à cette langue « sans le processus fondamental de la créolisation ».
Il suggère une Académie francophone (au lieu de l’Académie française) afin que tous les francophones participent à la définition de la langue commune, et fustige la Cité internationale de la langue française lancée par le président Macron.
Il appelle également de ses vœux une francophonie politique. « Nous n’acceptons pas qu’à l’intérieur de la francophonie, les uns envahissent les autres », s’insurge le chef des Insoumis, en citant l’exemple du Rwanda qui a envahit la RDC. Il complète: « Nous devons porter le français comme une langue de causes communes, une francophonie des causes communes ».
Son 22e livre traduit en anglais
Jean-Luc Melenchon vient présenter son dernier livre, « Faites mieux! vers la révolution citoyenne« , également, et pour la première fois, traduit en anglais. C’est ce qui l’emmènera aux États-Unis à l’issue de sa visite québécoise.
Il définit son livre comme un « appel à l’insoumission permanente », une posture qu’il assume pleinement en se qualifiant de « révolutionnaire des temps modernes ».
La délégation est composée de Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’Institut La Boétie, Marina Mesure, présidente de la délégation insoumise au Parlement européen, Arash Saeidi, vice-président de la délégation pour les relations avec le Canada du Parlement européen, Aurélien Taché, député insoumis du Val d’Oise, rapporteur Francophonie et membre de la commission interparlementaire franco-québécoise.