Après plus d’un an d’attente, Dany Laferrière a fait son entrée à l’Académie française ce jeudi 28 mai 2015. Deux jours plus tôt, l’écrivain a reçu son épée personnalisée au cours de la cérémonie de l’épée qui s’est tenue à l’hôtel de ville de Paris.
Ce 12 décembre 2013, Dany Laferrière court voir sa mère pour lui dire que “son fils est devenu un Immortel.” Elle lui répond alors : “Grosse affaire!”. Elu à l’Académie française, il a fallu attendre plus d’un an avant que l’auteur y fasse son entrée. Il succède à Hector Bianciotti au fauteuil n°2, autrefois occupé par Montesquieu ainsi qu’Alexandre Dumas fils, lui-même d’origine antillaise.
« J’ai connu l’angoisse de l’écriture, maintenant c’est la fête »
La cérémonie de remise de l’épée s’est déroulée ce mardi 26 mai au soir sous les flashs des nombreux photographes. Les invités emplissaient la majestueuse salle Saint-Jean de l’hôtel de ville de Paris, de leurs accents haïtiens, québécois et français. De grands noms étaient présents : à côté de la ministre Hélène David et de la maire Anne Hidalgo, on pouvait aussi y croiser Caroline de Hanovre et Charlotte Rampling.
Dany Laferrière s’est vu remettre son épée par Jean d’Ormesson face à une salle pleine à craquer. Une épée très personnelle, réalisée par le sculpteur haïtien Patrick Vilaire, lui-même présent parmi les invités.
« Tout ce que je veux, c’est une épée haïtienne, faite en Haïti avec les moyens du bord », insiste le nouvel immortel. Fabriquée en Haïti, un simple dessin associé au dieu du panthéon vaudou, Legba, surplombe l’épée. La réalisation a nécessité plus de quatre mois de travail. « L’épée d’Académicien n’est pas une arme mais une plume », avait lancé le sculpteur. La pointe s’est donc transformée en une plume dont l’extrémité se termine par une petite bulle d’encre. Une arme qui ne tue pas, mais qui garde une force symbolique.
Diversité et ouverture de l’Académie française
Ce nouvel immortel est le premier Québécois, premier Canadien, premier Haïtien ainsi que le plus jeune auteur à siéger sous la Coupole. Cet « être en trois morceaux », est reçu à l’Académie française par l’écrivain libanais, Amin Maalouf, pour prendre la place d’un argentin d’origine italienne. Un melting-pot aux couleurs de la francophonie.
[caption id="attachment_11134" align="alignleft" width="300"] Dany Laferrière et Jean d’Ormesson[/caption]« Noir, québécois et haïtien à la fois, tu as fait un film et, en plus, tu es écrivain, tu ne trouves pas que tu exagères ? » – Jean D’Ormesson.
Nouveau défi. C’est à lui de faire l’éloge de son prédécesseur, qu’il n’a pas connu, devant les amis et confrères de l’ancien académicien. “Grosse affaire”, dirait sa mère ! Mais l’immortel réalise un discours sans faute, relatant son unique rencontre avec Hector Bianciotti.
Cette allocution remarquable est écoutée avec attention par le président de la République, François Hollande, assis au centre de la salle. Derrière lui, la ministre Fleur Pellerin et le Premier ministre du Québec Philippe Couillard, apprécient le discours, tout comme l’ensemble des invités présents sous la coupole.
En réponse, Amin Maalouf revient sur l’enfance de l’auteur et souligne que sa nonchalance est sa “forme d’élégance”. “Si j’ai bien compté, cet ouvrage (L’art presque perdu de ne rien faire) est le vingt-troisième que vous publiez. Curieuse manière de ne rien faire !”
« Je suis né en Haïti mais je suis né écrivain au Québec »
Mélange des couleurs et unité francophone
D’un côté, le vert, couleur de l’institution, que l’on trouve des 40 fauteuils des académiciens jusqu’à la moquette des escaliers. De l’autre, le bleu qui s’est imposé. Un clin d’œil aux couleurs du Québec. L’immortel a d’ailleurs précisé lors de la cérémonie de l’épée : « Je suis né en Haïti mais je suis né écrivain au Québec ».
Les Québécois présents ont particulièrement apprécié le discours de leur compatriote. « Je n’ai entendu aucun anglicisme. Que ça fait du bien d’entendre un français pur ! Et entendre les mots de Gaston Miron, ici, c’était de l’art », s’émerveillait Julie Snyder. Philippe Couillard a lui aussi exprimé sa fierté : “En même temps qu’il est reçu à l’Académie française, c’est tout le Québec qui entre dans la lumière et se distingue.”
Une fois la fête terminée, une question se pose : Que va apporter Dany Laferrière ? Amin Maalouf répond sans hésitation : « Il peut contribuer à introduire des expressions du Québec en France ou des éléments du créole haïtien ». De son côté, le nouvel immortel répond avec modestie : « Moi-même ! ».
(crédit photo : Sarah Wargny)]]>